La tempête Ciaran a laissé dans son sillage de gros dégâts... et des cafouillages en matière d'annonces autour de l'indemnisation des sinistrés en Bretagne. Retour sur la chronologie des faits.
Au lendemain du passage de la tempête Ciaran en Bretagne, les dégâts dans la région sont considérables. La tempête a causé d'importants dégâts dans les ports et a entraîné des coupures d'électricité affectant 1,2 million de foyers, dont 780 000 en Bretagne. Le Finistère a été le plus touché, avec 286 000 habitants privés d'électricité.
Le réseau téléphonique et mobile a été perturbé dans certains territoires. La chute d'arbres et de lignes électriques a conduit à l'interdiction de la circulation sur l'ensemble du réseau routier du Finistère, à l'exception des véhicules de secours et d'intervention.
Les exploitations agricoles ont subi également des dégâts, avec des pertes de récoltes notamment, et la destruction de serres chez les maraîchers.
Une enveloppe de 80 millions d'euros a d'ailleurs été débloquée pour les agriculteurs, annoncée par le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau. Le même jour, on apprenant que la région ne bénéficierait pas de l'état de catastrophe naturelle, provoquant la colère de certains élus.
Étonnant, alors qu'Emmanuel Macron avait promis l'état de catastrophe naturelle lors de sa venue à Plougastel-Daoulas. Ce jeudi, le ministre de la transition écologique a annoncé travailler à un fonds d'urgence exceptionnel pour la Bretagne, faisant ressembler les annonces de ces derniers jours à un cafouillage. On récapitule.
3 novembre : La promesse. Emmanuel Macron promet l'état de catastrophe naturelle et la calamité agricole
Au lendemain du passage de la tempête, le président de la République se rend le vendredi 3 novembre à Plougastel-Daoulas dans le Finistère où il promet l'état de "catastrophe naturelle" et la "calamité agricole", "partout où on pourra le faire" et salué l'organisation des secours, qui "a permis de sauver beaucoup de vies", estimant que cet événement avait été "bien géré, bien organisé".
"C'est vraiment le fruit d'un apprentissage collectif des tempêtes de 1999 (qui avaient fait 92 morts en France), des instruments qu'on a ensuite bâtis, des investissements qu'on a faits sur Météo-France, de notre système de prévention et d'alerte", a-t-il souligné.
"Dans tous les endroits qui correspondent, on lance les commissions dès ce week-end", pour que "dans les prochains jours" tous ceux "qui seront éligibles" puissent bénéficier de cet état de "catastrophe naturelle", a expliqué le président de la République à des habitants. Il a aussi promis la "calamité agricole pour ceux qui y ont droit". "Il y a les assureurs qu'on va mettre à contribution" , a-t-il ajouté.
14 novembre : La douche froide. Pas d'état de catastrophe naturelle
Coup de tonnerre ! Malgré la promesse d’Emmanuel Macron, "l’état de catastrophe naturelle ne sera pas reconnu en Bretagne après le passage de la tempête Ciaran" , annonce Marc Fesneau, Ministre de l'agriculture.
Alors pourquoi ? L es vents violents ne figurent pas dans la liste des phénomènes qui ouvrent droit à cette reconnaissance car ils sont couverts par les contrats d'assurance au titre de la garantie tempête rendue obligatoire par le législateur. L'Etat laisse donc la main aux assureurs pour indemniser les personnes sinistrées. En visite jeudi et vendredi en Bretagne, le ministre de l’Agriculture a annoncé en revanche "le déblocage d’un fonds de 80 millions d’euros pour aider les agriculteurs bretons, normands et des Hauts-de-France".
Les images parlent d'elles-mêmes #tempeteciaran #catastrophenaturelle #Bretagne @socialistesAN @fede_PS29 @MFesneau @Agri_Gouv pic.twitter.com/Koy6kFEGnc
— Mélanie THOMIN, députée du Finistère (@Mel_Thomin) November 15, 2023
14 novembre : En réaction, la colère des députés.
