Législatives 2024. "C'est pas votre tête sur les affiches", à Brest, une triangulaire à l'issue imprévisible qui fait grincer les dents

Dans la 2e circonscription du Finistère, celle de Brest-Centre, les électeurs vont devoir trancher entre trois candidats, ce dimanche 7 juillet 2024. Le député sortant, arrivé 3e au soir du premier tour des législatives, ne s'est pas désisté. Face à lui : le Nouveau Front populaire, en tête, et le RN, en 2e position. Reportage sur ce marché où les trois hommes faisaient campagne le même jour.

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Quand il arrive sur le marché de Bellevue, en cette fin de matinée du 4 juillet 2024, le député sortant Jean-Charles Larsonneur (sans étiquette) se retrouve nez à nez avec Denis Kervella, le candidat du Rassemblement national (RN). Poignée de mains cordiale, "républicaine" dit le premier. Large sourire du second. La rencontre dure quelques minutes, le temps de partager des constats sur un quartier "qui souffre au plan social et de la sécurité".

"Bon marché, Monsieur Kervella" lance soudain Jean-Charles Larsonneur qui file vers les étals, distribuant au passage son tract de campagne. "Si vous n'aimez pas les Insoumis et Mélenchon, un seul vote utile : Larsonneur" dit-il à un habitant.

"Rassembleur de bonnes volontés"

La présence de l'extrême droite au second tour des législatives dans la circonscription de Brest-Centre, la 2e du Finistère, semble ne lui faire ni chaud ni froid. "Le sujet, ce n'est pas de faire barrage au RN car il a atteint son plafond de voix ici, affirme, sûr de lui, celui qui est arrivé 3e au soir du premier tour (18,48 % des voix), derrière le Nouveau Front populaire (NFP) emmené par Pierre-Yves Cadalen en tête (35,28 %) et le RN en deuxième position (22,58 %). "Le sujet est : est-ce que l'on veut des Insoumis ou de moi ?" martèle-t-il.

Bien que qualifié de justesse pour le vote de ce 7 juillet, Jean-Charles Larsonneur a suivi sa propre logique politique et balayé d'un geste l'idée de son désistement. Le danger n'est pas à l'extrême droite, selon lui. Il se présente en "rassembleur des bonnes volontés, des gaullistes jusqu'aux communistes, pour former un gouvernement d'union" car, assure-t-il, "notre pays va connaître un moment de grave crise politique". Il agite la menace d'un "shut down" à l'américaine, "un pays sans budget voté, un pays bloqué".

Le député sortant a fait son calcul : en additionnant les 17,04 % de voix de Tristan Bréhier (candidat de la majorité présidentielle) et celles de la LR Françoise Houard (2,7 %), qui ont tous deux appelé à voter pour lui, Jean-Charles Larsonneur est persuadé de gagner.

Le score sera "serré", "sur le fil" estime-t-il, même si le report des voix reste pour l'instant pure théorie. En 2022, il avait remporté l'élection avec seulement 118 voix d'avance sur Pierre-Yves-Cadalen, sa bête noire.

"Tourner la page du macronisme"

Le candidat NFP, lui, n'a que faire des attaques de son adversaire. "Je ne vais pas passer mon temps à commenter sa campagne de dénigrement à mon encontre" souffle-t-il, faisant référence au tract diffusé par le député sortant dans lequel il fustige "La France insoumise de Mélenchon".

"Larsonneur est un homme seul, qui n'a ni programme ni groupe à l'Assemblée nationale, constate Pierre-Yves Cadalen. Nous, nous avons un projet de nature sociale, écologique et démocratique". L'Insoumis rappelle l'enjeu de ce second tour des législatives : battre le RN. "Nous, nous ne nous trompons pas d'adversaire, relève-t-il. Brest, Guilers, Bohars et Gouesnou doivent faire un choix clair. Soit, ils envoient un député de gauche à Paris, soit ils ne le font pas avec le risque d'abandonner le pays à l'extrême droite".

Sur le marché de Bellevue, où il fait également campagne ce 4 juillet, le candidat de gauche prend le temps de parler avec celles et ceux qui l'interpellent. "Le pays a besoin d'apaisement, explique-t-il. Il faut tourner la page du macronisme".

"Pas bleue mais brune"

Autour de Pierre-Yves Cadalen, un comité de soutien s'est formé qui réunit 300 signataires parmi lesquels Irène Frachon, la pneumologue de l'hôpital de Brest qui a mis au jour le scandale du Mediator, le chanteur Christophe Miossec, l'acteur Yvan Le Bolloc'h mais aussi des élus et anciens élus de gauche bretons, qu'ils soient socialistes, écologistes ou communistes. Benoît Hamon et son frère Xavier (adjoint au maire de Brest) ont également inscrit le mouvement Génération.s dans cette dynamique.

Le maire de Brest, François Cuillandre, a lui aussi appelé à voter Cadalen, "la France n'est pas à l'abri d'avoir une majorité de députés d'extrême droite, écrit-il dans un communiqué, et un gouvernement de même couleur politique : pas bleue mais brune". "La 2e circonscription du Finistère a placé le candidat NFP en tête. Dimanche, il faut confirmer ce choix" ajoute-t-il, demandant aux électeurs de "dépasser les provocations instrumentalisées de Jean-Luc Mélenchon" et "d'oublier le refus de Pierre-Yves Cadalen d'appeler à voter pour la liste d'union de la gauche" au second tour des municipales de 2020. "En ce qui me concerne, j'ai le sens des responsabilités" souligne François Cuillandre.

"C'est pas votre tête sur les affiches"

Le quartier de Bellevue, qui vote traditionnellement à gauche, n'est pas l'endroit qui sied le mieux au candidat RN. Beaucoup d'habitants l'évitent. Mais pas cette bénévole du Secours populaire qui s'arrête quand Denis Kervella lui tend un tract. "Ah ben, c'est la première fois que je vois votre gu...., lui assène-t-elle. Sur vos affiches, c'est la tête de Bardella et Le Pen. Pourquoi ?". "On a été pris par le temps" répond l'intéressé. "Oui, bah, tout le monde l'a été" rétorque-t-elle. S'ensuit un échange animé à l'issue duquel cette dame finit par lâcher : "les personnes qui luttent pour améliorer la vie des gens, ça vous dérange. Allez, bonne journée !".

Denis Kervella encaisse puis reprend son tractage. Il dit courir après le temps, argue qu'il n'est pas "un pro de la politique" et que "les votes pour [lui]" sont avant tout "des votes pour le tandem Bardella-Ciotti".

Sur le terrain, s'il se sent "plus à l'aise à Guilers et Gouesnou" où le RN est arrivé en tête le 30 juin, le candidat de l'extrême droite affirme que "les jeux ne sont pas faits" sur l'ensemble de la circonscription. "La vague qui nous porte sera plus forte au second tour, j'en suis certain" se réjouit-il. Il tacle Pierre-Yves Cadalen, "qui a des convictions à l'opposé des [siennes]", et Jean-Charles Larsonneur, "qui est prêt à vendre son âme au plus offrant mais n'aura aucun poids sur Brest"

Reste à savoir qui sortira vainqueur de cette triangulaire, le dimanche 7 juillet, dans une circonscription où tout peut basculer de manière imprévisible.

Les résultats des législatives 2024 dans le Finistère, le Morbihan, l'Ille-et-Vilaine et les Côtes-d'Armor sont à suivre en direct, ce 7 juillet, sur France 3 Bretagne et sur notre site internet 

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