Surnommé "petit Ben" ou "petit Benoît" par les éléphants socialistes, Benoît Hamon, le natif de Saint-Renan dans le Finistère, s'est émancipé pour sortir en tête dimanche du premier tour de la primaire organisée par le PS, en portant un programme de "gauche totale" et innovante.
Longtemps Benoît Hamon a incarné la quintessence de l'apparatchik, fin connaisseur des réseaux socialistes et bras armé des tâches de l'ombre, couvé avec un brin de paternalisme voire de condescendance par les ténors du PS. Mais "petit Ben", comme l'appelait avec affection Martine Aubry qui l'a fait entrer à son cabinet de ministre de l'Emploi en 1997, est à 49 ans arrivé à "maturité", a récemment noté la maire de Lille.
"Les gens qui ont travaillé avec lui ont toujours eu tendance à le sous-estimer", souligne son ami de longue date et porte-parole Régis Juanico, avec en tête la prédiction de Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, glissant dès la mi-novembre que la "surprise pourrait venir" du "petit Benoît" lors de la primaire.
Natif de Saint-Renan
Vent dans le dos depuis plusieurs semaines, le député des Yvelines a effectivement bousculé les pronostics en défendant un programme original, dont la mesure phare, le revenu universel d'existence, a largement focalisé les débats entre les sept candidats.Il assume et revendique même ses fraîches "prises de conscience": sur l'écologie d'abord, dont il a fait un pivot de son projet, mais aussi contre "le mythe de la croissance", en repensant la place déclinante du travail dans la société.
Des convictions fortes mâtinées "d'habileté", dixit un poids lourd du PS, pour qui Hamon a "réussi à suivre son propre chemin en utilisant la faiblesse de ceux qui se sont servis de lui" comme caution de la gauche au gouvernement.
"Il en a profité pour construire sa propre maison", poursuit ce ténor du parti. Gabarit poids plume mais amateur et pratiquant de rugby, breton revendiqué, licencié d'histoire "seulement".... S'il n'a pas tous les codes de départ, le natif de Saint-Renan, fils d'un père ouvrier devenu ingénieur à l'Arsenal de Brest et d'une mère secrétaire, a su jouer des coudes pour se faire entendre.
Un homme de réseaux
Adhérent à SOS Racisme, puis au PS début 87, il intègre les cercles rocardiens à Paris. Là, il vit en colocation avec d'autres jeunes socialistes de province, dont Olivier Faure, aujourd'hui président du groupe PS à l'Assemblée, qui se souvient des heures passées "à refaire le monde, soir après soir"."Benoît était à ce moment pas forcément le plus ambitieux ni le plus volontaire", mais "très simple, très joueur", détaille-t-il. En 1993, à 26 ans, Benoît Hamon conquiert la présidence du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) qui, plus de 20 ans après, lui est toujours largement acquis et lui a permis de cultiver de précieux réseaux.
Il participe ensuite à la campagne de Lionel Jospin en 1995, avant de rejoindre le cabinet de Martine Aubry. La maire de Lille le récompensera de sa fidélité en le nommant porte-parole du PS en 2008.
Avant cela, il y a le "choc" de l'élimination de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle en 2002, puis la création du défunt courant rénovateur Nouveau Parti Socialiste avec Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, des adversaires lors de cette primaire.
Incarnation de la gauche du parti, M. Hamon est propulsé ministre délégué à l'Économie sociale et solidaire en 2012, puis promu à l'Éducation. Une consécration éphèmère puisqu'en désaccord avec la politique de Manuel Valls, il quitte le gouvernement en août 2014, en compagnie d'Arnaud Montebourg.
Député des Yvelines, il rejoint les frondeurs sur les bancs de l'Assemblée et se démène contre la loi Macron puis la loi El Khomri. Dans le même temps, il dessine son projet et se lance dans la campagne de la primaire dès la mi-août 2016, prenant tout le monde de court. Déjà.