Alhassane, qui partage la vie d'une famille bretonne depuis 5 ans, est menacé d'expulsion. Ses proches se mobilisent pour garder auprès d'eux "leur enfant". Le jeune Guinéen de 21 ans s'est pourtant démené pour réussir son intégration.
"C'est violent comme décision pour la famille." Attablés dans la cuisine, Alhassane, sa mère et sa petite amie parcourent pour la centième fois la lettre de refus de permis de séjour envoyée par la préfecture du Finistère.
L'incompréhension et la tristesse se lisent sur leurs visages. Voilà plus de 5 ans que le jeune Guinéen de 21 ans partage le quotidien de la famille Corre à Morlaix. "Le temps passe vite" souffle Alhassane.
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Obligation de quitter le territoire
"On te dit que tu n’es pas bien intégré même s’ils reconnaissent ton assiduité à l’école et malgré les nombreuses attestations que tu as fournies" constate, désabusée, Sandrine Corre, sa mère adoptive.
Alhassane a décroché son bac pro microtechnique avec mention bien. Depuis septembre, il est inscrit en BTS au pôle formation de l’Union des industries et métiers de la métallurgie à Brest.
Le 11 janvier 2024, la préfecture a ordonné à Alhassane Kaba de quitter le territoire sous 30 jours. Une décision qui interroge ses proches alors que le jeune homme, suite à la promesse d'embauche d'une grande entreprise, demandait simplement aux autorités les documents nécessaires à son alternance.
Un recours de son avocate suspend cette OQTF (Obligation de quitter le territoire français) jusqu'à une décision du tribunal administratif de Rennes en mai prochain.
"Il fait partie de notre vie, raconte Sandrine Corre. C’est notre enfant aussi. Il a une influence incroyable dans la maison. Il est bienveillant, protecteur envers nous. On a tellement partagé de chose que l’imaginer en Guinée, ça nous angoisse".
"Ici, je me sens chez moi"
Le jeune homme s'est pourtant démené pour réussir son intégration. Il pensait que son dossier envoyé aux autorités françaises suffirait à le prouver. "J’ai plus de 70 attestations, de témoignages d’amis, de profs, de ma famille, explique Alhassane. Ce sont des faits. Ce sont des gens que je vois quotidiennement, avec qui je partage ma vie."
Bulletins scolaires exemplaires, preuves de son intégration dans la vie associative et sportive de la région. Tout y est. "Ici, je me sens chez moi. Comme un poisson dans l’eau et j’adore la pêche en plus !"
"C’est la rue qui m’a éduqué"
Alhassane est arrivé en France en 2018, après un long périple. À 15 ans, il traverse la Méditerranée depuis le Maroc. Puis l’Espagne et la France pour arriver à Paris dans le camp de migrants de la Porte de la Chapelle.
J’ai grandi du bon côté heureusement car j’en ai vu beaucoup qui ont basculé
Alhassane Kaba
Abandonné par sa mère et de père inconnu, il n'a jamais été scolarisé avant son arrivée en France. "C’est la rue qui m’a éduqué et fait grandir, confie-t-il. Mais j’ai grandi du bon côté heureusement car j’en ai vu beaucoup qui ont basculé. J’y ai appris la patience. Aujourd'hui, je ne lâche pas et je tiens le coup avec patience et optimisme."
Le désespoir, la misère et surtout l’abandon m’ont fait quitter l’Afrique. Quand on n'a plus d’espoir, on est prêt à faire n’importe quoi. J’ai fait tout mon possible pour y arriver
Alhassane Kaba
"J’ai construit plus de choses ici en 5 ans qu’en 13 ans là-bas. Ici, j’ai tout : une famille, une petite amie, des amis." Alhassane a de nombreux projets. Il a trouvé une entreprise pour une alternance. En attendant la décision du tribunal, tout est à l'arrêt. "C’est choquant mais je fais en sorte que ça se passe bien."
Le jeune homme garde espoir et espère voir ses efforts d'intégration porter leurs fruits. Ses proches font tout pour le soutenir dans cette nouvelle épreuve. Ils ont mis en ligne une pétition qui a recueilli plus de 31.000 signatures.