C'est la victoire d'Irène Frachon, après 16 ans de combat. Les laboratoires Servier ont été condamnés ce mercredi 20 décembre par la cour d'appel de Paris qui confirme la condamnation du groupe pour tromperie aggravée, homicides et blessures involontaires. Condamné à payer 415 millions d'euros à l'assurance maladie et aux mutuelles, le groupe devra également indemniser chacune des victimes. Première à dénoncer les faits en 2007 la pneumologue brestoise Irène Frachon réagit.
Pour la cour d'appel de Paris, l'escroquerie du laboratoire Servier ne fait aucun doute. Son antidiabétique, le Mediator était surtout utilisé comme coupe-faim. Relaxé en première instance, le laboratoire n'échappe pas cette fois à la condamnation, il devra rembourser 415 millions d'euros à l'assurance maladie et aux mutuelles. Un montant record.
Irène Frachon, qui dénonce cette escroquerie depuis 16 ans, ne cache pas sa satisfaction : "On a eu un magnifique jugement. On a entendu des mots très forts d'une grande humanité. Les condamnations et les punitions sont exemplaires. C'est ce que nous réclamons depuis des années et ça fait du bien quand enfin on entend cela. Une page se tourne bien sûr pour nous, les défenseurs, mais c'est surtout quelque chose de fondamental pour que les victimes puissent continuer à aller de l'avant, qu'elles puissent faire leur deuil."
On est en fait aujourd'hui au-delà de 2000 morts car au départ les estimations ne concernaient que les morts par valvulopathie mais depuis que l'affaire a éclaté on a recensé beaucoup de morts aussi par hypertension artérielle, et le décompte se poursuit
Irène Frachonpneumologue brestoise
Celle qui avait fait le voyage à Paris pour entendre l'arrêt de la cour d'appel est tout sourire. Pour elle, c'est la fin d'une longue injustice : "On est en fait aujourd'hui au-delà de 2000 morts, car au départ les estimations ne concernaient que les morts par valvulopathie, mais depuis que l'affaire a éclaté on a recensé beaucoup de morts aussi par hypertension artérielle, et le décompte se poursuit. Tout ceci est absolument monstrueux et surtout des gens continuent à souffrir et à mourir et ça, c'est terrible. Je reçois des messages de personnes très malades qui sont en grande insuffisance cardiaque et qui ont peur de mourir, c'est absolument insupportable."
On sait maintenant que ce sont des escrocs et des criminels.
Irène Frachonpneumologue brestoise
Plus qu'une simple victoire contre un laboratoire, pour la lanceuse d'alerte, c'est une victoire contre un système, explique-t-elle : "Le message qui est adressé à ce que j'appelle un complexe médico-pharmaceutique, c'est 'ça vous n'avez pas le droit de le faire'. Voilà pourquoi je voudrais que l'Académie nationale de médecine renonce enfin à avoir comme unique mécène le laboratoire Servier. On sait maintenant que ce sont des escrocs et des criminels, donc il y a un moment donné où il va falloir comprendre le terme de conflit d'intérêts".
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Pour elle, 30 ans d'enquête et de combat
Quand elle a croisé sa première victime du Mediator, la pneumologue brestoise avait 27 ans. " Je sors extraordinairement heureuse et soulagée. J'étais malade quasiment physiquement depuis quelques jours avant de venir ici. Et là, ce qu'on a entendu, cette précision, les mots utilisés, techniques, humains, juridiques... c'était parfait. C'est ce que nous attendions, donc le soulagement est immense. Immense! Maintenant, ce n'est pas fini. Je vais rester présente auprès des victimes parce que les processus d'indemnisation ne sont pas terminés et puis, il va y avoir un deuxième procès au pénal pour blessures et homicides involontaires."
Ce mercredi 20 décembre, la cour d'appel de Paris a également alourdi l'amende prononcée en première instance. En septembre 2019, le laboratoire Servie avait été condamné à 2,7 millions euros d'amendes pour "tromperie aggravée" et "homicides et blessures involontaires". Pas assez pour la cour d'appel qui fixe désormais ce montant à 8,75 millions d'euros.
Les avocats du laboratoire Servier ont déjà annoncé qu'ils se pourvoiront en cassation.