PORTRAIT. Emilie a passé un an aux îles Kerguelen. "Une expérience qui a transformé ma vie"

Emilie a passé un an aux îles Kerguelen, dans les terres australes et antarctiques. Cette ingénieure brestoise en service civique est devenue coordinatrice logistique pour l'Institut polaire français, au service des scientifiques. Une expérience unique "qui a transormé ma vie". Portrait.

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Emilie peut dire qu'elle est revenue du bout du monde. Pendant 13 mois, elle a vécu et travaillé sur les îles Kerguelen, à Port aux Français, une station technique et scientifique.

Cette mission, elle l'a obtenue après avoir postulé auprès de l'Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV), basé à Brest. Chaque année, l'IPEV recrute, des profils variés et pas seulement scientifiques. 

"J'ai rencontré quelqu'un qui travaillait pour eux quand je jouais au rugby. Quand j'écoutais les histoires de cette nana, c'était assez incroyable. A un moment dans mon parcours, je me suis dit que je pouvais le tenter", raconte Emilie.

A l'époque en 2019, elle a 26 ans. Ingénieure, elle participe à la conduite de travaux. Son dernier chantier, ce sera à Belle-Île. Et avec du recul, elle trouve ça amusant, comme si cette expérience insulaire allait la préparer. "Je gérais l'approvisionnement des matériaux par bateau pour la première fois et j'adorais ça."


Avant de partir

Emilie candidate donc pour les îles Kerguelen, en mars 2019. "Quand on postule, il faut bien cogiter", dit-elle. Avant l'entretien, elle se souvient qu'on lui envoie un questionnaire "super intéressant". 

"On nous demandait nos motivations mais aussi nos craintes. Mais plus pour que NOUS, on s'interroge là-dessus." Elle résume: "de toute façon, l'entretien d'embauche à l'IPEV ça ne ressemble à aucun autre".

Trois semaines plus tard, elle se rend à Paris, pour une visite médicale et des tests psychologiques, comme prévus dans le processus. 

Fin avril, elle reçoit un coup de fil, celui de son futur responsable. "Cela te dit de passer Noël aux Kerguelen ?". Elle est prise.

Avant de partir, elle passe deux mois en formation à Brest. Ce temps lui permet d'apprendre à connaître l'équipe, de préparer les envois du fret pour l'été australe (de novembre à mars), ou encore découvrir les programmes scientifiques et les périodes importantes sur place (périodes de ponte des oiseaux...). 

Novembre arrive, c'est l'heure du départ. Elle s'envole pour la Réunion, embarque sur le Marion Dufresne. Après deux semaines de bateau, un petit vol en hélicoptère, la voilà dans son nouvel environnement. 

Ma première impression ? C'était très très grand. Très plat. C'était différent de ce à quoi je m'attendais. C'était une plaine de cailloux avec des bâtiments bariolés. Il y avait une foule de gens qui nous ont accueillis, trop contents de voir des nouveaux visages. Juste derrière eux, il y avait de jeunes éléphants de mer et là on se dit, ça y'est, on y est.

Emilie, à propos de son arrivée à Port aux Français


Le son du vent 

Emilie entame son service civique. Là-bas, elle est coordinatrice logistique. "Dans notre jargon, on appelle ça 'gener'." Elle doit s'occuper des scientifiques, leur permettre de bien travailler, en participant à la gestion des refuges, du matériel, en les accompagnant quands ils arrivent. 

Elle travaille du lundi au dimanche, un rythme jamais linéaire. "J'étais deux tiers de mon temps sur la base, un autre tiers sur le terrrain".

L'été représente la période de haute activité scientifique, où "il y a beaucoup de gens à encadrer et épauler". Souvent, elle prend le poste de vacation radio. A 17 h 30, tous les jours, elle fait la tournée auprès de toutes les équipes qui sont sur les refuges, pour voir si tout va bien, transmettre des consignes. 

Elle n'a pas froid. Les températures oscillent entre 0 et 10 degrés. Il y a ce vent par contre, omniprésent. "C'est un vent permanent, que l'on entend. Quand il s'arrête, cela fait bizarre."

Les paysages, c'est difficile d'en parler, c'est un ressenti. On se prend la nature de plein fouet. J'ai trouvé le ciel beaucoup plus grand, l'horizon est totalement dégagé. On se sent dans la voûte céleste. Les odeurs c'est indescriptible, des odeurs d'animaux très fortes.

Emilie

Une aventure humaine

La vie de la communauté prévaut, il y a toujours des petits travaux à faire, un coup de main à filer, "les oiseaux à baguer, les animaux à compter."

Cette entraide se vérifie à une échelle dont Emilie était loin de se douter avant de partir. "Là-bas, l'équipe médicale c'est un médecin en chef et un interne. A deux, ils ne peuvent rien faire alors ils nous forment, au secourisme, à préparer un bloc, à poser des perfusions. Et ça c'est incroyable, on n'apprend ça nulle part ailleurs. En plus c'est le seul hôpital pour les bateaux de pêche les plus proches. J'ai déjà aidé sur une intervention."

Les mois passent. La vie en collectivité s'apprivoise. Pas toujours simple de garder le contact avec ses proches. "On vit dans le moment présent. Tout est tellement prenant, c'est difficile à restituer. On est aussi tout le temps avec d'autres gens. On finit par ne plus avoir le temps. Cela représente un effort de donner des nouvelles, on est toujours en décalage."

L'aventure humaine, "même si ça paraît banal" c'est ce qui aura le plus marqué Emilie. "On arrive avec plein de préjugés. La base abrite des communautés hétéroclites : des militaires, des scientifiques, avec chacune son langage et sa manière de voir les choses. Ici on déconstruit tout ça, tout se mélange, on apprend d'autres modes de pensées." Elle sourit en évoquant le rôle du chef de district, sorte de chef du village qui doit gérer ce petit monde. Cent personnes peuvent y vivre au même moment, les effectifs varient. 

On est des privilégiés de partir là-bas. On le sent quand on y est, qu'on est invités par la nature. 

Emilie

Emilie est rentrée le 31 décembre dernier. Elle se dit "chamboulée". Cette expérience l'a transformée. "C'est une aventure qui ne se vit qu'une fois", note-t-elle. L'IPEV ne renouvelle de toute façon pas les contrats. Les missions sont à la fois longues, éphémères et intenses. Aujourd'hui, Emilie réfléchit à la suite. "J'ai besoin d'un peu de temps." 

 

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