Pêche au chalut de fond : l'amendement qui divise

"Pour les conservateurs, l’amendement va trop loin, pour les écologistes, pas assez . C’est un compromis" explique le Finistérien Pierre Karleskind, président de la commission de la pêche au Parlement européen. Cette semaine, il a déposé un amendement pour interdire la pêche au chalut de fond dans les aires maritimes strictement protégées. Un amendement qui a fait couler beaucoup d’encre. Explications.

Au Parlement européen, un amendement du Président de la commission de la pêche, Pierre Karleskind pour limiter la pêche au chalut de fond crée la polémique. "Pour les conservateurs, l’amendement va trop loin, pour les écologistes, pas assez . C’est un compromis"  se défend le Finistérien. 

"Se faire traiter d’écocide, cela n’est évidemment pas très agréable. Je suis océanographe, j’ai travaillé sur les aires marines protégées, alors vraiment…"

Le député européen Pierre Karleskind reste droit dans ses bottes et assume son amendement. "En négociation, on m’a appris qu’un bon accord, c’est quand personne n’est content. Cela prouve qu’on est pile au milieu ! Là, vue la bronca des deux côtés, ça doit être un très bon accord ! "

Ecocide pour les Verts

 L’eurodéputée belge, Caroline Roose, du groupe des Verts souhaitait interdire le chalutage de haut-fond dans toutes les aires marines protégées. Mais le brestois, Pierre Karleskind, président de la commission de la pêche au Parlement européen, a proposé un amendement qui restreint l’interdiction aux zones "strictement " protégées.

L’association BLOOM a immédiatement réagi et parlé d’amendement "écocide".


Valérie Le Brenne, membre de l’association BLOOM, décrypte : "Le diable se glisse dans les détails, dans ces zones "strictement " protégées, la pêche est déjà interdite ! En interdisant le chalut dans cette zone, on rouvre donc la porte aux autres pêches.
En Europe, 86% des zones protégées sont chalutées explique-t-elle. Interdire le chalutage de fond aurait permis de reconstruire les écosystèmes."

Pierre Karleskind : "il faut faire preuve de pragmatisme..."  


"Mais d’autres associations ont salué l'amendement, souligne le député européen. Il faut faire preuve de pragmatisme : 40% des poissons vendus dans les ports français viennent du chalutage de fond."


Natura 2 000, réserves naturelles, parc marin, la moitié des eaux bretonnes sont des aires marines protégées et 550 des 1 200 bateaux de pêche bretons travaillent au chalut.

"Faire cohabiter économie et écologie" pour le Comité régional des pêches


"Si on interdisait le chalut de haut fond, tous les langoustiers étaient cloués au port précise Arnaud Quentel, membre du comité régional des pêches de Bretagne.
Nous nous efforçons de suivre les recommandations de l’ONU détaille-t-il. Son Objectif 14 de développement durable nous demande de nous servir des océans pour produire tout en les protégeant. On peut faire cohabiter écologie et économie, on peut conjuguer les activités et les pratiques de pêche avec les exigences environnementales."



"Depuis 2016, nous analysons les risques, zone par zone, engin par engin. La pêche a un impact, comme toutes les activités humaines, mais il y a des endroits où il faudra faire attention et des endroits où il ne faudra plus aller. A Belle-Ile par exemple, les pêcheurs ont décidé de ne plus aller dans une zone où l’on trouve du maerl."

"Il y a plein de chalutiers différents, plein de pratiques, différentes. Ca dépend de comment on travaille avec son chalut et dans quel écosystème."

 Les aires marines ne protègent pas toutes les fonds marins

"Le chalut de fond a un impact sur la biodiversité, sur les herbiers, sur les coraux profonds, personne ne le conteste", confirme Michel Peltier, délégué Mer de l’Office Français de la Biodiversité, "et c’est une technique très consommatrice de gasoil."


Chercheurs et pêcheurs travaillent donc ensemble pour identifier les zones à protéger, il est important de voir si les impacts de l’engin sont acceptables et tolérables.

"Nous devons avoir une vision basée sur les études scientifiques affirme Pierre Karleskind. Dans le Parc Marin d’Iroise, un tiers de la zone est interdit au chalutage et c’est très bien."

"Mais il y a des aires marines qui ont été créées pour protéger les oiseaux, dans ces zones-là, cela ne sert à rien du tout d’interdire le chalutage de fond, cela n’aurait pas de sens !"

Seulement 4 % des eaux françaises sous protection renforcée

Pour BLOOM, Valérie Le Brenne rappelle les chiffres, "4 % des eaux françaises sont sous protection renforcée. En Atlantique, en Manche, en Mer du Nord, il n’y a que 0,005% des eaux qui sont sous protection forte. On va donc continuer comme avant ?" interroge-t-elle

Au début de l’année prochaine, le Parlement européen devra se prononcer sur la Loi sur la Restauration de la Nature. La question reviendra dans l’hémicycle, les débats promettent d’être animés.

"Il faudra améliorer les techniques" lâche le délégué Mer de l’Office Français de la Biodiversité en guise de conclusion et là encore de compromis,. "Avoir des chaluts plus sélectifs sur les espèces que l’on pêche et sur la taille des poissons pour laisser les jeunes grandir. Des progrès ont été faits, d’autres restent à faire !"

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