Immédiatement, certains députés montent au créneau, dont Mélanie Thomin, députée PS du Finistere, departement le plus concerné en Bretagne , s’exprime sur twitter : « Emmanuel Macron a rompu sa promesse faite à Plougastel le 3 novembre : "catastrophe naturelle partout où on pourra le faire" »
Il n'y aura pas de catastrophe naturelle en Bretagne après la #tempeteciaran annonce le @Agri_Gouv Emmanuel Macron a rompu sa promesse faite à Plougastel le 3 novembre : "catastrophe naturelle partout où on pourra le faire"
— Mélanie THOMIN, députée du Finistère (@Mel_Thomin) November 14, 2023
Mon communiqué ⬇️ pic.twitter.com/AyL5xCNlLW
"J'apprends du ministère de l'Agriculture qu'il n'y aura pas reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, ni en Finistère, ni ailleurs en Bretagne", a-t-elle déploré. Elle a estimé que "le président de la République [avait] rompu sa promesse", faite le 3 novembre lors de son déplacement dans la région. Emmanuel Macron avait alors assuré que l'état de catastrophe naturelle serait déclenché dans tous les endroits "éligibles" .
Or, une note de la Direction générale de la sécurité civile, qui cite l'article L.125-1 du Code des assurances, précise que "les dégâts provoqués par les tempêtes (vents violents), la grêle et la neige sur des biens assurables (habitations et véhicules) n'entrent pas dans le champ de la garantie catastrophe naturelle".
En effet, "les effets de ces phénomènes sont couverts par les contrats d'assurance au titre de la garantie 'Tempêtes, Neige et Grêle' dites TNG", étaye la note. Elle ajoute que les contrats d'assurance habitation couvrent "les effets des vents violents, du choc de la grêle sur les toitures et du poids de la glace ou de la neige accumulée sur les toitures (effondrement du toit)". Les dommages causés par les infiltrations d'eau sous l'effet d'une tempête, de la grêle ou de la neige sont également pris en charge par les assurances. Ces dommages sont "donc indemnisés par les assureurs directement, sans qu'une reconnaissance préalable de l'état de catastrophe naturelle soit nécessaire", conclut la note.
16 novembre : Le rétropédalage. Un fonds d'urgence exceptionnel débloqué pour indemniser les sinistrés
Revirement ce jeudi 16 novembre : Christophe Béchu, m inistre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, annonce ce matin que le gouvernement "travaille" à la mise en place d'un "fonds d'urgence exceptionnel" pour les habitants sinistrés en Bretagne suite au passage des tempêtes Ciaran et Domingos.
"On parle énormément du Pas-de-Calais mais je n'oublie pas qu'il y a eu quelques jours auparavant une tempête en Bretagne, avec des habitants qui n'ont pas droit aux règles de catastrophe naturelle" a souligné le ministre sur France 2.
Il a en effet rappelé qu'en termes d'assurances, "un cyclone c'est une catastrophe naturelle, une inondation c'est une catastrophe naturelle, une tempête ce n'est pas une catastrophe naturelle", évoquant des grilles inadaptées au dérèglement climatique.
"On est en train de travailler sur la totalité des événements climatiques pour revoir la grille des catastrophes naturelles, la manière dont on les prend en charge, nos règles ne sont pas adaptées au dérèglement climatique" a déclaré Christophe Béchu.
Le ministre a annoncé qu'à la demande du président de la République, "nous travaillons en ce moment même à la mise en place d'un fond d'urgence et de solidarité qui permettra d'accompagner de façon exceptionnelle ceux qui en Bretagne ont été touchés par les tempêtes Ciaran et Domingos".
"On est en train de dimensionner (l'enveloppe, NDLR) avec le préfet de région, il n'est pas question qu'on abandonne" les personnes sinistrées. "Dans les prochaines heures on aura l'occasion de préciser ce dispositif" a poursuivi Christophe Béchu.
Un comité de pilotage mis en place dans le Finistère
Au niveau local, dans le Finistere, un comité de pilotage pour la reconstruction a été mis en place le mercredi 15 novembre, comme l'a annoncé le Président du Conseil départemental du Finistère, Maël de Calan, ce jour lors de la matinale spéciale Ciaran de France 3 Bretagne et France Bleu.
Ce comité regroupe des élus, des collectivités et des acteurs économiques, le Département et la Préfecture. L'objectif est d'évaluer les dégâts et d'établir un diagnostic pour prioriser les chantiers pour réparer et reconstruire. Mais "les dégâts sont considérables et nous ne sommes pas encore en mesure de les évaluer précisément" détaille le Président du conseil départemental du Finistère. "Il faut mettre des chiffres sur nos besoins mais je ne sais pas encore si cela sera suffisant", commente Maël de Calan.