Instruction en famille. Le tribunal administratif de Rennes donne raison à des familles bretonnes

Depuis la loi du 24 aout 2021 dite "confortant le respect des principes de la République", les familles qui souhaitent instruire leurs enfants à la maison doivent demander une autorisation au rectorat. A la rentrée, plusieurs demandes avaient été refusées. Le tribunal administratif de Rennes leur donne gain de cause.

"On n’a pas bu le champagne, mais ça fait du bien, enfin une bonne nouvelle ! "

Emilie est membre du collectif IEF 35. Quand sa fille a eu trois ans, elle a décidé de faire l’école à la maison. "Ce n’est pas un choix contre l’école, même si je sais que c’est le cas pour certains parents dont l’enfant était malheureux ou harcelé en classe. Nous, nous souhaitions respecter son rythme biologique et son rythme d’apprentissage".

C’était justement le moment où la loi changeait. Emilie s’est mobilisée immédiatement pour ce droit. "Cette liberté d’instruire, c’est une liberté constitutionnelle. Les enfants ont le droit d’être instruits mais on peut choisir comment. A l’école, dans une école sous ou hors contrat, ou à la maison. C’est ce qui permet d’avoir une diversité d’approche et d’éducation. Si tout le monde va dans les mêmes écoles et apprend de la même manière, c’est comme si on mettait tous le même blé dans les champs, c’est de la monoculture. Ca appauvrit."

 

De la simple déclaration au dossier de 50 pages

 

"Avant, une simple déclaration suffisait, témoigne Emilie. C’était sérieux, pas question de faire n’importe quoi. Tous les ans, les parents sont inspectés par l’Education nationale et tous les deux ans, ils sont aussi visités par les mairies pour vérifier que l’enfant est élevé dans de bonnes conditions."

Maintenant, il faut donc en passer par des autorisations avec des raisons. La loi en a listé quatre : un handicap, une pratique sportive ou artistique intense, l’itinérance de la famille, ou … et c’est là que le bât blesse.. la situation propre à l’enfant.

"La situation propre de l'enfant"

 

"La situation propre à l’enfant". Emilie s’agace. "Tout le monde en fait son interprétation. Et pour ce motif-là, le parent doit avoir le baccalauréat pour être jugé capable d’instruire, alors que pour les autres raisons, il n’en n’a pas besoin. Qu’est-ce que cela veut dire ? "

"40 % des parents qui avaient demandé une autorisation au nom de cette situation propre l’ont vue refuser par le rectorat" explique l’IEF 35. Avant, avec la surveillance de l’Education nationale, quand un enseignement était jugé déficient, l’enfant était remis à l’école, cela arrivait dans 0, 01 ou 0,02 % des cas."

 

Jurisprudence ? 

Le Tribunal administratif a jugé que tout être humain avait une situation propre. "Que cela ne voulait donc rien dire" explique Antoine Fouret, avocat des familles.

"Une situation propre, ce n'est pas une situation particulière de l'enfant l'empêchant de mener une instruction en établissement scolaire". C’est important pour les huit familles, estime l'avocat, parce que leurs dix enfants vont donc pouvoir rentrer à la maison et retrouver l’enseignement de leurs parents, mais c’est aussi important pour la suite. "C’est le premier jugement au fond. L’avocat espère que la décision du tribunal de Rennes pourra faire jurisprudence. D’autres jugements doivent être rendus dans les semaines qui viennent à Melun, Poitiers, la décision du Tribunal administratif de Rennes servira peut être de base légale."

 

Emilie espère que cela va permettre un éclaircissement de la loi. "On ne nuit à personne, répète-t-elle. On fait juste les choses comme on a envie de les faire, à notre rythme. A cinq ans, ma fille rêve de lire. A l’école, on lui demanderait d’attendre, avec nous, elle apprend. Par contre, elle n’a pas envie d’écrire. En classe, on lui imposerait de dessiner des lettres, d’écrire son prénom. Avec nous, elle peut prendre le temps d’avoir envie. "

"Un jour, elle ira peut-être à l'école, on ne sait pas quand, on verra", termine la maman, "en espérant que la loi nous laissera le choix " 

 

 

 

 

 

 

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