Crise agricole. "On a beau être jeunes, on peut très vite se fatiguer". Ces trentenaires réclament du temps et de l'argent

Un revenu décent, moins de paperasse: en Bretagne, les préoccupations de jeunes agriculteurs recoupent certaines revendications entendues sur les barrages. Mais leurs priorités tournent aussi autour de la charge de travail, du prix de rachat des fermes et de la protection de l'environnement.

À Piré-Chancé (Ille-et-Vilaine), près de Rennes, Louisanne Garros, Adèle Lebrun et Corentin Rupin se sont installés il y a deux ans sur la ferme d'une soixantaine d'hectares des parents de ce dernier. 
Environ 200 chèvres ont remplacé les vaches laitières, le lait est transformé sur place en fromage vendu à la ferme et sur les marchés, une autre partie part en laiterie. Du jus et du vinaigre de pomme, du blé et du colza complètent leur activité.

Leur projet a été longuement mûri, avec "un cahier des charges" précis, raconte Corentin Dupré avant de nourrir les chèvres à l'intérieur du bâtiment - l'ancienne étable à vaches complètement réaménagée - où elles se trouvent en attendant la mise bas.

Les jeunes trentenaires issus du monde agricole se sont installés en groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) en bio: leur profil s'inscrit dans les tendances relevées par la chambre d'agriculture de Bretagne. Même si la part des jeunes non issus du monde agricole (45%) est en augmentation continue.

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Le sens du métier

"On est tous les trois issus du milieu agricole ou para-agricole, ça nous a aidés", par exemple pour savoir ce "qu'on ne voulait pas faire, notamment en termes de rythme de vie. L'élevage peut être très chronophage", explique Corentin Dupré.

Le choix de vendre une partie de la production en direct "donne du sens au métier" et "permet de maîtriser nos prix, notre rémunération", complète Adèle Lebrun en faisant visiter l'atelier de transformation construit sur l'emplacement de l'ancienne salle de traite des vaches.

"Pour rendre attractif le métier, il faut une certaine garantie des prix", assure Corentin Dupré. Ils espèrent pouvoir se rémunérer autour de 2.000 euros par mois au bout de cinq ans d'exploitation.

Autre condition essentielle, "un rythme de travail acceptable. On voit beaucoup de projets où les gens s'installent avec une charge de travail démentielle, on a beau être jeunes, on peut très vite se fatiguer", relève le jeune agriculteur.

S'ils se retrouvent dans le poids trop lourd de l'administratif, ils ne sont pas favorables à un allègement des charges environnementales. "Elles nous protègent", assure Corentin Dupré.

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Des investissements conséquents

La ferme leur a coûté 600.000 euros pour les bâtiments et les travaux d'aménagement, financés par de l'emprunt. Les prairies où les chèvres paissent sont louées, ainsi que les vergers.

Pour Tifenn Baumont, ouvrier agricole de 30 ans qui pense s'installer en collectif en élevage et maraîchage, la difficulté est de "trouver du foncier, surtout quand on n'est pas issu du milieu agricole. Beaucoup de choses se passent en informel", constate-t-il.

Il y a aussi "le coût de rachat". Pour du terrain, des bâtiments d'élevage, un logement, des travaux, "on arrive vite à un million d'euros".

"Beaucoup de paysans espèrent améliorer leurs retraites par la vente de leurs fermes ou la location des terres", complète Raphaël Cotty, de la Confédération paysanne.

Cinq ans après l'installation, "95% des jeunes agriculteurs aidés sont toujours là" et se dégagent a minima un Smic, indique Arnaud Lecuyer, vice-président de Région en charge de l'agriculture.

Les nouveaux exploitants agricoles sont accompagnés "sur le volet économique, social, notamment le temps de travail" qui n'est "pas toujours appréhendé de la bonne façon", mais aussi pour rendre son système d'exploitation "résilient (face) au changement climatique et réduire son empreinte carbone", poursuit-il.

"Une partie des financements demain, que ce soit les aides publiques ou les financements bancaires, vont tourner autour de la capacité d'une ferme à répondre à ces questions", souligne Arnaud Lecuyer.

Première région agricole de France, la Bretagne ambitionne d'installer un millier de jeunes agriculteurs par an d'ici 2028, contre environ 500 actuellement. La Région propose une dotation jeune agriculteur de 22.000 euros, des aides à l'investissement et un prêt d'honneur de 35.000 euros.

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