Ils ont quitté Kiev, la capitale ukrainienne, le 26 février et sont arrivés ce jeudi, à Budapest, en Hongrie. L'artiste de l'Ile-de-Sein Didier-Marie Le Bihan, Tatiana et Emilia racontent cette traversée "épuisante" pour fuir la guerre.
C'est depuis Budapest, en Hongrie, que Didier-Marie Le Bihan donne de ses nouvelles, ce jeudi. Avec sa compagne ukrainienne, Tatiana, et la fille de celle-ci, Emilia, le Breton de l'Ile-de-Sein a fini par quitter Kiev où il était arrivé en octobre.
Dans la capitale hongroise, ils ont trouvé un hôtel où se reposer, laver le peu de vêtements qu'ils ont emportés, dormir surtout, après des nuits sans sommeil. "Nous repartirons demain matin. J'espère que nous serons à Sein en début de semaine prochaine".
"C'était de la folie !"
L'artiste-peintre finistérien évoque un périple "long et épuisant" sur des routes "défoncées" pour parvenir jusqu'en Moldavie. "On a mis seize heures pour faire 400 kilomètres, raconte-t-il. Chaque ville de l'Ukraine que nous avons traversée était sécurisée par l'armée ukrainienne. Mais, une fois sortis, nous étions livrés à nous-mêmes".
Il se souvient des tirs entendus et de cette peur qui ne les lâche pas une seconde. "Dans ces moments-là, Tatiana criait 'davaï, davaï' ("allez, allez") pour que je roule plus vite. C'était de la folie !".
Ce départ de Kiev, il n'a tenu qu'à "un fil" souligne Didier-Marie. Ou plutôt à "un câble d'ascenseur" ajoute-t-il. La veille du 26 février, alors que lui et Tatiana sortent de leur appartement pour faire quelques courses, et notamment des réserves d'eau, ils délaissent les escaliers qu'ils empruntent habituellement pour prendre l'ascenseur.
Quand les portes s'ouvrent, ils tombent nez à nez avec un Français en pleine conversation avec la concierge de l'immeuble. "Il m'entend parler à Tatiana en français, relate Didier-Marie. Il se retourne et me dit qu'il quitte Kiev. Je lui réponds que l'on aimerait bien aussi le faire mais que l'on n'a pas de voiture. Lui en a deux. Il nous en propose une. Voilà comment on a pu fuir la guerre"
"Elle a le sentiment d'abandonner son pays"
Sur la route, les deux voitures roulent en convoi. "Grâce à ce gars, on a réussi à passer tous les check-points, seize au total entre l'Ukraine et la Moldavie".
En chemin, la compagne du Finistérien craque. Cet exode, Tatiana n'en veut pas. Elle laisse tout derrière elle. Sa vie à la périphérie de Kiev, ses proches. "Elle a le sentiment d'abandonner son pays. Moi, je voulais qu'elle et sa fille soient en sécurité. J'ai décidé pour elles".
Dans leurs valises, faites à la hâte, il n'y a pas grand chose. "On n'a pas traîné, note l'artiste de l'Ile-de-Sein. On n'a pas perdu de temps à ranger l'appart". Dans les chambres, les lits sont défaits. La vaisselle restera dans l'évier. Il faut partir vite, alors que les bombardements s'abattent sur d'autres quartiers de Kiev.
Durant les heures passées en voiture, Emilia, qui a 12 ans, essaie de garder le contact avec ses amis restés dans la capitale ukrainienne. "Comme tous les autres élèves, elle a reçu une photo de son prof, en treillis et armé d'un fusil, lui disant qu'il gardait l'école" confie Didier-Marie Le Bihan.
"Réfugiés"
Une fois en Moldavie, "et à l'abri", direction la Roumanie. "Là, j'ai vraiment commencé à mieux respirer" remarque le Sénan.
Sur place, ils sont accueillis par des bénévoles roumains. "C'est à ce moment que j'ai pris vraiment conscience que l'on était des réfugiés". Une nuit chez l'habitant puis la route à nouveau pour rejoindre la Hongrie.
A peine à Budapest, Tatiana annonce qu'elle veut rentrer chez elle. "Ses nerfs lâchent, confie Didier-Marie. Du coup, on vient d'aller marcher un peu, on a pris l'air et là, elle se repose".
L'homme a mis en place une cagnotte en ligne pour Tatiana et sa fille. "Car, précise-t-il, malgré la guerre, les factures continuent à arriver, il y a le loyer de l'appartement à payer, etc". De l'argent pour un retour espéré en Ukraine. Et la fin de l'exode.