Chaque année en France, des milliers de couples sont confrontés à la perte d'un bébé. Aurélie Drivet, professeure de lettres, a perdu sa fille cadette à la naissance. Dans un second ouvrage, elle raconte la grossesse d'après et rend hommage aux femmes soignantes qui l'ont accompagnée.
"Contre la mort personne ne gagne. Le seul choix qu'il nous reste à nous les vivants sur ce grand échiquier du monde, c'est de jouer. Encore et toujours tenter la partie." Ces mots sont extraits du livre d'Aurélie Drivet, "Et le soleil refleurira".
Il y a cinq, cette Brestoise perd Clotilde sa fille cadette à la naissance. Elle racontera cet épisode douloureux, la colère, l'incompréhension dans un premier ouvrage.
Il y a une partie de nous qui est morte. On est amputé.
Le bébé d'après : entre terreur et joie
Aurélie a eu depuis d'autres enfants. Elle souhaite aujourd'hui raconter ces nouvelles grossesses, notamment celle d'après, avec la crainte de revivre le malheur. "Je suis tombée enceinte rapidement, cinq mois après avoir perdu Clotilde. J'étais assez fragile. Je me sentais vaseuse, pas bien, je croyais même que j'étais malade. Quand mon médecin m'a dit 'on va faire un test de grossesse', j'ai ri jaune" confie-t-elle. Même si rien n'était prévu et qu'Aurélie oscille entre la terreur et la joie, elle se sent portée par un instinct de survie, elle avait envie, à nouveau, de donner la vie.
Ecrire pour briser le tabou
Aurélie mise sur le pouvoir de l'écriture, pour parler d'une mort dont personne ne veut parler justement. "En ayant vécu cela, je me suis rendu compte que ce n'était pas si rare de perdre un bébé, pendant, après une grossesse ou pendant les premiers mois de vie."
Ecrire c'est faire une place à cet enfant, qui est née, qui a une place dans la famille, que nous avons porté dans nos bras son père et moi.
Elle se souvient d'avoir été confrontée au silence, celui de ses proches. "C'est une seconde mort".
Dans ce nouveau livre, elle laisse la place à son conjoint, y évoque sa douleur à lui, bien que ce ne "ne soit pas facile de parler du deuil de l'autre." Elle évoque aussi son parcours, le soutien des soignants pour cette nouvelle grossesse. "Par superstition, j'ai voulu tout faire à l'opposé de la précédente. Je suis allée chercher des femmes sages et pas des sages femmes. Les soignants peuvent aider à retrouver notre confiance." Elle conclut : "C'est un livre qui parle de métamorphoses, pour survivre au pire."
Le deuil périnatal, une réalité multiple
Selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), on parle de deuil périnatal lorsque des parents perdent leur bébé entre 22 semaines d'aménorrhée et le septième jour après sa naissance. Aurélie Drivet rappelle que cette définition englobe des réalités plus larges.
Parmi elles, la mort subite du nourrisson désormais appelée MIN : Mort inattendue du nourrisson ou de SMIN syndrome de mort inattendue du nourrisson. Les deux définissent "le décès subit d’un enfant de moins d'un an, survenant alors que rien dans ses antécédents connus ne pouvait le laisser prévoir."
Selon une enquête réalisée par Santé Publique France, deux facteurs de risque ne sont pas modifiables : l’âge et le sexe. Ces décès surviennent à 90 % avant six mois, avec un pic autour de 2-4 mois, et plus souvent chez les petits garçons. Chaque année, les statistiques de décès identifient 350 cas de MIN en France, un chiffre sous-estimé pour Myriam Morinay, vice-présidente de l'association Naître et Vivre. "Le certificat de décès est établi avant l'examen du corps" explique-t-elle.