A Loperhet, dans le Finistère, vit un homme qui communique avec les arbres. Il est passé maître dans l'art d'écouter ce que dit la forêt. Erwan Cavarec est élagueur-arbologue. Il pratique la sylvothérapie et invite chacun à renouer subtilement le lien avec la nature.
Trois petites tapes de la main sur le tronc de ce hêtre aux longues ramures. C'est ainsi qu'Erwan Cavarec remercie le vieil arbre de 150 ans à qui il rend visite souvent. Et depuis longtemps. "Oh, lui et moi, on se connaît bien" sourit le Finistérien.
Quelques minutes avant, ils se sont même lancés dans un dialogue silencieux. Le front appuyé contre l'écorce, les yeux fermés. Erwan est en communion. L'arbre et l'homme vibrent à l'unisson. Un super-pouvoir ? "Non, pas du tout, rigole le jeune homme. J'ai juste appris à déconnecter mon mental et à laisser entrer les émotions".
"Soigner les arbres"
Certains disent de lui qu'il est perché. "D'une certaine manière, c'est un peu vrai puisque je suis élagueur". Erwan grimpe dans les arbres depuis tout petit. A croire, en le regardant, qu'il a même su se promener sur les branches avant de savoir marcher.
L'élagage est la partie visible de son activité rassemblée sous le nom "La voix des arbres". "Mon métier, c'est de soigner les arbres, souligne-t-il. C'est aussi de les comprendre et de les aider". Entrent alors en jeu sa capacité à communiquer avec eux et son autre casquette d'arbologue. "Quand j'arrive avec ma tronçonneuse, je prends un temps avec l'arbre, raconte-t-il. Je pose mes mains sur lui, je lui fais une offrande et je lui explique ce que je vais lui faire. Je le rassure comme on rassurerait un enfant avant une opération".
Lui, il ne taille pas dans le vif, pour que ce soit juste joli ou parce que telle branche dérange. Lui, il coupe en fonction de ce que l'arbre demande. "Ce sont des êtres vivants que nous devons écouter et respecter".
L'hiver, je coupe les arbres. L'été, je leur fais des câlins
"Eteindre son cerveau reptilien" pour mieux se connecter au végétal, Erwan Cavarec est passé maître dans la discipline. Le déclic, il l'a eu vraiment à la lecture des "Jardins de Findhorn".
Il a 20 ans et dévore ce livre qui raconte comment, dans une lande désolée du nord-est de l'Ecosse, Peter et Eileen Caddy parviennent à faire pousser fruits et légumes, défiant toute logique. "Ils ont compris les dimensions subtiles de la nature, ils se sont laissés guider par elle" souligne l'arbologue qui, depuis, ouvre grand son esprit lorsqu'il entre dans une forêt.
Observé comme un original, moqué aussi parfois, "j'en ai pris des portes pendant 15 ans !", Erwan garde le cap. Une enfance buissonnière, dans une famille "très rationnelle", la nature à portée de mains dans ce village de Loperhet où sa grand-mère paternelle l'initie au contact avec la terre. La voie semblait déjà tracée pour lui. "Les gens vous collent des étiquettes, vous mettent dans des cases. Moi, j'ai les cheveux longs, je parle aux arbres, je vous laisse imaginer".
L'objectif de mes ateliers en forêt est de ramener les gens à cette écoute profonde du corps, de leur apprendre à ressentir l'énergie de la terre, de remettre des ponts et des connexions entre eux et la nature
Des sceptiques, il en croise beaucoup. Y compris lors des sorties de groupes qu'il organise pour des particuliers, des associations ou encore des entreprises. Des bains de forêt où chacun apprend "à s'éveiller aux arbres".
"Quand on part tous ensemble en forêt, raconte Erwan, on laisse de côté ses schémas de pensée habituels. On dit 'bonjour les arbres, avez-vous un message pour nous ?' et là, il se passe des choses. Je me souviens de cette dame qui s'est mise à pleurer à chaudes larmes face à un arbre qu'elle avait choisi sans trop savoir pourquoi, ce n'est pas rien. On a tous des cuirasses que l'on pose pour se protéger. Il suffit juste d'apprendre à les enlever quand on veut communiquer avec les arbres".
Les arbres, ce sont des maîtres. Je suis face à des maîtres. Ils émettent des fréquences sonores et vibratoires que l'on commence seulement à découvrir.
Le bain de forêt ou sylvothérapie est très populaire au Japon. "C'est même reconnu en tant que médecine là-bas, relate l'arbologue. L'idée est de créer un lien avec un écosystème. Embrasser un arbre, le serrer dans ses bras, c'est un geste fort. On donne, il reçoit et il émet en retour. Et c'est immédiat".
Recréer l'unité perdue entre les êtres humains et la nature
Son parcours singulier, ce don particulier et son besoin d'enracinement dans la nature, Erwan Cavarec les raconte dans un livre à paraître en mai et écrit à quatre mains avec sa compagne, Gwenaëlle.
La jeune femme a voulu mettre des mots sur ce qui n'est pas tangible. "Le lien subtil entre les hommes et les arbres, il est désormais évident pour moi, dit celle qui est même allée plus loin en expérimentant une "mise à l'arbre". "C'est une sorte de rêve éveillé que l'on pratique sous l'arbre, explique-t-elle. La 'mise à l'arbre' a été enseignée à Erwan par un guérisseur du Lot, Pierre Capelle. La première fois où je l'ai pratiquée, je suis restée dans un état de bien-être total pendant quinze jours. Je n'ai plus jamais regardé les arbres de la même façon depuis ça".
Erwan Cavarec veut donner une dimension spirituelle à l'écologie, une approche qui vise à recréer l'unité perdue entre l'être humain et la nature. "Cela implique de revoir nos modes de vie, constate-t-il. Aujourd'hui, on n'est pas assez ancrés, on est dans la surconsommation, le 'moi je'. Le retour à la nature est urgent. C'est cette vie que j'ai choisie, peu importe si l'on me considère comme un farfelu. J'ai l'esprit grand ouvert et les deux pieds bien enracinés".