"Non, ça n’est pas fini, ça peut pas être fini comme ça… " Le 4 novembre 1924, la cour d’assises du Finistère vient de condamner Guillaume Seznec pour le meurtre de Pierre Quémeneur. Le maitre de scierie de Morlaix a échappé à la peine de mort, mais il doit partir pour le bagne de Cayenne. Il est abasourdi. Un siècle plus tard, le mystère autour de la disparition de Pierre Quéméneur demeure.
Sur les clichés de la presse de l’époque, on voit Guillaume Seznec, entre deux gendarmes, sur les bancs de la cour d’assises de Quimper. Il paraît presque serein. Et pourtant... Après dix jours de procès, son sort est désormais entre les mains des jurés.
Une disparition inquiétante
Le 25 mai 1923, Guillaume Seznec et Pierre Quémeneur quittent Rennes au petit matin. Les deux Finistériens prennent la route de Paris à bord d’une Cadillac.
À la fin de la première guerre mondiale, les Américains ont laissé tout un stock de voitures sur le sol français. Guillaume Seznec et Pierre Quemeneur souhaitent en acheter pour les revendre à la capitale en faisant des bénéfices.
Mais le voyage se passe mal. La Cadillac accumule les pannes. Guillaume Seznec doit réparer, réparer encore. Alors que le soir commence à tomber, les deux hommes sont encore à 60 kilomètres de Paris.
La Cadillac qui devait leur servir de carte de visite pour monter leur affaire semble de moins en moins vendable. À Houdan, ils dînent au Plat d’Etain et décident de se séparer.
Guillaume Seznec est chargé de rentrer à Morlaix pour remettre la voiture en état pendant que son associé se rend à la capitale pour honorer le rendez-vous prévu avec leur contact.
Guillaume Seznec affirme qu’il a déposé son ami à la gare. Le mystère commence. Quéméneur ne donnera plus jamais de nouvelles. Il a disparu !
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Le manoir de Traou Nez
Quelques semaines plus tard, la valise du conseiller départemental est découverte dans la gare du Havre. À l’intérieur du bagage, les enquêteurs retrouvent une promesse de vente de sa propriété de Plourivo, le manoir de Traou Nez et ses bois, qu’il cède à Guillaume Seznec pour une somme modique.
Pour la Police, cela ne fait aucun doute, cet acte est un faux. Ils tiennent un mobile et donc un coupable !
Le 1er juillet 1923, Guillaume Seznec est arrêté chez lui. Il nie toute implication dans la disparition de son ami et affirme qu’en plus de la somme dérisoire de l’acte de vente, il a versé de l’or à Pierre Quéméneur. Mais au cours d’une perquisition, la machine à écrire qui a servi à taper l’acte de vente est découverte à son domicile.
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Le procès
Le procès Guillaume Seznec s’ouvre le 24 octobre 1924 à Quimper. 148 témoins ont été convoqués. Certains affirment avoir croisé Pierre Quéméneur dans les rues de la capitale après sa disparition, mais l’attitude Guillaume Seznec qui a essayé d’acheter un témoin, qui n’a pas d’alibi, qui nie et qui perd le fil dans son récit irrite les jurés.
L’avocat général demande la peine de mort, mais dans la salle des délibérés, les jurés s’emmêlent. Seznec aurait commis un guet-apens… Sans préméditation ! Ils repartent et reconnaissent finalement Guillaume Seznec coupable d’assassinat sans préméditation et de faux en écriture et le condamnent aux travaux forcés à perpétuité.
Le 7 avril 1927, Guillaume Seznec quitte l’Ile de Ré pour le bagne de Cayenne en Guyane. Il ne rentre en France qu’en 1947 où il décède en 1954 sans jamais avoir cessé de clamer son innocence.
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100 ans de combat
Dès la fin du procès de Quimper, la femme de Guillaume Seznec, puis, au fil des années, sa fille puis son petit-fils se sont battus pour réhabiliter sa mémoire.
Le 23 juin 1989, la loi dite Seznec est votée au Parlement. Elle permet, en cas d’éléments nouveaux, la révision d’un procès d’assises.
Mais le 14 décembre 2006, la cour de révision rejette la demande de la famille Seznec. Les faits nouveaux rapportés sont jugés, trop anciens, indirects ou dépourvus de pertinence. 14 demandes de révision du procès ont été déposées par Guillaume Seznec ou ses proches. Toutes ont été rejetées…
Ce 4 novembre 2024, 100 ans après le verdict, une part de mystère demeure. L’affaire Seznec reste un crime sans cadavre, sans preuve, sans témoin et sans aveu !