A 73 ans et demi, Jo Le Guen va embarquer seul sur les traces de Magellan pour rendre hommage aux grands navigateurs et contribuer à sensibiliser sur les droits de l’Homme. Un pari osé pour le navigateur breton. Départ prévu ce vendredi à 12 h du port de Lanildut dans le Finistère.
Jo Le Guen devrait quitter le port de Lanildut, dans le Finistère, ce vendredi à 12 h, à bord d’un voilier d’une quarantaine d’années. Un bateau de 8 mètres 23 de long, baptisé pour l’occasion "Juan Elcano", le nom du premier capitaine à avoir effectué un tour du monde.
Avec un retour escompté le 8 septembre 2022, le jour du 500 ème anniversaire de l’arrivée à Séville, en Espagne, de la Victoria, le seul bateau rescapé de la flotte emmené par Magellan pour découvrir le célèbre détroit qui porte désormais son nom.
Pari osé
Un pari osé pour ce navigateur originaire de l’île Molène qui a participé à une dizaine de traversées de l’Atlantique à la voile ou à la rame, sans jamais réaliser un véritable tour du monde.
Et c'est bien sa version de l’histoire qu’il compte ramener à bon port. Un éclairage historique qui fait la part belle à un esclave acheté par Magellan, Enrique. Enrique qui selon ses lectures et lui-même, pourrait être le premier à avoir bouclé le premier tour du monde. Magellan est mort, lui, sur l'île de Mactan aux Philippines le 27 avril 1521. Seul un de ses capitaines, Juan Elcano, achèvera le voyage en 1522.
Pourquoi une telle expédition ?
Si il y a bien une chose qu'il n'aime pas Jo c'est parler et parler encore...il aime l'action, l'aventure. Et cette expédition en solitaire qu'il va tenter est motivée par l’échec de son dernier projet : une traversée de l’Atlantique pour observer les écosystèmes marins, qui n’a jamais abouti, faute d’argent.
Alors il se plonge dans les livres, pour oublier son échec et aussi tenter de comprendre la véritable histoire de ces pionniers des mers qui sont à l’origine de la première circumnavigation.
Il se rend compte que la véritable histoire de ces premiers grands navigateurs n'est pas simple à appréhender. Son projet est né : il veut "remettre l'étrave de son bateau" sur les traces de Magellan.
Magellan une histoire pas si simple
Si vous échangez avec Jo sur l'histoire de ces navigateurs, mieux vaut vous accrocher ou avoir revu vos classiques car il est intarissable. Entre ses derniers préparatifs sur le bateau et les échanges avec son frère, il accepte volontiers de nous confier ce qu'il en a retenu.
"Mais au-delà de ça, confie le navigateur finistérien, on se rend compte qu'ils sont nombreux les capitaines à avoir fait des demi-tours du monde. L'histoire est souvent racontée de manière romantique, on oublie que, lors de ces expéditions, les populations autochtones ont souvent été massacrées. Ils échangeaient des clous contre de l'or...et leur supériorité technologique leur permettait de dominer les populations. C'est un peu tout ça que j'ai envie de raconter. Comment les Portugais et les Espagnols se partageaient le monde à l'époque, avec l'accord de l'église, et s'enrichissaient".
Magellan c'est une histoire extraordinaire qui m'a permis de sortir de mon échec. Et je suis vieux, alors je sais que je vais mourir et un tour du monde je l'ai jamais fait...alors.
Enrique, l'esclave qui aurait réalisé la première circumnavigation ?
Et quand vous parlez de Magellan, Jo parle volontiers de son esclave Enrique. Cet esclave que Magellan a acheté lors d'une expédition menée en 1511 avec le Portugal, dont il était originaire, pour coloniser l'Indonésie. A l'époque, personne ne connaissait le détroit de Magellan ni la taille de l'océan Pacifique. Pour accéder à l'Indonésie, les navigateurs passaient au sud de l'Afrique.
"Cet esclave, Magellan va le ramener au Portugal puis en Espagne. Car à l'époque les Portugais, qui ont déjà colonisé de nombreux territoires, ne s’intéressent pas au projet de Magellan, raconte Jo Le Guen. Magellan décide alors de se rendre en Espagne pour obtenir de l'argent pour son expédition. Enrique sera son traducteur. Enrique qui trahira, sans doute, Magellan lors d'un combat tribal. Magellan y trouvera la mort. Enrique l'esclave est rentré chez lui après mais aucun livre ne retrace son histoire complète. Il pourrait bien être le premier homme à avoir accompli cette circumnavigation".
Une version de l'histoire trop souvent ignorée, selon Jo." Imaginez si on affirmait aujourd'hui que c'est un esclave qui a réalisé le premier tour du monde à la voile..." !
Dans le sillage de Magellan avec des écoliers
S'il y a une chose que Jo Le Guen aime partager, c'est sa sensibilité aux droits de l'Homme. Avant son départ, il est allé dans une classe pour échanger avec les enfants sur sa vision de l'histoire de Magellan.
Il veut raconter l'histoire telle qu'elle est. La remettre dans son contexte. "Il faut remettre les pendules à l'heure. Expliquer d'où proviennent certaines richesses dont nous profitons encore en Europe. Souvent cette richesse a été pillée à d'autres peuples qui se sont fait massacrer."
L'histoire de ces grands capitaines, certains professeurs des écoles pourront la raconter en suivant le périple de Jo Le Guen. Pour cela, il s'est associé à Profs en transition, un site international de professeurs des écoles ou d'éducateurs qui souhaitent éveiller les consciences des élèves aux défis écologiques de demain. Au total ce site regroupe 25.000 professionnels qui échangent entre eux sur des thématiques diverses.
Hissez haut !
Jo Le Guen va donc prendre la mer depuis le premier port goémonier d'Europe, c'est là ou il réside. Une fenêtre météo s'offre à lui pour descendre le golfe de Gascogne entre 12 h et 14 h.
Son budget pour cette aventure hors norme est de 16.000 euros de fonds privé. Mais, avec beaucoup d'humour, Jo confie que la première étape de son voyage, c'est bien de passer la pointe Saint-Mathieu au large de Brest.
Jo Le Guen en quelques dates
1995 : il traverse l'océan Atlantique en 103 jours dans le sens est-ouest en solitaire à la rame et sans assistance.1997 : il rame en duo avec Pascal Blond, ancien détenu, et rallie Les îles Canaries à la Barbade en 49 jours
2000 : il tente de rejoindre le cap Horn en partant de la Nouvelle-Zélande en ramant en solitaire sans assistance. Mais le 3 avril, il abandonne après 60 jours de mer
2006 : avec 15 autres concurrents de St-Louis du Sénégal, il s'élance à destination de Cayenne en Guyane, dans la course transatlantique à l’aviron, en solitaire, sans escale ni assistance