Les Ehpad font face à la crise sanitaire depuis le mois de mars. La seconde vague fragilise les directeurs des établissements qui doivent prendre des mesures au jour le jour, et défendre les droits de leurs résidents à recevoir des soins adaptés.
"Même si on croit à une stabilité, la situation se dégrade très vite. Et il faut une réaction rapide, pour pouvoir se retourner." Pascale dirige un Ehpad (Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) dans le Finistère. Son établissement était préservé depuis le début de l'épidémie. Sauf que le 6 novembre, là, tout s'est emballé. Un premier cas, puis trois. S'ensuit un dépistage massif pour le personnel et les résidents. Résultat : 7 salariés touchés par le coronavirus, 8 résidents positifs (sur un total de 110), "tout ça en une semaine." Elle précise : "Nous n'avons pas trouvé la porte d'entrée du virus."
Des établissements qui s'adaptent au jour le jour
Pascale se retrouve sans ses salariés, du jour au lendemain et pour les remplacer, les difficultés s'enchaînent. "Je suis aidée mais les moyens manquent de toute façon. Il faudrait plus d'anticipation de la part des autorités sanitaires." Elle boucle son planning à la journée, sans visibilité. Quatre étudiantes infirmières sont arrivées en renfort mais il manque une infirmière pour la nuit, "une grosse problématique alors que nos résidents contaminés nécessitent de la surveillance."
Elle insiste sur, selon elle, le manque de coordination entre les différentes institutions. "Le week-end dernier, j'ai eu des difficultés à faire hospitaliser une personne. J'entends la tension que vivent les hôpitaux mais ce que j'aimerais savoir, c'est quelle capacité ils ont à pouvoir recevoir nos patients. Le cas échéant, si ce n'est pas possible, qu'on nous aide en interne. Ici, je n'ai qu'un médecin coordonnateur, un jour par semaine. On a une limite qu'on ne peut pas franchir pour les soins."Nos résidents sont en droit d'avoir des soins adaptés
Les soignants sont fatigués par le premier confinement, on se prend de plein fouet la seconde vague. Tout le monde est très impliqué, il ne faudrait pas user les gens davantage
Depuis l'apparition du virus dans son établissement, Pascale n'a pas le choix. Les résidents sont confinés dans leur chambre, les visites ne sont plus possibles. "Je le regrette, j'aurais préféré éviter ça mais sanitairement et avec les moyens humains dont je dispose, je ne peux pas faire autrement." Elle envoie des nouvelles aux familles une fois par semaine.
"C'est une période très stressante, j'ai travaillé tous les week-ends passés, je suis fatiguée. Je garde la motivation pour nous sortir de la crise. Après, je reste humaine, j'ai besoin de soutien pour continuer à exercer mes fonctions."
Des résidents de plus en plus isolés
Selon Bertrand Coignec directeur d'un Ehpad à Plougastel et président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (FNADEPA), plus de la moitié des Ehpad bretons (295 sur 500 environ) ont eu au moins un cas de Covid, depuis le mois de mars.
Dans le sien, plus de 300 résidents, et en ce moment 9 cas positifs, dans une même unité. "Un risque de propagation existe, la situation n'est pas stabilisée" explique-t-il. Les mesures sont redevenues drastiques : finies les visites et les sorties. Même pendant leur pause clope, les personnes âgées sont accompagnées. Les repas ont lieu par petit groupe, avec une personne par table. Ce directeur est bien conscient des conséquences de ces restrictions : "Ce qui pose problème aujourd'hui c'est l'isolement de nos résidents. Cela devient long. On remet en place les contacts en visio." Il souligne : "Une unité Covid reste fermée 24 jours au moins, après le dernier cas. Les délais sont sans cesse repoussés, dès qu'un nouveau cas se confirme."
Lui aussi évoque avoir du mal à recruter. Les soignants de l'unité Covid ne peuvent plus travailler dans les autres services, il lui manque deux infirmier.e.s et trois aides-soignant.e.s. Contrairement à Pascale, il a un médecin sur place tous les jours.
La fatigue le gagne aussi car l'été n'a pas été synonyme de repos. Son équipe reste constamment en alerte, et traite toutes les suspicions, 50 depuis juillet. "Il faut avoir un espace pour s'exprimer, pouvoir prendre du recul par rapport à ce que l'on fait."