Nouvelle vie. Pari réussi pour Charlène, Thomas et Marie, les nouveaux éleveurs de l'île d'Ouessant

Ils sont allés au bout de leur rêve. Et il est devenu réalité. Les nouveaux éleveurs installés sur Ouessant produisent depuis le printemps beurre, yaourts et fromages entièrement vendus sur l'île.

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Durant tout l'été, le marché du samedi matin dans l'ancienne école privée du bourg de Lampaul n'a pas désempli. Il a fallu s'armer de patience pour acheter le fromage de brebis de Charlène, le beurre de Thomas et Marie, installés sur l'île depuis plus un an. "Il y avait intérêt à se lever de bonne heure pour en avoir", explique Marie-Thérèse, fidèle cliente. "Du bon beurre tout jaune, qui me rappelle le bon vieux temps". 

"Avec le lait, je fais du far, ajoute Brigitte, insulaire à mi-temps. Et j'aime bien les fromages de vache et de brebis, ils sont tous différents mais ils sont tous bons. Et puis, cela permet de relancer l'agriculture sur Ouessant. Vous avez dû le voir. Il y a malheureusement plein de champs en friche. Ça remet de la vie sur l'île et ça nous permet de nous rencontrer." 

Ce renouveau est lié à deux aventures familiales et personnelles. Thomas et Marie ont lâché leur ferme dans la Drôme pour venir s'intaller à 1000 km de là, à Ouessant. Comme Charlène Créach, ils ont répondu à l'appel lancé par la mairie pour faire redémarrer l'agriculture insulaire. Vaches et brebis ont traversé la mer d'Iroise l'hiver dernier. Les troupeaux se sont bien acclimatés à leur nouvel environnement et la production de lait a commencé au printemps dernier. 

Retour au origines pour Charlène

Les brebis de Charlène issues d'un centre d'élevage du Pays Basque sont actuellement au repos. La production repartira en fevrier prochain au moment des agnelages. ll y a plus d'un an, la jeune femme a cessé son métier dans la restauration, après avoir repris des études et passé un brevet professionnel d'exploitante agricole pour s'installer comme agricultrice. En 2014, elle avait quitté Brest pour vivre à Ouessant, l'île de son père et de son grand-père.

A 26 ans, elle gère seule son élevage d'une cinquantaine de bêtes, avec un sacré courage et une grande détermination. Charlène Créach, si bien nommée, a posé son atelier de traite mobile en plein champ, à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau du phare du Créac'h, le plus puissant d'Europe. Qu'il fasse soleil où qu'il vente, elle profite de la vue à 360 degrés sur l'océan. Durant la période de production, elle avait rendez-vous tous les matins à 8 h avec ses "filles" comme elle les appelle qui lui donnent généreusement 15 à 20 litres de lait quotidiennement. 

Pour rien au monde, je ne reviendrais en arrière

Charlène

"J'aurais dû avoir deux fois plus de lait. Mais les béliers sont arrivés trop tard et toutes les femelles n'ont pas été prises. J'ai dû restreindre mes livraisons de produits laitiers dans les restaurants et j'aurais pu en vendre bien plus sur le marché. D'un autre côté, heureusement que j'avais moins de volume parce que ce n'est pas évident de transformer tout ce lait en fromage et en yaourts!"  Sur l'île, en effet, pas de laiterie pour acheter la production.

Charlène a suivi une formation mais elle apprend en faisant. Dans le petit atelier de transformation qu'on lui prête, elle fabrique toutes sortes de fromages frais, aromtisés au piment d'Espelette ou aux fleurs. "Côté qualité, je suis satisfaite. Je n'ai pas eu de perte liée à des problèmes de fabrication et les clients ont l'air contents des produits. Les gens apprécient que ce soit du local, du circuit-court". Pour l'instant, les revenus ne lui permettent pas de se dégager un salaire. "Le but ce n'est pas de gagner des mille et des cents mais quand même de pouvoir en vivre. C'est sûr que je gagnais mieux ma vie en étant serveuse mais pour rien au monde je ne reviendrais en arrière".

De la Drôme à Ouessant, les Jersiaises assurent le spectacle au moment de la traite

Il est 17 h 30. Comme tous les jours, à l'exception du dimanche, Thomas et Marie Richaud ont rendez-vous avec leurs Jersiaises, une race rustique. Les vaches et le taureau, une vingtaine de bêtes venues de la Drôme après un long voyage en camion et en bateau, se sont habituées au climat et à la végétation insulaire. Le troupeau pâture sur les terres louées à la mairie pour une somme modique et entretient le paysage. Une quizaine de veaux sont nés au printemps. Les animaux restent aux champs toute l'année et la traite se fait en plein air, deux fois par jour, grâce à une installation mobile.

La traite du soir est devenu un rendez-vous pour les gens de passage comme pour les insulaires. "Oh, votre fromage... qu'est-ce qu'il est bon...", lance une touriste. "D'ailleurs, il ne vous en reste pas par hasard?" Et non, il faudra attendre le marché.

Tandis que Thomas surveille la traite, Marie distribue le lait chaud au cul du tank à lait. "Il est tellement crémeux! Excellent pour le riz au lait!", ajoute cette ilienne.

