Le Front Polisario, qui réclame l'indépendance du Sahara occidental, a porté plainte en France contre la conserverie bretonne Chancerelle pour "colonisation par transfert de population" et "tromperie". Une plainte dont l'entreprise douarneniste n'aurait pas connaissance.
La plainte a été déposée mardi au pôle "crime de guerre et crime contre l'humanité" du Tribunal de Paris contre l'entreprise Chancerelle, basée à Douarnenez en Bretagne et productrice des conserves de poisson Connétable. Cette société "vient d'investir (...) dans une conserverie à Laâyoune", au Sahara occidental, a expliqué à l'AFP l'avocat du Front Polisario, Me Gilles Devers.
"Du déplacement de population"
La plainte porte notamment "sur le transfert de population dans une zone occupée".Au Sahara occidental, Chancerelle "crée des emplois pour la population marocaine, pour une centaine de personnes, c'est du déplacement de population"."C'est un crime de guerre", a-t-il avancé.
Le Maroc a pris, à partir de 1975, au départ du colonisateur espagnol, le contrôle de la majeure partie du Sahara occidental, étendue désertique dont il revendique la souveraineté. Le Polisario réclame lui un référendum d'autodétermination sur ce territoire, le seul en Afrique dont le statut post-colonial n'est pas réglé.
L'entreprise "pas au courant" de la plainte
Contacté par l'AFP, le PDG de Chancerelle, Jean-François Hug, a indiqué n'être "pas au courant de cette plainte" et n'avoir aucun commentaire à faire. Selon Me Devers, la plainte vise également la "complicité de financement de la colonisation par le Maroc et la discrimination économique, puisque c'est du poisson saharaoui et qu'on s'organise pour en faire du poisson marocain", ainsi que sur"tromperie sur l'origine du produit", a-t-il dit.
Selon l'avocat, "92% de la pêche marocaine se fait dans les eaux saharaouies" qui sont "pillées".
La plainte se fonde notamment sur des arrêts de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) jugeant inapplicables au Sahara occidental deux accords (agricole et de pêche) entre le Maroc et l'UE. L'accord de pêche, qui permet aux navires européens d'accéder à la "zone de pêche marocaine", dont les eaux sahraouies, contre une contribution européenne, a néanmoins été renouvelé en juillet, mais
doit être approuvé par les Parlements européen et marocain.
Des types de plaintes amenées à se multiplier
Rabat et le Front Polisario, soutenu par l'Algérie, se sont affrontés jusqu'à un cessez-le-feu en 1991. Le Front Polisario a multiplié récemment les offensives juridiques et judiciaires."C'est la première fois que l'on dépose une plainte pénale en France mais il y en aura d'autres, ainsi que des plaintes au civil", a assuré Me Devers.