Tempête Ciaran. Pourquoi l'état de catastrophe naturelle n'est-il pas reconnu en Bretagne

Après le passage de la tempête Ciaran et malgré les dégâts qu'elle a provoqués, l'état de catastrophe naturelle n'est pas reconnu en Bretagne. Les vents violents étant couverts par les contrats d'assurance, l'Etat laisse donc la main aux assureurs pour indemniser les personnes sinistrées. Dans le Finistère, un comité de pilotage post-tempête a vu le jour. Objectif : faire un état des lieux et reconstruire.

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Après le passage de la tempête Ciaran en Bretagne, qui a provoqué de nombreux dégâts et laisse aujourd'hui encore des milliers de foyers sans électricité ni téléphone, l'annonce de la non-reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, ce 14 novembre 2023, fait l'effet d'une douche froide. 

Lors de sa venue à Plougastel-Daoulas, dans le Finistère, le 3 novembre, Emmanuel Macron avait pourtant promis le contraire, "partout où on pourra le faire" avait précisé le président de la République. Seulement, les vents violents ne figurent pas dans la liste des phénomènes qui ouvrent droit à cette reconnaissance. Les dégâts sont couverts par les contrats d'assurance au titre de la garantie 'tempête' rendue obligatoire par le législateur.

LIRE : Tempête Ciaran. Emmanuel Macron promet l'état de catastrophe naturelle et souhaite un retour à la normale "au plus vite" en Bretagne

"Manque de clarté"

En 1987, après la violente tempête qui avait dévasté la Bretagne dans la nuit du 15 au 16 octobre, la catastrophe naturelle avait été décrétée une semaine plus tard, lors du conseil des ministres du 23 octobre. "Il faut croire que la capacité à déroger était plus simple à l'époque" ironise Mélanie Thomin, députée socialiste du Finistère, qui estime qu'un "travail pour construire un mode dérogatoire pourrait être mené. Encore faut-il avoir la volonté politique de le faire, ajoute l'élue. Quand on enchaîne les catastrophes climatiques, que ces épisodes sont amenés à se reproduire et à devenir de plus en plus rudes, c'est notre devoir d'interroger l'exécutif sur son intention de mieux accompagner les habitants".

La députée finistérienne réagit également à la mise en place d'un fonds de 80 millions d'euros pour soutenir les agriculteurs sinistrés en Bretagne, en Normandie et dans les Hauts-de-France. Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, explique, de son côté, que ce dispositif "permettra de couvrir à la fois les pertes de récolte mais aussi les pertes d'investissement qui ne seraient pas couvertes par les  assurances".

Les tempêtes Ciaran et Domingos, puis les précipitations qui ont fait déborder des cours d'eau dans les Hauts-de-France, affectent durement les exploitants agricoles, qui ont des serres arrachées, des bâtiments inondés ou des cultures sous les eaux. "Cela manque de clarté et de précisions, remarque Mélanie Thomin. 80 millions à partager entre trois régions, je suis sceptique. La Sica Saint-Pol-de-Léon, par exemple, a chiffré les dégâts de ses adhérents à 15 millions d'euros. C'est une part considérable".

Les précisions attendues seront peut-être apportées lors du 66e congrès de Légumes de France à Saint-Pol-de-Léon où le ministre de l'Agriculture se rendra ce 17 novembre.

30 jours pour déclarer son sinistre

Selon le préfet du Finistère, 21 communes de ce département ont déposé leur dossier de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Alain Espinasse affirme que "cette reconnaissance n'est pas la solution pour tout", rappelant que "le système assurantiel en France fonctionne et est solide". "L'important, dit-il, est de voir quels sont les trous dans la raquette et d'accompagner ceux qui passent volontairement ou involontairement à travers le système". En clair : ceux qui ne sont pas assurés.

L'état de catastrophe naturelle permettrait-il une meilleure indemnisation ? "Le montant de l'indemnité est établi en fonction du contrat d'assurance souscrit, indique Claire Léauté, directrice générale de Suravenir Assurances, filiale du groupe Crédit Mutuel-Arkéa. On revient toujours au contrat d'assurance car ce sont les garanties choisies par les assurés qui prévalent". Elle précise qu'en cas de catastrophe naturelle, la franchise à payer serait identique pour tout le monde, à savoir 380 euros. "Un montant bien plus élevé que pour un sinistre classique. La tempête, la grêle et la neige sont couvertes par les assurances, donc la reconnaissance de catastrophe naturelle ne changerait pas vraiment grand-chose".

La tempête Ciaran a incité les assureurs à rallonger les délais pour effectuer une déclaration de sinistre. Au lieu de 5 jours habituellement, il a été porté à 30 jours.

Comité de pilotage et "plan d'action global"

Dans le Finistère, un comité de pilotage a vu le jour, réunissant Etat, collectivités, assureurs, banques, entreprises, agriculteurs... "Dans un premier temps, il faut diagnostiquer les dégâts et prioriser les interventions, indique le préfet. Ils sont hétérogènes selon où l'on se trouve dans le département, selon ceux qui ont été affectés. Le monde agricole l'a été énormément". La préfecture a d'ailleurs déclenché la procédure de calamités agricoles le 6 novembre.

LIRE : Tempête Ciaran. "Il faut un plan d'urgence". La procédure de calamités agricoles engagée dans le Finistère

Maël de Calan, président du Conseil départemental du Finistère, assure que "le Département sera en première ligne pour soutenir les Finistériens. L'enjeu est d'accélérer la reconstruction, dit-il. On a un objectif avec l'Etat : faire en sorte que les agriculteurs soient fortement indemnisés par les assureurs d'abord, par la puissance publique ensuite, pour être en capacité de redémarrer. Si les agriculteurs font faillite, c'est toute l'économie finistérienne qui sera tirée vers le bas".

Le comité, dont la première réunion est programmée début décembre, validera "un plan d'action global et sera alimenté par les groupes de travail qui suivront la mise en œuvre des chantiers".

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