Inquiétude, hier, pour les gestionnaires du réseau d'eau potable du pays de Morlaix dans le Nord-Finistère... Deux fuites de lisier ont successivement pollué un affluent du Jarlot, alors que ce dernier alimente l'usine approvisionnant les habitants de l'agglomération. La station de traitement a dû cesser son captage et basculer sur ses réserves.
"La biodiversité du milieu aquatique est complètement détruite, c'est conséquent comme dégâts, se désole Philippe Bras, Président de l'Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique du pays de Morlaix (AAPPMA). On a envie de pleurer quand on voit ça, ça fait partie de notre patrimoine."
Vendredi soir, ce pêcheur était parmi les premiers à constater la pollution le Tromorgan. Face à lui des dizaines de poissons morts, sur plusieurs kilomètres de rivière.
"Nous avons été appelés vendredi par un joggeur nous disant qu'il y avait des truites mortes dans le Tromorgan, relate le pêcheur. Nous avons remonté le cours d'eau pour trouver la source de la pollution."
C'est d'abord une fuite de lisier émanant d'un élevage porcin qui a pollué la rivière Tromorgan sur la commune de Plougonven ce vendredi 29 juillet.
"Dès l'alerte donnée, l'exploitant a aussitôt fermé les vannes de la canalisation concernée", indique la Préfecture.
Le lendemain, une deuxième fuite de lisier provenant cette fois, d'un élevage bovin de la même commune est constatée.
Dépêchés sur place, les gendarmes et les agents de l'Office français pour la biodiversité (OFB) constatent la pollution et réalisent des prélèvements, demandant à l'agriculteur "de faire un talus pour limiter les écoulements vers la zone humide."
L'usine de traitement de l'eau bascule sur ses réserves
Ces deux pollutions successives ont conduit l'usine du Pillion alimentant l'agglomération de Morlaix à basculer sur ses réserves :
"Vers 12/13h, nous avons constaté un pic du taux d'ammoniac, jusqu'à 5mg/L, indique Guy Pennec,
Vice-président chargé de l'eau à Morlaix Communauté. Cela nous a conduit à stopper le pompage de l'usine qui est située juste en aval".
"Une bascule a été opérée sur les réserves de l'usine pour continuer d'alimenter le réseau de distribution en eau potable au robinet pour la population du territoire de Morlaix communauté", précise la Préfecture.
L'approvisionnement en eau menacé à Morlaix
Un incident qui a menacé l'approvisionnement en eau de l'agglomération de Morlaix mais aussi celle des territoires alentours. L'usine du Pillon approvisionne en effet le Trégor finistérien via l'usine de Plouezoc'h et la zone de Plouénan via l'usine du syndicat mixte de l'Horn. "Même si les volumes sont modestes, cette sécurisation et ce soutien sont essentiels dans la continuité du service de production d'eau potable", assure Guy Pennec.
"La situation est extrêmement tendue, analyse encore le spécialise de l'eau à Morlaix Communauté, parce que nous sommes au plus haut dans les besoins en eau, vu l'afflux de population sur le littoral, alors que les débits des rivières ont baissé considérablement et continuent à baisse... sauf pour le Jarlot. Nous pouvons encore prélever de l'eau. Mais nous ne tiendrons pas longtemps ainsi."
Un incident qui alarme aussi Jean-Paul Vermot, le président de Morlaix communauté, alors que le Finistère est placé en situation d'alerte sécheresse renforcée : "J'appelle tous les acteurs, particuliers, industriels, agriculteurs à être extrêmement vigilants plus particulièrement pendant cet épisode de tension que nous connaissons cet été avec une météo qui est inquiétante du point de vue de la reconstitution des masses d'eau."
Une procédure pénale engagée
Dès ce samedi soir, la baisse des teneurs en ammoniac a été constatée dans la rivière et le captage du Jarlot a pu reprendre avec "un système de surveillance tant sur l'eau brute prélevée dans la rivière, que sur l'eau entrant dans la filière de traitement et sur l'eau distribuée en sortie de l'usine", assure la préfecture.
Mais les pêcheurs craignent de nouveaux épisodes de pollution : "C'est récurrent. Il y a des pollutions urbaines, industrielles et agricoles, c'est un ensemble. Je ne veux pas stigmatiser qui que ce soit mais il va falloir se mettre autours de la table pour éviter que ça ne se reproduisent," insiste Philippe Bras, Président de l'Association de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique du pays de Morlaix (AAPPMA)
Ce lundi, des inspecteurs du service environnement de la direction départementale de protection des populations (DDPP) sont attendus sur place. D'après la préfecture, ils devront "vérifier la conformité des installations de gestion des effluents dans les deux exploitations".
Une procédure pénale a été confiée conjointement par le parquet à la gendarmerie et à l’OFB. Des suites administratives pourront également être engagées si nécessaire.