Le 10 décembre dernier, un repas - au départ prévu pour les élus et le personnel communal - s'est tenu en petit comité. Et a tourné "à l'orgie", selon des employés communaux et des élus, qui montent au créneau. L'affaire prend, au Conseil Régional, une tournure politique. Christian Troadec, le maire de Carhaix porte plainte en diffamation.
Le 10 décembre, un repas de fin d’année était prévu pour les élus et le personnel communal. Au vu de la crise sanitaire, il a été annulé mais pas pour tout le monde.
Un petit groupe se serait retrouvé pour une fête particulièrement arrosée. La goutte qui fait déborder le verre. Des élus de Carhaix et du Conseil régional parlent d’orgie et demandent la démission de Christian Troadec de son poste de vice président de la Région.
Les faits
"Je ne pouvais pas me taire, je ne pouvais pas". Pierre-Yves Thomas est élu communiste à la mairie de Carhaix, dans le Finistère. Le 10 décembre, comme les autres, il était invité à ce dîner. "Le jour-même, à cause du coronavirus, tout a été annulé, se souvient-il. Comme tout avait été commandé, les agents et les élus se sont vus proposer de passer prendre un plateau repas."
Pierre-Yves Thomas est passé. "On a bu un petit verre de blanc, raconte-t-il, et puis je suis parti."
Mais dans les Halles, d'autres sont restés. Un grand rideau avait été tiré, et derrière, des tables avaient été dressées. Un petit groupe d’élus et d’agents se sont retrouvés. La fête bien arrosée se serait prolongée jusqu’au matin.
Jointe au téléphone, une élue présente confirme les faits.
La goutte qui a fait déborder le verre
"Scandaleux, inexcusable ! "Quelques heures plus tard, quand il apprend ce qui s’est passé, Pierre-Yves Thomas rédige un communiqué : "Ce que j’apprends dépasse l’entendement. Cette « soirée » s’est transformée en orgie. Les faits sont avérés, trop c’est trop, inadmissible."
"Quand on est élu, on n’a pas le droit de faire des choses comme ça. Chez eux, en privé, ils font ce qu’ils veulent, mais faire ripaille avec l’argent du contribuable, ce n’est pas possible"
Pierre-Yves Thomas, élu communiste de Carhaix
"J’ai fait quatre mandats en région parisienne, continue-t-il. Parfois, quand la réunion s’éternisait jusqu’au milieu de la nuit, on prenait des sandwichs, mais on ne faisait pas ça !"
Dans son courrier, il poursuit : "Il est temps que la population sache qu’au sein de cette majorité, pour certain(e)s la moindre occasion est prétexte à faire la fête."
Au téléphone, il insiste : "Quelques jours plus tard, le 13, il y avait un conseil municipal et ils ont recommencé… Chaque conseil, chaque réunion, on ripaille, on ripaille ! Le maire doit mesurer l’ampleur de ce qu’il a fait."
Et en plus, le lendemain, on nous invite à venir nettoyer !
Un employé communal
Les agents communaux qui acceptent de parler en conservant leur anonymat ne cachent pas leur colère, " on nous demande de faire des efforts et des économies, et pendant cette soirée, tout coule à flot ! Et en plus, le lendemain, on nous invite à venir nettoyer !"
Christian Troadec porte plainte en diffamation
Le maire de Carhaix, Christian Troadec réagit dans un communiqué ce 5 janvier 2022 "Les masques tombent, écrit-il. La prise de position des élus de l’opposition de droite et du RN apporte la pierre finale à une manœuvre trop bien orchestrée " écrit-il, évoquant une cabale politique.
L'élu, qui porte plainte en diffamation, évoque "des rumeurs amplifiées par des qualificatifs injurieux et diffamants" par lesquelles "des oppositions régionales prennent des allures de maccarthysme moralisateur".
Il évoque un repas où "140 membres du personnel communal et communautaire se sont vus servir un apéritif et un plateau repas à emporter. Rien de plus ni de moins que les autres années en termes de dépenses publiques."
Le communiqué se conclut par un appel "à la raison et au respect des élus et agents qui dans le moment souhaitent plus de considérations et de reconnaissances".
Des appels à la démission
Christian Troadec, le maire de Carhaix, est depuis les dernières élections régionales en juin 2021, vice-président à la région en charge des langues de Bretagne et des Bretons du Monde. Des élus régionaux étaient donc montés au créneau.
Gilles Pennelle, conseiller régional Rassemblement National avait été le premier à réagir sur les réseaux sociaux. "Orgies payées avec l’argent public, Christian Troadec doit des explications aux contribuables et citoyens bretons" twitte-t-il une première fois, avant d'ajouter quelques heures plus tard : "Ces orgies seraient un scandale national s’ils ne s’agissaient pas d’élus de gauche. Troadec démission."
Le 4 janvier, Gilles Pennelle adresse un courrier à Loïg Chesnais-Girard, le président de la Région Bretagne : "De tels comportements venant d’élus sont particulièrement indignes et ternissent l’image de la Bretagne comme de sa représentation démocratique, le Conseil régional. Christian Troadec ne peut plus rester vice-président du Conseil régional, je vous demande de le démettre de ses fonctions."
"Monsieur Troadec fait ce qu’il veut de sa vie privée, commente l’élu du Rassemblement national, mais depuis que l’affaire a été rendue publique, les langues se délient, on parle de beuveries à répétition avec les moyens de la mairie. Une ombre va être portée sur le Conseil régional. Ce n’est pas possible."
L'image du Conseil régional entachée
Bernard Marboeuf, conseiller régional Nous la Bretagne - Ni Breizhiz, Centristes, Démocrates, Progressistes et Européens, a lui aussi adressé un courrier au président de la région. "Nous avons le sentiment que ce qui s’est passé apparaît en forte contradiction avec les comportements d’exemplarité qui sont attendus des élus (locaux comme nationaux). De telles rencontres avec leurs dérives décrites comme récurrentes, notamment à l’issue des conseils municipaux, posent un sérieux problème éthique et moral pour les élus impliqués."
"En fin d’années, en temps normal, il y a des pots, dans toutes les entreprises et dans toutes les mairies, explique l’élu. J’ai été maire pendant 30 ans, je le sais bien. Mais il y a une différence entre pot et orgie ! L’image du Conseil régional est entachée."
"C’est pourquoi, écrit Bernard Marboeuf, sous réserve que ces faits soient bien confirmés, les élus du groupe " Nous la Bretagne " en appellent au Président du Conseil régional pour qu’il prenne les mesures nécessaires et proportionnées aux faits évoqués."
Isabelle Le Callennec, cheffe de file de la droite, du centre et des régionalistes "Hissons haut la Bretagne ' au Conseil régional s'offusque d'un tel comportement et demande la démission de Christian Troadec de son poste de vice-président.
L’entourage du Président de la région fait savoir que Loïg Chesnais-Girard ne souhaite pas commenter ces différents courriers qui lui ont été adressés.
A Carhaix, la gueule de bois de ce lendemain de fête semble durer et pourrait être plus douloureuse que prévue.