Au début de l’année 2022, Karim Vincent-Viry a lancé "Finistérestes". Responsable des achats dans le secteur des fruits et légumes, il n’en pouvait plus de voir des tas de légumes invendus. Fort de son succès, il s’attaque aujourd’hui au marché du poisson !
Tout est parti d’un double et douloureux constat. Chaque fois qu’il regardait la télévision, écoutait la radio où lisait les journaux, il entendait parler de toutes les personnes qui ne mangent pas à leur faim.
Chaque fois qu’il se rendait dans un entrepôt de légumes, Karim Vincent-Viry voyait les immenses tas de tous les légumes moches qui allaient partir à la poubelle.
"La nature fait bien les choses, explique-t-il, mais les magasins demandent des carottes droites de tant de centimètres de long, de tel diamètre. Evidemment, il y en a qui correspondent, mais il y en a plein aussi qui sont trop petites, trop grosses, trop quelque chose, et tout ça part à la poubelle."
Cet hiver, Karim Vincent-Viry a décidé d’en faire des paniers. Carottes tordues, panais fourchus, poireaux un peu minces, choux trop petits. A 5 euros les 10 kilos de légumes, ses paniers ont rapidement trouvé preneurs. Il en commercialise aujourd’hui 2 000 à 2 500 par jour dans toute la Bretagne grâce à un réseau de magasins qui accueillent ses cagettes.
"J’ai été directeur de magasins, jamais personne ne m’a remercié, ne m’a dit c’est formidable ce que vous faites. Là, j’entends ça tous les jours. Je reçois plein de messages de nos clients, qui me disent que je les aide à mieux manger" confie Karim Vincent-Viry. Alors, évidemment, il a eu envie d’aller plus loin !
La pêche aux filets
"Dans le monde du légume, c’est un kilo sur 5 qui n’est pas consommé, il y a des secteurs où le ratio est encore pire" constate le fondateur de Finistérestes.
"Dans le poisson, par exemple, on ne mange plus que les filets voire le cœur du filet développe-t-il. Dans les ateliers de mareyage, on les prend là où le poisson est le plus large, mais tout le reste de l’animal part pour faire des croquettes pour les chats !' s’agace-t-il.
"60 % du poisson n’est pas consommé par l’être humain, c’est un truc de fou ! La tête, les arrêtes, ça ne fait pas rêver, tout cela ça peut continuer à partir pour nourrir les matous, mais tous les morceaux de filets, c’est quand même dommage !"
Tant pis pour les calibres !
Karim en a donc parlé à un de ses amis, mareyeur à Lorient. Dominique Sire a tout de suite été tenté. "Les magasins nous demandent des filets calibrés, ils doivent faire telle taille, tel poids. Il y a des beaux morceaux dont on ne faisait rien, alors que c’est du poisson noble et frais, c’est vrai que c’était dommage."
Dans son atelier, Dominique Sire fait des poches de 300 g avec les chutes de filets de poissons. Karim Vincent-Viry les commercialise à 3 euros dans les boutiques avec qui il travaille.
"Le premier jour, à Landrevarzec, 50 kilos de poissons sont partis en 6 heures, ça a été pareil à Ploumagoar "se félicite-t-il. "On a recommencé à Brest ce week-end, ça y est, tout s’est vendu, ça y est, c’est parti !"
Tant mieux pour les pêcheurs
"Evidemment, c’est beaucoup plus compliqué à organiser que la vente de panier de légumes concède Karim Vincent-Viry. Il faut des camions frigorifiques pour transporter le poisson, des armoires réfrigérées dans les boutiques, mais ça vaut le coup. J’ai envie que les gens mangent du poisson et que les pêcheurs gagnent leur vie. Si on peut faire les deux en une seule fois, c’est gagné ! "
Car le marché est clair. Finistérestes ne vendra que du poisson breton et donc sans doute jamais de saumon. "On ne saura jamais à l’avance ce qu’on aura à vendre. Ce sera le produit de la pêche !, détaille-t-il, comme cela, les pêcheurs et les mareyeurs valoriseront mieux leurs produits. 3 euros les 300g, ce n’est pas Byzance, mais c’est quand même mieux que le prix de ce qui part pour faire des croquettes ou de la farine de poisson.'
Et tant mieux pour les consommateurs
'Cela va permettre à des gens qui n’ont pas les moyens de s’offrir du cabillaud d’y avoir accès se réjouit Dominique Sire. Je suis sûr qu’il y a des attentes !'
Dans les magasins, ce qui cogne le plus, ce sont les produits frais !
Karim Vincent-Viry, fondateur Finistérestes
Karim Vincent-Viry confirme.
'Quand j’ai lancé l’idée de Finistérestes, le gasoil n’était pas encore à 2 euros, mais je voulais redonner du pouvoir d’achat aux gens. Dans les magasins, ce qui cogne le plus, ce sont les produits frais !'"
"C’est bien beau de dire que les gens ont des problèmes de poids et deviennent obèses, c’est parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’acheter des produits frais."
"Je ne fais pas de politique, précise-t-il, ce n’est pas mon truc, mais il faut qu’on fasse attention à la planète, on l’a déjà assez bousillée, qu’on arrête de faire comme si on en avait plusieurs et puis il faut qu’on fasse attention aux gens !"
Après avoir redonné la patate aux gens avec ses légumes moches, il veut leur filer la pêche… et bien évidemment, il n’a pas du tout l’intention de s’arrêter là !!!
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