Vendredi 7 octobre, l'association environnementale Bloom attaque devant le Conseil d'État un décret sur les aires marines protégées. Elle accuse le gouvernement d' "imposture écologique" et lui reproche de ne pas avoir explicitement interdit toute activité humaine dans certaines de ces zones nombreuses en Bretagne, comme le Parc marin d'Iroise.
La France, tout comme l'Union européenne, affiche de grandes ambitions en matière de biodiversité. Son objectif affiché est de protéger 30% de ses eaux, dont un tiers sous un statut de "protection forte" d'ici 2030. C'est un point clé des négociations internationales sur le climat et la sauvegarde de la biodiversité.
Or, selon une étude du CNRS en 2021, seulement 1,6% des eaux françaises relevaient du niveau maximum de protection. 80% de ces zones de protection maximales sont situées dans les Terres australes (au sud de l'océan Indien). A contrario, remarquent les auteurs de cette étude, "en métropole, les niveaux de protection sont extrêmement faibles. A titre d'exemple (...), presque 40 % de la façade Atlantique-Manche-Mer du Nord est sous un statut d’Aire Maritime Protégée tandis que 0,01 % reçoit une protection haute ou intégrale."
A bien y regarder, ce qui fait débat, c'est la définition même de "protection forte".
Les aires marines protégées bretonnes
Qu'est-ce qu'une "protection forte" ?
Pour tenir l'objectif, réaffirmé par le président Emmanuel Macron en mai au sommet One Ocean à Brest, le gouvernement a publié le 12 avril le décret définissant une aire, maritime ou terrestre, sous "protection forte" autrement dit la protection maximale en France.
Il s'agit d' "une zone dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne", avec une réglementation adaptée et un contrôle effectif.
La France (...) amoindrit l'ambition écologique européenne pour l'océan"
Claire Nouvian, fondatrice de l'association BloomBloom Association
Pour Bloom, la formulation de "ce décret blanchit les activités destructrices dans les zones de protection forte (ZPF), alors que celles-ci devraient interdire toute activité humaine".
La France, deuxième puissance maritime au monde en surface, "amoindrit l'ambition écologique européenne pour l'océan en créant une définition juridique dans laquelle les industries extractives pourront s'engouffrer pour poursuivre leurs activités bio-climaticides dans les zones supposément protégées", poursuit le communiqué.
La pêche industrielle accusée en Mer d'Iroise
L'ONG publie également une étude sur l'intensité de la pêche dans l'ensemble des aires maritimes protégées (AMP) françaises, quel que soit le degré plus ou moins fort de protection (en 2022, près de 33% des eaux françaises sont couvertes).
Menée à partir des données satellites des navires, l'étude révèle qu' "en 2021, la pêche industrielle a passé près de la moitié de son temps (47%) à pêcher dans des aires marines supposément protégées", à divers degrés, affirme l'association. L'ONG dénonce l'utilisation d'"engins qui raclent les fonds comme le chalutage de fond ou la senne démersale", notamment en Mer d'Iroise (Finistère) et dans les Bouches de Bonifacio (Corse).
De la parole aux actes
"A quelques semaines de la COP27 sur le climat et de la COP15 sur la diversité biologique, la France doit passer des paroles aux actes et se doter d'un régime de +protection stricte+ conforme aux recommandations scientifiques internationales", notamment celles fixées par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), et interdire la pêche industrielle, dont le chalutage de fond, dans l'ensemble de ses aires marines dites protégées", conclut Bloom.