Suspension du plan Ecophyto contre les pesticides : "C’est une victoire de l’agrochimie"

Jeudi 1er février Gabriel Attal a annoncé une série de mesures destinées à apaiser la colère des agriculteurs. Parmi elles la mise "sur pause" du plan Ecophyto qui doit permettre de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires. De quoi déclencher l’indignation des agriculteurs bio et des défenseurs des victimes de pesticides

En réponse aux manifestations des agriculteurs partout en France, le Premier ministre a annoncé une série de mesures censées répondre aux attentes du monde agricole.

Parmi elles, Gabriel Attal, a annoncé vouloir mettre "en pause" le plan Ecophyto, plan de réduction de l’utilisation des pesticides.

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Pour les agriculteurs bio et les défenseurs des victimes de pesticides, c’est une très mauvaise nouvelle pour l’environnement, pour les producteurs mais aussi pour les consommateurs.

 

Une série de reculades ultra favorables à l’agrochimie

Communiqué de presse du GAB 22

Pascale Doussinault est arboricultrice bio à Plélan dans les Côtes d’Armor. Dans son verger elle fait pousser des pommes mais aussi des poires, des kiwis, ou encore des framboises.

Les propositions faites par le Premier ministre n’ont pas manqué de la mettre en colère. "C’est un retour en arrière, déclare celle qui est aussi administratrice du groupement des producteurs bio des Côtes d’Armor. Au lieu de tirer les pratiques vers le haut, ça tire vers le bas".

Au lieu de tirer les pratiques vers le haut, ça tire vers le bas.

Pascale Doussinault

Arboricultrice bio

Dans son communiqué le Groupement des agriculteurs bio du 22, estime que la suspension du plan Ecophyto s’inscrit dans "une série de reculades ultra-favorables à l’agrochimie ", car elle fait suite à la prolongation du glyphosate, déjà annoncé en novembre dernier.

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En outre les producteurs bio estiment que la mesure de suspension du plan Ecophyto revient à nier leur existence et leur travail. "Dire qu’aucune solution n’existe c’est nier l’existence des 60 000 producteurs bio français qui, grâce à leurs pratiques, continuent de se passer de produits phytosanitaires tout en fournissant une alimentation saine et de qualité et donc, en produisant et protégeant " explique Yann Cheritel, producteur bio à Moustéru.

 

L'association des victimes de pesticides "atterrée"

Du côté du collectif de soutien aux victimes de pesticides de l'Ouest, même son de cloche.

Michel Besnard, le président, se dit "atterré" par les annonces gouvernementales. "On est tous les jours avec des gens malades, des producteurs, des riverains qui luttent contre leur environnement dégradé. Ça va les accabler " se désole Michel Besnard.

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L’association compte 530 adhérents. En 8 ans d’existence, elle a obtenu 140 reconnaissances en maladie professionnelle. La grande majorité des victimes de pesticides sont des agriculteurs qui ont contracté la maladie de Parkinson, des lymphomes, des cancers de la prostate ou d’autres types de cancers.

Avec le coup d’arrêt mis au plan Ecophyto, le président de l’association de défenses des victimes, comprend "qu’il va être d’autant plus difficile de faire reconnaître leurs droits et le lien entre leurs maladies et les pesticides ".

Il estime par ailleurs que les agriculteurs se font manipuler par les gens qui tiennent l’agrobusiness. "Pour nous c’est une victoire de l’agro-industrie ! On fait croire aux agriculteurs qu’en utilisant des pesticides ils vont continuer à développer leurs exploitations, mais ce sera au détriment de leur santé " insiste Michel Besnard.

Pascale Doussinault, la productrice de fruits, enfonce le clou. "C’est à la fois les producteurs et les consommateurs qui vont être empoisonnés ".

Les pollutions de pesticides agricoles, premier facteur de contamination de l’eau potable en France

Si les pesticides peuvent être dangereux lors de leur utilisation, ils continuent de poser problème longtemps après avoir été épandus, car des résidus et leurs métabolites persistent dans les sols, dans les cours d’eau ou les nappes phréatiques.

Un tiers de l’eau potable distribuée en France serait non conforme à la réglementation et pollué par les métabolites du chlorothalonil

Rapport de l'ANSES, avril 2023

En avril 2023, l’Anses, agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, sortait un rapport qui révélait qu’un tiers de l’eau potable distribuée en France serait non conforme à la réglementation et pollué par les métabolites du chlorothalonil, un pesticide commercialisé par Syngenta, utilisé depuis 1970 et interdit…en 2019.

 Aussi, selon l’étude sur la qualité de l’eau potable produite en 2021 par l’UFC-Que Choisir, et cité par le GAB22 dans son communiqué, les pollutions de pesticides agricoles restent le premier facteur de contamination de l’eau potable en France. "Le coût de la dépollution des pollutions agricoles représente entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros par an, intégralement financé par les consommateurs via leurs factures d’eau ", ajoute le rapport.

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Michel Besnard, du collectif des victimes de pesticides, rappelle, quant à lui, que "la France a multiplié par 9 les seuils limites de présence de métabolites du S-métolachlore pour pouvoir continuer d’utiliser les captages d’eau potable."

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