Marie-Anne, elle, vient tous les jours avec sa petite fille chercher son litre de lait. "On les soutient à notre façon. C'était mon métier il y a 40 ans sur l'île. On s'était installé en 1984 avec mon mari et un an plus tard le comptable nous a dit d'arrêter. On ne s'en sortait pas. A l'époque, ça n'intéréssait pas grand monde. C'est peut-être l'effet COVID mais aujourd'hui, le contexte est différent, les gens veulent acheter localement. N'empêche, ils sont quand même drôlement courageux de se lancer dans cette aventure, de partir avec armes et bagages en terrain inconnu, sur une île, c'est rude!"

"Ah, vous allez rester alors ?"

Sacré virage en effet pour Thomas et Marie Richaud qui ont vendu leur ferme dans la Drôme et déménagé avec leurs trois enfants désormais scolarisés sur l'île. Après avoir testé le camping municipal en plein hiver et différentes locations, ils ont trouvé une maison à acheter. " Une chance inouïe, on n'y croyait même pas, précise Marie. Du coup, les îliens nous disent: Ah, ben alors, vous allez rester?", rigole Thomas.

Ce changement de vie, le couple en a rêvé, désireux de s'occuper d'un chetpel à taille humaine. "On voulait maîtriser tout le process, être autonome pour l'alimentation des animaux et ne plus dépendre des diktats d'une laiterie, explique Marie. "C'est super agréable d'avoir un petit troupeau, 20 à 25 bêtes en production, qu'on connait toutes par leur prénom"

Pour l'instant c'est Marie qui transforme le lait de cet élevage baptisé "aux quatre vents". Tout se fait dans l'espace très exigu d'un petit camion transformé en fromagerie, en attendant la structure en dure promise par la municipalité. Les travaux de construction du futur bâtiment de transformation, situé du côté du Stiff, ont pris du retard. Un espace que se partageront bientôt les deux exploitations laitières. Marie n'avait jamais produit de fromage. La voilà experte. En plus de la feta et de la tome, elle s'est lancée dans la fabrication de raclette. Et dans la foulée elle leur a donné des noms bretons. Il y a donc désormais la raclette Wiblenn, qui signifie girouette en breton, allusion aux vents qui soufflent parfois forts ici. Depuis le printemps, Marie a transformé 26 500 litres de lait ! 

Pendant ce temps, Thomas fauche l'herbe qui servira de fourrage aux bêtes cet hiver. Le champ situé à Penn Arlan domine la mer.  Dans la cabine, Loïs, 11 ans, conduit le tracteur sur les genoux de son père. Ses deux frères, Tim, 13 ans et Malo, 8 ans, font la course à vélo, sur les petites routes. "C'est sûr que ça change beaucoup par rapport à notre vie d'avant. Ce qui est bien ici c'est que tu te fais vite des copains. Et on peut faire du vélo presque partout". Malo lui, aime surtout se baigner. Eté comme hiver. Quand on leur demande ce qu'ils pensent du projet de leurs parents, la réponse est simple "Au marché, on voit des gens âgés qui ne sortaient plus de chez eux avant. Et puis, s'il y a des tempêtes, on aura toujours quelque chose à donner à manger aux gens", précise Tim. "Ouais, on est un peu les sauveurs de l'île", ajoute Loïs. "Non, quand même pas!", rigole l'aîné. 

"C'est un vrai changement de vie pour toute la famille mais au final tout le monde est content, les enfants aussi. C'est ce qui nous souciait le plus", commentent Thomas et Marie. "On a vraiment eu un bel accueil des Ouessantins. Les gens sont francs, il n'y a pas d'entourloupe ici. Par exemple, on a manqué d'herbe cet hiver pour les animaux. Et bien les propriétaires nous ont laissé poser nos clôtures mobiles sur les pairies. Ils ont vu qu'une fois que les vaches avaient mangé l'herbe, on laissait propre derrière nous. Et mieux encore puisqu'en s'attaquant aux ronces, les bêtes entretiennent les paysages".

On se sent chez nous !

Thomas et Marie

Jusqu'à présent, Thomas et Marie n'ont guère eu le temps de profiter de l'île. Les balades sur le sentier côtier et les promenades à vélo se comptent sur les doigts de la main depuis le printemps.  Mais le couple a visiblement attrapé le virus de l'insularité: "Quand je vois le bateau repartir vers le continent, j'ai pas envie de quitter l'île. Et quand j'ai dû aller un jour ou deux à Brest, j'avais hâte de revenir!", confie Thomas.

Même chose pour Marie. "Même si on n'a pas le temps d'aller à la plage, de savoir que la mer est là, ça nous suffit.  Et puis on a vraiment préféré l'hiver à l'été, et ça c'est bon signe. Les tempêtes, les lumières, j'ai beaucoup aimé cette ambiance. Je suis bien ici, je me sens chez moi. On n'a pas peur. On ne se pose pas trop de questions et c'est pour ça qu'on avance. Quand on a des rêves, il faut les réaliser. Pour nous, tout va bien!".

Pari réussi également pour Charlène qui gère seule son troupeau de brebis Manech ainsi que les impondérables liés à l'insularité. "C'est bien plus qu'un travail, c'est vraiment un projet de vie pour moi. Mais je ne peux pas rêver mieux comme cadre que celui-ci. C'était impensable que je mène ce projet d'installation ailleurs qu'ici, à Ouessant".

 

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