La grogne monte au sein de la police judiciaire. Le projet de réforme de Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, prévoit de rassembler tous les services de police à l'échelle du département sous l'autorité d'un seul directeur. Une fusion qui compromettrait la lutte contre la criminalité selon les enquêteurs de Brest.
Le geste est symbolique. Mais il en dit long sur l'état d'esprit qui règne en ce moment au sein du commissariat de Brest. Les enquêteurs de la Police Judiciaire ont déposé leurs gilets pare-balles devant les grilles pour exprimer leur colère face au projet de réforme porté par le gouvernement.
Le projet controversé prévoit de placer tous les services de police à l'échelle du département (renseignement, sécurité publique, police aux frontières et police judiciaire) sous l'autorité d'un seul Directeur départemental de la Police Nationale (DDPN).
Moins de temps pour lutter contre le crime organisé
A Brest, les effectifs de Police Judiciaire, chargés des affaires complexes de criminalité et de trafic de stupéfiants, seraient ainsi fondus dans une seule et même filière avec le service de la Sécurité Publique.
Ces officiers de commissariat chargés de la petite et moyenne délinquance croulent actuellement sous les dossiers. "Nous, ça va changer notre travail", explique Ronan Louedin, enquêteur à la PJ brestoise, et vice-président de l'Association Nationale de la Police Judiciaire.
"Ça veut dire que là on va devoir faire ces enquêtes de petite et moyenne délinquance qui étaient dévolues au commissariat, et on n'aura plus le temps de s'occuper de la criminalité organisée. C'est moins d'écoutes qu'on pourra faire, c'est forcément des levers en pleine nuit... on ne pourra plus travailler avec la même efficacité, comme on le fait actuellement sur nos propres dossiers".
Avocats et magistrats solidaires
Ce temps en moins pour les affaires criminelles, c'est la hantise des avocats et des magistrats brestois qui travaillent en lien étroit avec la Police Judiciaire.
D'autant plus que cette fusion des services aurait un effet induit jugé pour le moins indésirable. Placés sous une seule direction départementale, ils se retrouveraient indirectement sous l'autorité du préfet.
Pour Céline Verdier, vice-présidente chargée de l'Instruction au Tribunal de Brest, le risque est clair : "nous, nous n'aurons plus la maîtrise de quel service, de quels enquêteurs seront affectés au traitement de nos commissions rogatoires, de nos enquêtes. Et on s'inquiète de la capacité des services d'enquête qui seront saisis à traiter dans des délais raisonnables nos demandes. Nous avons des délais à respecter en particulier quand des personnes sont placées en détention provisoire".
Les enquêteurs dénoncent une réforme faite en catimini. De son côté le gouvernement souhaite la voir entrer en vigueur dès 2023.