Sur le parking de l’office français de la biodiversité, toutes les voitures sont sagement garées. Les salariés de l’OFB sont invités à ne pas opérer de contrôle. Depuis le début du mouvement des agriculteurs, l’OFB a été plusieurs fois la cible de leur colère. Des slogans hostiles sur des pancartes, mais parfois des dégradations de bureaux ou des menaces sur des agents. Ils refusent d’être les boucs émissaires d’une profession en souffrance.
Sur la lame de son tracteur, un agriculteur dénonce, Office Français des Blaireaux. Dans les manifestations de ce mois de janvier, l'Office Français de la Biodiversité, la "police de l'environnement", a souvent été montré du doigt. La FNSEA a désigné l’OFB comme responsable des maux subis par les agriculteurs, regrette Sylvain Michel, délégué CGT de l'Office. "Nous avons été visés par plusieurs attaques de nos locaux, des attaques assez violentes" rappelle-t-il. À Carcassonne, du fumier et des palettes ont été déversés.
Les agents du Finistère sont donc invités à stopper momentanément les contrôles dans le monde agricole. Les voitures restent sur le parking et les hommes dans leurs bureaux. Une stratégie que Sylvain Michel désapprouve : "Ce n’est pas en se terrant et en se cachant comme des criminels, que l'on va mieux faire comprendre le rôle de l’OFB et l’intérêt, y compris pour les agriculteurs, des missions de l’OFB."
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Une erreur de cible
"Ces attaques ne sont qu’un écran de fumée en fait pour détourner l’attention des agriculteurs des vrais problèmes qui touchent le secteur," explique le délégué syndical. "L’OFB applique simplement les réglementations qui sont conçues pour protéger l’environnement et les populations humaines. Nous ne sommes en rien responsables des problèmes de revenus des agriculteurs, du fait que beaucoup travaillent beaucoup pour gagner très peu et que certains sont parfois englués dans des difficultés administratives."
"Il y a eu beaucoup de désinformation sur la mission véritable de l’OFB", déplore Sylvain Michel et il détaille. "Nous, nous ne réalisons pas de contrôles inopinés dans les fermes, nous constatons des infractions au code de l’environnement, aux réglementations environnementales."
Une mission au service de l'environnement
De fait, les contrôles administratifs sont opérés par l’État, avec les DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer), les DDPP (Direction départementale de la protection des populations), sous l’autorité des préfets. L’OFB intervient à la demande des services de l’État pour constater des dégradations, des pollutions ou d’autres manquements aux réglementations. "Si une pollution est constatée, on va vérifier si la chose est grave, décrit Sylvain Michel, s’il y a une infraction à la loi, mais on ne se rend jamais chez un agriculteur sans raison simplement pour le contrôler et jouer les cowboys, comme cela a été dit."
Parfois, l’OFB lance une procédure judiciaire. "Mais ce n’est pas systématique, précise Sylvain Michel. Dans de nombreux cas, on va commencer par expliquer la réglementation aux exploitants agricoles et simplement leur donner un avertissement ou leur faire un rappel à la loi. Nombre de procédures judiciaires ne vont pas à terme. L’affaire se règle à l’amiable entre l’exploitant et le procureur et nous. Nous conseillons aussi l’exploitant sur le meilleur moyen pour se mettre en conformité le plus vite possible."
L’agent décrit, "suite à un contrôle administratif qui aurait noté par exemple la pollution d’un cours d’eau suite à un déversement de pesticides trop près du ruisseau, on peut se rendre sur site pour faire des prélèvements d’eau, de sédiments, voir s’il y a eu une mortalité de poissons ou d’autres espèces, ça, c'est vraiment notre rôle de police de l’environnement."
Mise sous tutelle ?
Lors de son discours le 26 janvier, le Premier Ministre, Gabriel Attal, a annoncé que l’OFB allait être mis sous la tutelle des préfets. Sylvain Michel s’étrangle : "c’est juste un effet d’annonce pour calmer la colère de certains agriculteurs, parce qu’en réalité, la police administrative est déjà sous la tutelle du préfet et le Plan de contrôle est en partie décidé par le préfet. Pour tout ce qui est police administrative, l’OFB comme les autres services de l’État est déjà sous l’autorité du Préfet."
Pour la partie judiciaire, l’OFB est placée sous l’autorité du procureur de la République et "cela ne peut pas changer parce qu’il y a, en France, une séparation du pouvoir politique et du pouvoir juridique et on espère que ce n’est pas près de changer. Pour mettre totalement l’OFB sous la tutelle d’un préfet, il faudrait modifier en profondeur la loi française."
Plus de la moitié de l’activité de l’OFB est dédiée à cette activité de police de l’environnement. Un peu de police administrative sous l’autorité du préfet et en majorité de la police judiciaire sous l’autorité du procureur.
"Quand on lance une procédure suite à un constat d’infraction, on échange régulièrement avec le procureur qui va décider de la manière dont on oriente notre enquête et des suites à donner. L’OFB va être un peu les yeux et les mains du procureur sur le terrain."
Mais les agents craignent que derrière cette annonce de mise sous la tutelle des préfets, il y ait une volonté de laisser les agriculteurs dégrader l’environnement sans entrave au nom de la souveraineté alimentaire.
Un contrôle tous les 136 ans
Les autres propos du Premier Ministre leur font redouter le pire. La pause du plan écophyto notamment. "C’est une forme de régression qui remet en cause l’action de l’OFB pour protéger les écosystèmes", dénonce Sylvain Michel.
"D’ailleurs, tient-il à signaler, en luttant contre les pollutions, en protégeant les écosystèmes, on contribue à ce que l’agriculture puisse perdurer et à ce que les agriculteurs soient en bonne santé."
Et pour conclure, le délégué syndical rappelle les chiffres : "L’OFB réalise 3 000 opérations de contrôle par an dans les exploitations agricoles en France. Il y a plus de 400 000 exploitations, donc ça veut dire, qu’une exploitation sera contrôlée en moyenne tous les 136 ans. On ne peut pas dire que ce soit une pression démesurée. On est sur une pression de contrôle minime qu’il faudrait mieux renforcer que diminuer."
(avec Muriel Le Morvan)