Le secteur médico-social peine à recruter. Face au manque de personnel, l'association Les Genêts d'Or est parfois dans l'impasse pour assurer l'accueil de ses résidents handicapés. Elle demande aux familles de les garder à domicile. "On sent bien que le navire craque de tous côtés" alertent les parents.
Le courrier de la direction des Genêts d'Or est arrivé dans les boîtes aux lettres des familles à la mi-avril. L'association, qui prend en charge 2.200 personnes handicapées dans ses 40 structures du Finistère, explique qu'elle "fait face à d'importantes difficultés de recrutement cumulées aux absences de titulaires, remettant en cause [sa] capacité à assurer en sécurité [sa] mission auprès des personnes accompagnées".
Conséquence : elle demande aux parents de garder leurs proches handicapés à domicile, "lorsque cela est possible". Les week-ends, pour les adultes en foyers d'hébergement. En semaine, pour ceux qui se trouvent en foyers de vie, foyer d'accueil médicalisé, maison d'accueil spécialisée (MAS), IME et en accueil de jour.
"Ça craque de partout"
Par ce biais, les Genêts d'Or veulent "réduire les jours d'accueil" et "permettre le redéploiement des professionnels" là où les besoins existent. L'association évoque même la possibilité de "fermer temporairement certains établissements si la situation continue à se dégrader". C'est d'ailleurs ce qui est arrivé pendant les vacances de Pâques : l'accueil de jour du foyer de Briec n'a pas fonctionné et ses deux salariés sont allés travailler ailleurs.
Si, au moment où il répond à nos questions par téléphone ce mardi, le directeur général des Genêts d'Or assure que "tout est rentré dans l'ordre" et que "cette lettre ciblait uniquement la période des vacances", Yannick Arzel parle aussi de "courrier préventif" dont les modalités seront à nouveau appliquées "si nécessaire".
On n'a pas le choix. On subit et on ne peut pas faire autrement
Delphine Guilcher, membre du collectif de parents IME 29
Pas de quoi rassurer les familles d'autant que le secteur médico-social peine à recruter et que les tensions en personnel durent depuis de longs mois. "Ça craque de partout, observe Delphine Guilcher, qui avec d'autres parents, a créé le collectif IME 29. Son fils de 26 ans est accueilli à l'Institut médico-éducatif (IME) de Plabennec. "Même si on savait qu'il y avait des problèmes, un courrier pareil, c'est la douche froide" .
Elle raconte avoir appris, il y a 24 h, que son fils ne pourrait pas séjourner à l'internat de l'IME ce mercredi soir, comme il en a l'habitude. "Il n'y pas suffisamment de professionnels pour qu'il puisse rester, déplore-t-elle. Alors, on n'a pas le choix. On subit et on ne peut pas faire autrement. On doit trouver des solutions de dernière minute pour nous organiser, mon fils ne comprend plus ce qui se passe, cela provoque de l'inquiétude et le déstabilise aussi".
"Perte de sens"
Yannick Arzel pointe "le manque d'attractivité" du secteur médico-social, "délaissé par les pouvoirs publics depuis une quinzaine d'années". Des salaires revalorisés de 0,02 centimes du point en 2021, c'est peu. "C'est clair que ça n'attire pas, constate Fabien Huguet, délégué syndical CGT aux Genêts d'Or. Cela fait un moment qu'on interpelle la direction, l'Agence régionale de santé, le Conseil départemental sur ces questions de salaires et sur nos conditions de travail".
Cet éducateur spécialisé évoque "la perte de sens" dans son métier et se demande parfois s'il ne va pas finir par claquer la porte. "C'est une idée qui me traverse et qui traverse mes collègues, confie-t-il. Il y a des démissions, des arrêts pour épuisement. Est-ce que le jeu en vaut encore la chandelle vu comment nos qualités professionnelles se retrouvent bradées ? Je ne sais plus. Dans le foyer où je travaille, les remplacements sont assurés par des accompagnants non-qualifiés qui s'occupent des soins des résidents, de l'habillage, des repas, des médicaments".
Mettre une rustine ici et là, on ne peut pas s'en contenter
Fabien Huguet, délégué syndical Genêts d'Or
Fabien Huguet alerte sur "la dégradation de la prise en charge des personnes handicapées", faute de moyens. "Mettre une rustine ici et là, on ne peut pas s'en contenter" affirme le syndicaliste.
Les 183 euros de prime Ségur ? "Ça ne va pas résoudre les problèmes de recrutement sur le long terme" analyse-t-il. Une prime que tous les salariés ne toucheront pas, puisque certains en sont écartés. Le Conseil départemental financera ces 183 euros "dès que les décrets indiquant qui doit les percevoir seront sortis, précise Maël de Calan, le président du Département du Finistère. Cela constituera un investissement global de 9 millions d'euros, dont 3 millions à la charge du Conseil départemental".
"Aidez-nous"
40 à 50 postes sont actuellement vacants aux Genêts d'Or, selon la direction qui indique avoir recours aux intérimaires "qualifiés". Pourquoi ne sont-ils pas embauchés ? "Parce que l'intérim est plus avantageux qu'un CDI" reconnaît Yannick Arzel.
Le directeur général de l'association aimerait "que l'on parle positivement de ce qui se fait dans les différentes structures d'accueil", "des métiers passionnants" qu'elles abritent, mais la réalité des salaires et de l'organisation de travail tendue ne peut être balayée d'un geste de la main.
Pour sa part, Maël de Calan, qui a dévoilé, en mars dernier, son plan pour le handicap avec, notamment, la création de 542 places en foyers de vie pour les jeunes adultes à partir de 20 ans, annonce avoir "autorisé le cumul entre RSA et salaire d'activité pendant trois mois pour inciter les 17.000 allocataires à aller travailler dans le secteur médico-social cet été".
Le collectif des parents de l'IME 29 a, de son côté, pris le taureau par les cornes et sonné l'alerte dans un courrier adressé au président du Département du Finistère. "Les associations comme les Genêts d'Or ont du mal à recruter, les familles sont désespérées, est-il écrit. Aidez-nous à faire comprendre au gouvernement qu'une grande nation prend soin de ses sujets les plus faibles, aidez-nous à motiver les jeunes à choisir le médico-social".
Une autre lettre est en cours de rédaction. A destination, celle-là, d'Emmanuel et Brigitte Macron.