Plusieurs parents d'élèves de l'école "Le Carré Libre" à Quimper ont reçu une mise en demeure du rectorat en décembre. Ce dernier estime que l'établissement ne respecte pas les règles pédagogiques. Les parents ont 15 jours pour changer leurs enfants d'école.
Une trentaine d'élèves est concernée par une mise en demeure du rectorat. Scolarisés à l'école "Le Carré Libre" à Quimper, ils ont reçu un courrier en décembre. Ce dernier ordonne à leurs parents de les faire changer d'établissement, dans les plus brefs délais (15 jours). Selon le rectorat "Le Carré Libre" ne respecte pas les règles pédagogiques et son enseignement "ne permet pas d'acquérir à 16 ans les compétences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture."
École démocratique
L'école a fait l'objet d'une inspection en mai dernier, un contrôle que ne rejette pas Vanina Roques, représentante de l'EUDEC (Communauté européenne pour l'éducation démocratique). Elle regrette cependant cette procédure. "On aurait aimé que les discussions se passent ailleurs qu'au tribunal". Elle s'interroge sur les motivations du rectorat : "C'est la première fois qu'une telle demande a lieu, pour 'vider une école'. On a déjà eu des oppositions mais pas de cet ordre."
Selon elle, l'argument sur les limites de la pédagogie de l'école ne tient pas. "On doit arriver à ce socle commun. Pour preuve qu'il est atteint, les candidats au Bac ont été reçus à chaque fois."On ne veut pas être à la marge, on aimerait travailler en partenariat avec le Ministre (Vanina Roques)
Maître Josselin, l'avocat des familles estime lui qu'il s'agit d'une décision politique, avec des contrôles systématiques sur les écoles hors contrats.
"Le Carré Libre" fait partie du réseau des écoles démocratiques (40 écoles en France) et propose une pédagogie basée sur le rythme de l'enfant. Les élèves ont entre 4 et 19 ans. Beaucoup sont en rupture avec le milieu scolaire "ordinaire" ou atteints de troubles des apprentissages (dyslexie...)
Mathilde y a deux enfants scolarisés. "Quand on a reçu cette injonction, on a eu du mal à y croire...Je ne vois pas comment je vais dire à mes enfants, qui sont partis en vacances, qu'ils pourraient aller dans une autre école à la rentrée. C'est un choix réfléchi, en conscience que nous avont fait de les mettre dans celle-ci. On ne peut pas balayer ce choix comme ça."
La directrice de l'école, Nathalie Gandon évoque "un coup de massue". "C'est juste impossible de voir l'école éclatée", dit-elle. "Effectivement, il y a clairement une incompréhension de nos méthodes, de notre pédagogie. On a envie de comprendre ce dont le rectorat a besoin pour qu'il comprenne notre fonctionnement. Nous, on a l'impression d'être inspecté sur des critères qui correspond à une pédagogie classique et la méthode devrait peut-être être revue. Ils sont venus trois fois deux heures en 2019, est-ce que cela suffit ?"L'existence de nos écoles démocratiques participent à la diversité de l'offre éducative nationale.
Le rectorat dit manquer de traces écrites concernant notamment l'évaluation des enfants.
Une audience au tribunal administratif
Ce vendredi 3 janvier, une audience a lieu au tribunal administratif de Rennes, à la demande des parents et pour faire suspendre cette mise en demeure. "On aimerait que les enfants puissent continuer à aller à l'école, au moins le temps de l'enquête de fond."
Contacté le rectorat indique : "Les affaires inscrites au rôle de l'audience publique du Tribunal administratif de Rennes le vendredi 3 janvier 2020 correspondent à une demande de suspension d'une décision prise en application du Code de l’Éducation.S'agissant d'une audience à venir, le rectorat de Rennes ne souhaite pas apporter de commentaires sur la procédure instruite par le Juge des référés."
La décision du tribunal sera rendue lundi. Mathilde s'inquiète des répercussions de cette affaire, sur "Le Carré Libre", sur les èlèves mais aussi le personnel. "On a l'impression qu'on ne peut pas essayer de faire différemment", lâche-t-elle.
D'autres écoles démocratiques existent en Bretagne, à Guignen et Muël. Un projet est également en cours à Brusvily, dans les Côtes d'Armor.