L'instruction en famille est désormais soumise à une autorisation. Or, les refus de l'Éducation nationale seraient de plus en plus fréquents dans le Finistère, selon des familles qui appellent à une action ce vendredi 5 juillet 2024, à Quimper.
La loi contre le séparatisme et pour les valeurs de la République est entrée en vigueur en août 2021. Certaines familles affirment qu'elle "affecte grandement la liberté de pratiquer l'école à la maison, un droit à la fois constitutionnel et fondamental".
Alors même que Jean-Michel Blanquer avait indiqué que l'instruction en famille, quand elle était bien faite, pourrait continuer, une vague de refus d'autorisation parcourt le Finistère.
"On marche sur la tête"
À Gouesnou, près de Brest, la famille Le Naour est confrontée à cette situation : "Nous avons quatre enfants de 4, 6, 9 et 11 ans. Notre grande est scolarisée. Elle a fait un an d'instruction en famille mais ça ne lui a pas convenu. Elle rentrera au collège à la rentrée. Nos trois enfants plus jeunes font l'école à la maison et ça se passe très bien" explique Lucie, la maman, qui précise qu'elle "n'a rien contre l'école".
À l'origine, c'est son frère et sa femme qui avaient adopté l'instruction en famille. "Moi je ne m'en sentais pas capable et puis, le confinement est arrivé et ça a tout changé. Mon deuxième enfant s'est senti mieux qu'à l'école. L'instruction en famille lui a beaucoup plu. Depuis c'est devenu un projet familial" raconte-t-elle.
La loi de 2021 a donné deux ans de répit aux familles dont les enfants faisaient déjà l'école à la maison. Autrement dit : pas besoin d'autorisation. Mais, pour la rentrée 2024, elle est obligatoire. "J'ai donc rempli un dossier pour mes trois enfants et j'ai eu mi-mai un refus d'autorisation pour tous les trois, indique Lucie Le Naour. J'ai donc déposé un recours auprès de l'Éducation nationale (RAPO) et là encore, trois nouveaux refus".
Le motif ? "Les éléments constitutifs de votre demande d'autorisation d'instruction dans la famille n'exposent pas de manière étayée la situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif... Les outils utilisés sont les mêmes pour chacun des enfants", voilà la réponse donnée par l'Inspection académique du Finistère.
Ils considèrent que nous n'avons pas assez individualisé l'enfant dans notre projet éducatif. Mais cette loi est aberrante ! Oui, c'est un choix pour quasiment l'ensemble de la fratrie et donc forcément un projet familial
Lucie Le NaourMère de quatre enfants
Ce qui met en colère Lucie : "Ils considèrent que nous n'avons pas assez individualisé l'enfant dans notre projet éducatif, dit-elle. Cette loi est aberrante ! Oui, c'est un choix pour quasiment l'ensemble de la fratrie et donc forcément un projet familial. C'est là que ça coince visiblement. Ils ont considéré qu'à l'école, ils auraient plus de temps personnalisé alors que chez nous, ils n'ont soi-disant pas assez de temps d'apprentissage propre et qu'il y a trop de choses faites en famille, des musées, des sorties. Sachant que nous faisons bien évidemment tout le programme scolaire et que nous avons toujours eu des notes d'évaluations très positives lors des inspections. Bref, on marche sur la tête" ajoute-t-elle.
Porter l'affaire au tribunal
La famille Le Naour a décidé de prendre un avocat et de saisir le tribunal administratif. "Le problème, ce sont les délais, 12 mois en moyenne... Il faudrait un référé. Donc, on va demander une suspension de la décision le temps que le tribunal statue" indique Lucie.
Ce n'est pas la première fois qu'une famille va devant un tribunal pour défendre sa liberté éducative. Déjà en octobre 2022, en Ille-et-Vilaine, le tribunal administratif de Rennes avait donné raison à des familles bretonnes.
De nombreux refus d'autorisation
Lucie Le Naour a vraiment le sentiment que "dans le Finistère, hors école, point de salut !". Il semble y avoir en effet des disparités selon les académies. Contacté, le rectorat n'a pour l'heure pas donné suite à nos sollicitations.
Ces refus signent-ils la mort programmée de ce mode d'instruction ? En tout cas, pour les familles qui ne sont pas autorisées à pratiquer l'école à la maison, c'est un "long parcours de résistance administrative", "une scolarisation forcée des enfants" ou "la désobéissance civile" affirment-elles.
Ce vendredi 5 juillet 2024, les familles finistériennes se retrouveront devant les locaux de la direction des services départementaux de l’Éducation nationale à Quimper pour dénoncer ces refus qu'elles jugent "abusifs".