"On n'y croyait pas, on espérait encore". Le témoignage d'un breton présent à Kiev , après l'invasion de la Russie

A l'aube, ce jeudi 24 février, le président russe Vladimir Poutine a déclenché une opération militaire en Ukraine. Présent depuis mi-octobre à Kiev, la capitale ukrainienne, Didier-Marie Le Bihan, breton de l'île de Sein, se retrouve au cœur du conflit.

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Artiste peintre, installé sur l'île de Sein dans le Finistère, Didier-Marie Le Bihan a l'habitude de se rendre à Kiev. Il y retrouve régulièrement sa compagne Tatiana qu'il a connu il y a 6 ans. Elle est chorégraphe et travaille sur place.

Lui est peintre, spécialiste des natures mortes. C'est via les réseaux sociaux que Tatiana lui a passé commande d'une œuvre pour illustrer l'un de ses spectacles. Ils se sont finalement rencontrés et chacun rend régulièrement visite à l'autre.

Tout a basculé, la guerre est déclarée

Depuis mi-octobre, le breton était donc au côté de Tatiana, dans son appartement situé à environ 2 kilomètres du centre-ville de Kiev, dans une périphérie assez tranquille.

Il devait revenir en France le 1er mars prochain. Mais désormais, tout à basculé. Depuis quelque temps, vu le contexte politique tendu et la menace d'un conflit, le couple se posait des questions.

Mais Tatiana ne veut pas quitter son travail, ni un pays auquel elle est profondément attachée. Alors aujourd'hui, ils ont décidé de s'accrocher et de garder leur calme, sur place. Par téléphone, ils nous ont livré leur témoignage ce jeudi matin, alors que la guerre est belle et bien déclarée.


Tatiana, les yeux rivés sur la télévision et les informations de la chaîne ukrainienne suit l'évolution du conflit. Il est questions de soldats tués de part et d'autres, de chars et d'avions abattus aux frontières de l'Ukraine. 

Didier-Marie lui, observe ce qui se passe dans la rue depuis sa fenêtre et dans les environs. Il ne partira pas comme prévu le 1er Mars, il ne veut pas abandonner son amie, mère d'une fillette de 12 ans.

Hier, il y avait du monde dans les bars et les restaurants. Dans les magasins, il n'y avait pas de cohue ni de caddies remplis. On n'y croyait pas, on espérait encore. Mais ce matin, Poutine a attaqué. A 4HOO, ma compagne a entendu une explosion, ça venait de l'aéroport international. On a vu aussi des convois militaires de soldats ukrainiens passer dans les rues.

Didier-Marie Le Bihan

Ce matin encore, des camions militaires sillonnent les rues de Kiev. Didier-Marie a fait des réserves d'eau dans des bassines et des bouteilles pour tenir. Le couple a des vivres pour une à deux semaines.

Les voisins ont quitté l'immeuble

L'épicerie au pied de son immeuble n'a pas ouvert ce matin et le Leroy-Merlin à deux pas de chez eux non plus. Beaucoup de leurs voisins sont partis avec des valises et des sacs poubelles pleins la veille.

Les gens quittent Kiev et partent à la campagne. Il n'y a plus d'essence aux stations- services. Nous, on préfère rester ici. On se dit qu'en cas d'attaque, on sera noyé dans la masse alors que dans les petits villages, c'est plus facile de se faire agresser. On ne peut pas non plus tenter de partir par la Pologne car les frontières sont fermées et les aéroports bombardés.

Didier-Marie Le Bihan

"C'est confus, c'est une situation que je n'ai jamais connue " explique notre compatriote. " Mais je ne veux pas partir. Pour le moment mon vol Air-France du 1er Mars n'a pas été annulé. Je surveille. Mais de toute façon, je ne veux pas laisser Tatiana seule avec sa fille. Je suis plus rassuré en étant à ses côtés. C'était le risque de rester coincé ici mais je n'aurai pas eu la conscience tranquille"

Didier-Marie ne connait pas de Français sur place. Ses amis l'ont exhorté à rentrer depuis quelques jours. Certains lui ont dit d'aller à l'ambassade. Il a le numéro d'urgence mais pour le moment, il n'a pas téléphoné. L'ambassade avait conseillé aux ressortissants français de quitter l' Ukraine, sauf pour motif impérieux. Pour lui, rester avec Tatiana en est un.

Je ne suis pas serein mais encore confiant 

Didier-Marie se veut encore confiant pour l'avenir mais ses mots sont durs. "Poutine est un dictateur, dit-il, on ne peut pas discuter avec lui. Désormais, la diplomatie c'est fini. Il faut le condamner et que l'Europe et les gouvernements protègent les portes de l'Europe. Les politiques doivent aider l'Ukraine, les sanctions économiques contre la Russie ne servent à rien. Il faut maintenant penser au peuple. Mais je veux espérer que cette situation ne dure pas trop longtemps," conclut-il avant de retourner à sa fenêtre surveiller ce qui se passe dehors.

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