Le Pacte Électrique Breton a été signé en 2010. Mais à l'heure de l'urgence climatique, la centrale gaz prévue par le volet sécurisation de ce pacte est très controversée. D’autant qu'à la centrale de Cordemais qui assure aujourd'hui cette sécurisation, la donne est aussi en train de changer...
Il y a 10 ans, la Bretagne était considérée comme une péninsule électrique, risquant le black out à chaque vague de froid. C’est ce qui avait décidé l’Etat et la Région à signer le Pacte Électrique Breton : un volet économies d’énergie, un volet développement des énergies renouvelables, et un volet sécurisation avec notamment la construction d’une centrale combiné gaz de dans le Nord Finistère.
Un projet controversé
Un projet qui a, dès son annonce, provoqué une vive opposition, à Guipavas tout d’abord car la construction a, dans un premier temps, été prévue aux abords de l’aéroport de Brest, puis à Landivisiau où un terrain, à quelques centaines de mètres du centre-ville, a été acquis par Direct Energie, le promoteur, racheté récemment par Total.
Un reportage de Muriel Le Morvan, Morgane Tregouet, Mickael Ragot, Ludovic Decarsin
Intervenants : Denez L'Hostis, Olivier Lionel, Gwenael Plagne, Ronan Dantec, Loïg Chesnais Girard, Eric Thebault, Gerard Borvon
Au delà de la pollution qu’engendrerait cette centrale à énergie fossile, l’équivalent de la circulation de 450 000 voitures, c’est la subvention d’argent public versé au promoteur, 40 millions d’euros par an pendant 20 ans que dénoncent les opposants.
Pour les associations environnementales, cet argent serait bien plus utile au développement des énergies renouvelables. Dès 2010, elles dénonçaient le risque de voir ce projet retarder les investissements dans les énergies renouvelables et la laborieuse percée des énergies marines leur donne raison. Mais à l’heure où, justement, celles-ci commencent à émerger malgré une très frileuse Programmation Pluri-annuelle de l’Energie dénoncée par les élus bretons, à l’heure où les projets en énergie solaire et en méthanisation se multiplient, l’opposition au projet de centrale se renforce.
Selon Denez L’Hostiz, Président d’Honneur de France Nature Environnement : " La Bretagne en 2030 pourrait largement dépasser les 50% d'énergie renouvelable dans la consommation finale d'électricité. On pourrait aller plus vite si on dirigait les financements là où il le faut. "
Cordemais en sursis
A l’autre bout de la Bretagne historique qui est aussi la Bretagne Électrique, entre Nantes et St Nazaire, la centrale de Cordemais est en sursis. Face à la fermeture annoncée des centrales au charbon, EDF y mène une expérimentation, Ecocombust, qui consiste à y fabriquer des pellets, à partir de déchets de bois actuellement non valorisés, pour faire tourner la centrale en période de pointe. Une reconversion soutenue par les élus, la population et les syndicats qui défendent des centaines d’emplois directs et indirects.
Olivier Lionel, directeur de la centrale : " Nous voulons pour l'automne 2020 être capable de décider si on industrialise le programme Ecocombust pour qu'en 2022 on soit capable de produire ce nouveau combustible. "
Pour le sénateur EELV de Loire Atlantique Ronan Dantec, très investi dans la lutte contre le réchauffement climatique dans les instances internationales, il faut avoir une vision globale: " Est-ce qu'il faut une centrale flambant neuve qui va émettre un million de tonnes de CO2 pendant 20 à 30 ans avant d'être amortie... Je préfère que l'on garde Cordemais et bien-sûr que l'on sorte du charbon. "
Cohérence territoriale et urgence climatique
Depuis quelques mois, les déchets de bois bretons partent du port de Lorient pour aller faire de l’électricité en... Suède. Seront-ils bientôt valorisés à Cordemais ? Les Bretons continueront-ils à réduire leur consommation? La production d’énergie renouvelable va-t-elle vraiment enfin décoller ?
Des questions, des évolutions...
Tous ces nouveaux paramètres seront sans doute au cœur du rapport que prépare actuellement Réseau de Transport d’Electricité. En 10 ans l’urgence climatique s’est accélérée. Dans la rue les opposants historiques à la centrale de Landivisiau reçoivent depuis quelques semaines le soutien de la jeunesse, inquiète pour le climat et pour son avenir.