Souleymane Barry, jeune Guinéen de 20 ans, s'est vu refuser son titre de séjour. Il ne peut donc plus travailler légalement dans la boulangerie rennaise où il a fait son apprentissage. Ses patrons dénoncent cette situation et ont décidé de l'embaucher, malgré tout.
Souleymane Barry est arrivé seul en France en 2019. Il a alors 16 ans et est pris en charge par l’aide sociale à l’enfance à Rennes.
C'est à ce moment-là, qu'il entame un CAP boulangerie à Saint-Malo. Il est apprenti à la boulangerie Ange à Rennes. Mais, en avril 2023, alors qu’il est majeur, son titre de séjour est refusé. Il n’a pas d’obligation de quitter le territoire, mais il n’a plus de papiers, donc aucun droit, notamment celui de travailler.
Un CDI mais pas le droit de travailler officiellement
Pourtant, Margaux et Olivier Cothenet, patrons de la boulangerie, proposent un CDI au jeune Guinéen. Il l’a signé en août dernier. Le jeune homme a donc un contrat de travail et un salaire, mais officiellement il n’a pas le droit de travailler.
Lui proposer un CDI, c’était la seule option. On ne voulait pas le licencier.
Olivier CothenetPatron de la boulangerie
Olivier Cothenet explique que Souleymane est très doué : "C’est lui qui ouvre le magasin tous les matins. Il a beaucoup de qualités. Il a aussi une ambition de dingue, il veut réussir et bien sûr, il aura sa boutique un jour".
Le patron ajoute qu’il a du mal à comprendre comment un jeune, arrivé en France à l’âge de 16 ans, formé en France, protégé par l’État pendant 4 ans, en soit là aujourd’hui. "La préfecture lui refuse des papiers, parce que ses empreintes digitales lui ont été volées. Pourtant, depuis son arrivée en France, c’est toujours la même personne, qui a fait beaucoup d’efforts pour s’intégrer".
Pétition
Les patrons ont décidé de se mobiliser pour leur employé. En plus de l'embaucher en CDI, ils ont lancé une pétition qui a recueilli près de 28.000 signatures. Ils ont également contacté l’association Patrons solidaires.
Cette association avait apporté son aide lors d'une histoire similaire en Ardèche, en 2021, où un patron boulanger avait entamé une grève de la faim pour que son apprenti d'origine guinéenne ne soit pas expulsé.
Le but n’est pas d’employer quelqu’un qui n’a pas de papiers de manière discrète, explique Olivier Cothenet, d'où cette médiatisation. Il sait qu'il prend des risques en tant que patron, car le patron a obligation de vérifier si ses salariés ont des papiers.
Des politiques impliqués
Les patrons de Souleymane Barry ont aussi sollicité quatre députés d'Ille-et-Vilaine, Laurence Maillard-Méhaignerie (Renaissance), Frédéric Matthieu (LFI), Michael Bouloux, (PS-Nupes), et Claudia Rouault (PS).
Ces derniers ont envoyé un courrier commun au préfet de région le 30 juin dernier. Ils n'ont pour l'heure pas eu de réponse, selon Laurence Maillard-Méhaignerie. Elle explique que le cas de Souleymane Barry est un cas emblématique.
Une personne qui reste sur le territoire sans-papiers et qui n’a pas d’autorisation de travailler, c'est emblématique d'un dysfonctionnement. On souhaite que le projet de loi immigration permette de faciliter les régularisations pour ces personnes
Laurence Maillard-MéhaignerieDéputée Renaissance
L'élue n’est pas forcément pour que le projet de loi liste les métiers en tension, car "les métiers en tension varient d’une zone à l’autre et d’un moment à l’autre" dit-elle.
Le département d'Ille-et-Vilaine, via son président et la vice-présidente en charge de l’insertion, de la lutte contre la pauvreté et des gens du voyage, a également apporté son soutien au jeune Guinéen par une lettre au préfet.
En août dernier, Souleymane Barry a fait une demande exceptionnelle de titre de séjour auprès de la préfecture. En attendant, c'est lui qui fait l'ouverture de cette boulangerie de Rennes, tous les matins.