Venu de la musique traditionnelle, Christophe Le Menn, alias Krismenn, rappe désormais en breton. Il est attendu Hall 8 le 7 décembre prochain, aux Trans Musicales de Rennes, avec son nouvel album "S'habituer à l'obscurité", qui mêle rap, électro et folk.
Jean-Louis Brossard, patron des Trans Musicales à Rennes n'a pas vraiment hésité avant de convier Krismenn à venir jouer. "J'ai écouté son disque. Au quatrième morceau, je l'ai appelé pour l'inviter. Je n'ai même pas attendu la fin, tellement je trouvais ça génial", raconte t-il. Pour lui "C'est un des grands albums de l'année." L'artiste jouera Hall 8, le jeudi 7 décembre et devrait présenter ces fameux titre qui ont sonné aux oreilles de Jean-Louis Brossard.
"S'habituer à l'obscurité"
Intitulé 'N om gustumiñ deus an deñvalijenn (S'habituer à l'obscurité), l'album mêle guitare, bandonéon, violoncelle et biniou dans une atmosphère sombre entre rap, électro et folk.
C'est l'aboutissement de trois ans de travail de Christophe Le Menn, 36 ans, qui compose seul dans sa petite maison de pierres au bout d'une route en cul de sac à Saint-Servais (400 habitants) dans les Côtes-d'Armor. Même en pleine journée, la lumière du soleil traverse à peine l'épaisse forêt qui borde son jardin où broutent des chèvres.
Si tu veux faire de la musique et que t'as pas de sous, le bagad est une porte d'entrée
Né à Landerneau (Finistère), élevé par sa mère cuisinière scolaire, Krismenn commence la caisse claire à 10 ans dans le bagad de Plougastel, un ensemble de musique bretonne. En parallèle, il apprend la guitare dans un centre social, puis s'intéresse au chant traditionnel breton. Au kan ha diskan, un chant à danser a capella, ou à la gwerz, plus proche des ballades.
Pendant dix ans, il plonge dans la musique bretonne traditionnelle et traverse le XXe siècle "très rapidement" à travers ses archives musicales. Écoute du blues, joue un peu de bluegrass avec des copains fans de musique américaine.
Breton des anciens
Au lycée, Christophe Le Menn commence les cours de breton pendant la pause déjeuner, avant une licence de breton à la fac, une langue que sa mère ne parle pas. Mais c'est surtout au contact des anciens du Centre Bretagne qu'il apprend la langue de ses ancêtres. "Ce qui m'intéressait, c'était le breton de mes grands-parents. Pas le breton hyper plat des jeunes, avec un accent français", dit-il. Aujourd'hui, le jeune musicien parle breton avec sa fille, son grand-père et sa belle-famille dans laquelle il n'y a pas eu de rupture linguistique, un fait assez rare en Bretagne.
Ce n'est qu'à 22 ans, lors d'un séjour au Québec, que sa vocation pour le rap émerge. "Y a une grosse scène hip hop. J'ai découvert les rappeurs québecois qui rappent avec leur accent", raconte-t-il. "Ça m'a donné envie de composer en breton. Il y a des diphtongues, des sonorités qui peuvent s'approcher de l'anglais." Formé à la musique modale à la Kreiz Breizh Akademi d'Erik Marchand, l'un des grands promoteurs de la musique populaire bretonne, Christophe Le Menn compose son premier rap en breton pour un concours de chanson écologique : un texte contre
l'ouverture d'une porcherie... qu'il préfère aujourd'hui oublier.
À l'affût de nouveautés
En 2012, il invite Maël Gayaud, dit Alem (champion du monde de "human beat box" 2015, boîte à rythme humaine) à jouer avec lui lors d'un fest-noz. "Et ça a super bien marché", se souvient Alem. Le duo enchaîne les concerts, dont quatre apparitions aux Vieilles Charrues. En 2015, ils jouent devant 60.000 personnes sur la grande scène du festival breton.
"Flippant", se souvient Krismenn. Prix Adami des Musiques du monde et Prix Mondomix en 2014, Krismenn se voit proposer de réaliser un album par le label Harmonia Mundi. Onze textes originaux en breton qu'il n'a achevés qu'au printemps dernier. Loin de voir une rupture dans son évolution musicale, Krismenn souligne que "le kan ha diskan et le rap sont des chants basés avant tout sur le rythme" et qu'on peut ainsi y voir "des rapprochements".
"J'ai été dans ma vie bloqué à pleins d'époques différentes et pleins de style différents", raconte-t-il. "Maintenant je suis à l'affût de nouveautés, j'aime être surpris par quelque chose que je ne comprends pas tout de suite. C'est aussi ça que je veux dire par "S'habituer à l'obscurité".