L'histoire se répète pour cette espèce. Des arrêtés préfectoraux autorisent l'abattage de choucas des tours dans trois départements bretons. Ce mercredi 25 mai, deux associations de défense d'animaux ont déposé un recours au tribunal administratif de Rennes.
1 800, 8 000 et 16 000. Ce sont les nombres de choucas des tours autorisés à la destruction dans les départements du Morbihan, des Côtes-d'Armor et du Finistère, suite à de nouveaux arrêtés préfectoraux, pris en avril. La raison est toujours la même : l'espèce est accusée de provoquer de nombreux dégâts agricoles.
Une chasse impensable pour One Voice et Crow Life. Les deux associations de défense des animaux ont demandé à la juge des référés du tribunal administratif de Rennes, ce mercredi 25 mai, de suspendre en urgence ces décisions. Les défenseurs de cet oiseau noir rappellent qu’il s’agit d’une espèce protégée.
Des champs de maïs et de blé détruits
Pour les services de l'Etat, ces nouvelles dérogations à l'interdiction de destruction des espèces protégées sont justifiées par le fait que cet oiseau craint assez peu les humains et cause des dégâts aux récoltes des agriculteurs bretons.
"Souvent, ce sont les agriculteurs bio qui en sont les premières victimes : leurs plantes sont plus lentes à lever et ne comportent pas d'insecticides", a souligné un représentant de la préfecture du Morbihan.
Mais les deux associations se prévalent des résultats d'une étude commandée par la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dréal) de Bretagne, publiée en mars 2022, et qui "remet en cause la pertinence des destructions" de ce corvidé "qui n'a qu'une ponte annuelle" et dont "les petits sont élevés par les mâles".
Le choucas des tours, une espèce protégée
Les conséquences de ces abattages sont donc "irréversibles", selon l'avocate de One Voice : ces arrêtés préfectoraux "illégaux" prévoient une période d'abattage "très grande qui va jusqu'en mars 2023" dans le Finistère.
D'un point de vue de la forme, les informations trop "générales" communiquées à la population par les services de l'Etat "manquent de données concrètes" pour pouvoir se forger un avis éclairé sur le dossier. "Elles ne permettent pas de caractériser l'imputabilité des dégâts aux choucas des tours : il pourrait s'agir de corneilles noires", pointe One Voice.
Les préfectures bretonnes n'ont pas tenu compte non plus des "solutions alternatives satisfaisantes" comme "des fils de fer tendus" au-dessus des champs de semis, "la pose de grillage sur les cheminées" ou la "limitation d'accès à a ressource alimentaire". Selon les associations, il n’aurait pas non plus été démontré en quoi un simple effarouchement des oiseaux serait inefficace.
Une décision mise en délibéré
La pose de fils de fer "sur plusieurs hectares" est "utopique", a répondu sur ce point un représentant de la préfecture du Morbihan. Un objectif d'abattage de 1 800 choucas des tours est d'ailleurs un chiffre modéré, selon lui.
Les dégâts contraignent les agriculteurs à semer, re-semer et même re-re-semer.
Représentant de la préfecture du Morbihan
"Il y a trois ans, Bretagne Vivante [autre association de protection animale, ndlr] a obtenu gain de cause concernant un arrêt similaire et on en a tiré les conséquences : tout se fait désormais en coordination avec les associations locales et régionales", a encore dit le représentant des services de l'Etat à l'audience du tribunal administratif de Rennes.
Les données de Crow Life et One Voice reposent sur "500 ans de littérature scientifique" et "plus de 10 000 articles scientifiques", selon une représentante de la première association. "Il y a une idée très répandue selon laquelle le choucas des tours n'aurait pas de prédateur, mais c'est faux : il y a les chats", a-t-elle cité en exemple.
La juge des référés du tribunal administratif de Rennes, qui a mis sa décision en délibéré, rendra son ordonnance début juin.