L'aquaculture française toujours à la peine, des difficultés évoquées aux Assises de la pêche

En progression constante dans le monde, l'aquaculture souffre en France de handicaps qui obèrent son développement : acceptabilité par la population et difficultés d'accès au foncier. Une table ronde abordera ses difficultés ce jeudi aux Assises de la pêche à Quimper. 

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Alors que la consommation humaine de poissons issus de l'aquaculture a dépassé celle permise par la pêche et que la demande est de plus en plus élevée, la production aquacole stagne en France depuis les années 1990. 

"La consommation de truite fumée est en hausse de 10 à 12% par an depuis 10 ans en France. Or nous n'avons pas produit un kilo de truite en plus", peste Dominique Charles, directeur de la coopérative Bretagne Truite. "Le consommateur veut manger du local mais pas fait devant chez lui. 80% des alevins produits en France sont exportés et reviennent 7 mois plus tard sur nos étals. Plus de 80% des produits halieutiques français sont importés, il faut que ça cesse", poursuit-il.

D'où un déficit récurrent et colossal pour le commerce extérieur français, de plus de 3,5 milliards d'euros. Principal coupable, selon M. Charles, le "blocage de l'administration alors que nous sommes rentrés depuis 15 ans dans une démarche d'aquaculture durable". "Il faudrait qu'on ait une réglementation plus claire", renchérit Philippe Le Gall, président du comité régional de la conchyliculture Bretagne sud et à la tête d'une exploitation d'huitres près de Vannes: "on a trop de textes qui se chevauchent, c'est très facile de trouver des failles, notamment sur les délais d'enquête publique", déplore-t-il. Des failles comme autant d'angles d'attaque pour les riverains qui ne souhaitent pas voir se développer au bas de chez eux des bassins d'élevage, pour des raisons environnementales ou esthétiques. 

Ces difficultés font l'objet d'une table ronde, dans le cadre des assises de la pêche et des produits de la mer, ce jeudi à Quimper, intitulée "Accès aux sites aquacoles: le parcours du combattant". 


Des producteurs exportent leur savoir-faire


Pas plus tard que cet été, rappelle M. Le Gall, la plage de Damgan, dans le Morbihan, a été le théâtre d'une opposition farouche des défenseurs du littoral à un projet de parc à moules à... deux kilomètres au large. "Les bouchots, on ne les voyait pas de la côte", déclare-t-il, un brin désabusé.

Conséquence, les professionnels partent développer l'aquaculture hors de France, notamment en Irlande, où, selon lui, le savoir-faire français est accueilli "à bras ouverts", avec des contraintes règlementaires bien moins fortes. 

"Pourtant, la France bénéficie d'atouts indéniables", s'étonne Elodie Martinie-Cousty, co-rapporteure d'un avis du Conseil économique, social et environnemental sur l'aquaculture. Dans une tribune où elle relève l'absence de l'aquaculture des Etats généraux de l'alimentation, elle met en avant les "zones littorales très étendues, de nombreux cours d'eau et étangs ainsi qu'une grande diversité climatique, ce qui permet l'élevage d'un large éventail d'espèces endémiques". Elle regrette aussi que, "depuis 20 ans, aucune entreprise de pisciculture marine n'a été créée en France". Pourtant, certains veulent croire que, politiquement, le vent a tourné. "On sent une pente positive, une prise en compte par l'administration, par le gouvernement, de gens qui sont plutôt favorables à l'activité, c'est relativement récent", estime Philippe Balma, président du syndicat des aquaculteurs marins et producteur aquacole en Méditerranée, près de Sète. 

Principale avancée concrète, depuis quelques années, la rédaction par les préfectures des schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine (SRDAM), qui répertorient les sites propices au développement de l'aquaculture. "Ils nous permettent d'avoir une certaine visibilité sur les lieux, ce n'est pas un blanc-seing mais ça permet de dire aux gens:  là, on peut avoir cette activité", selon M. Balma. Il souligne néanmoins que de gros progrès restent à faire sur le traitement des dossiers. "Le temps de traitement, c'est ce qui pèse le plus. Ca peut durer de deux à trois ans, toutes démarches confondues. On a plusieurs interlocuteurs sur chaque sujet, c'est ce qui rend tout très long", déplore-t-il.



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