Foot amateur : les clubs dans le dur après l’annulation des tournois

Entre Pâques et la mi-juin, les petits clubs organisent traditionnellement leurs tournois pour fêter la fin de la saison et mettre surtout du beurre dans les épinards. Cette année, tout est annulé. Avec à la clé, un gros manque à gagner pour un foot amateur qui n’a pas besoin de ça.

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À Pleudihen-sur-Rance, 3000 habitants dans les Côtes d’Armor, le club de foot a, depuis 25 ans, pris l’habitude d’organiser un tournoi un peu plus important que la moyenne. Au fil des ans, l’Europoussins est devenu le rendez-vous le plus important des moins de 10 ans en Europe.

Ici devaient se retrouver les 5 et 6 juin, 48 équipes, dont 36 issues de clubs professionnels, venues d’un peu partout sur le continent… Chelsea, la Juventus de Turin, le Benfica de Lisbonne, Lyon, Marseille, etc. sans oublier les grands clubs bretons et des petites équipes du coin…

"Mais pour la première fois depuis 1995, dit Nicolas Coudray, l'organisateur du tournoi et vice-président du club de la commune, il ne se passera rien cette année à Pleudihen. La fête a été annulée pour cause de coronavirus." 


D'abord des rêves de mômes qui s'envolent 


Avant de parler de l'impact financier sur les finances du club, Nicolas Coudray dit qu'il pense d'abord "aux gamins". Le foot amateur, comme tous les sports, est vecteur d'émotions, de rêves, de lien social. Et cette année, la crise va aussi laisser des cicatrices dans le cœur des enfants. 


"Chez nous depuis qu’ils ont 5 ou 6 ans et qu'ils ont pris une licence, raconte le directeur du tournoi, les gamins se sont investis, ont joué les ramasseurs de balle, participé aux cérémonies d’ouverture dans les éditions précédentes. Il n'attendaient qu'une chose, avoir bientôt 10 ans et que leur tour arrive. Pour aller se frotter, eux aussi, aux clubs mythiques de La Juventus, ou de Chelsea, et les voilà privés de dessert. Dans leurs petites têtes, c’est très dur. Et puis pour nous, il y a bien sûr l’impact financier."

 


Des frais engagés pour faire venir les équipes étrangères


À Pleudihen, près de 25 000 € avaient déjà été avancés. "Bien sûr début mars, quand on a senti que ça tournait mal en Italie, on a levé le pied, mais on avait déjà engagé des frais pour faire venir les clubs étrangers ou français, détaille Nicolas Coudray, dans les réservations pour les transports notamment."
 

Si la SNCF s’est engagée à nous rembourser, souligne le directeur du tournoion est inquiet pour les billets d'avions. Comme on n’a pas les moyens de travailler avec Air France, on privilégie les compagnies low cost, et il y a des chances qu’on y laisse des plumes. Combien ? On ne sait pas encore…


Pour les hébergements, il n'y aura pas d’annulations, mais plutôt des avoirs pour l’an prochain. "Il ne faut pas non plus pénaliser les hôtels, ou les gites qui participent à l’accueil des délégations chaque année, qui nous rendent service. Et qui se retrouvent eux aussi sur le carreau cette année."

"Il faut comprendre qu’ici,
ajoute Nicolas Coudray, l'Europoussins fait tourner début juin la boutique de tout le secteur, jusqu’au supermarché du coin qui explose son chiffre d’affaires. Heureusement, malgré l’annulation, nous devrions conserver les subventions de Dinan Agglo (5000 € ), du département (1000 €) et de la région (1000 €). Mais pas de quoi compenser ce dont on n'a pas encore parlé, le manque à gagner du tournoi."

 


25% du budget du club 


Maurice Boixière, le président du Stade Pleudihennais a déjà fait les comptes. L'Europoussins permet au club de récupérer chaque année près de 25 000 euros. C’est le quart du budget du club. Une manne qui permet notamment de rémunérer un éducateur salarié, de défrayer les autres, d’acheter du matériel.

"La saison qui vient sera donc compliquée, dit le président, sans compter que parmi les 150 ou 200 partenaires qui sponsorisent le tournoi, certains se retrouvent aussi impactés par la crise. Et l'on n’est pas sûr que ces entreprises pourront nous aider autant l’an prochain."

"Quant à l’augmentation du prix des licences pour compenser le manque à gagner, je n’y suis pas favorable. Les familles, dont certaines se retrouvent dans la difficulté, n’ont pas non plus besoin de ça. Bref, ce sera dur, mais le club devrait quand même surmonter l’épreuve."  

 

À Dirinon dans le Finistère, même motif, même punition


À Dirinon près de Landerneau, le tournoi U11 et U13 devait quant à lui se tenir les 30 et 31 mai. Ce devait être la 26ème édition d'une belle fête populaire où l'on a vu passer quand ils étaient petits quelques futurs cadors du foot, comme les champions du monde tricolores Griezmann et Pavard.

Cette année, l'AS Dirinon attendait 80 équipes, 1000 petits footballeurs et petites footballeuses. Et puis le coronavirus est venu tout chambouler, et l’AS Roma, le Bétis Seville, West Ham, Monaco et les autres ne viendront pas dans le Finistère en 2020. Et comme à Pleudihen, mais aussi comme à Guipry, Guerledan, Plomelin, Plougonvelin ou dans toutes les communes qui organisent des tournois, le club va y laisser des plumes.

C’est nous qui payons les déplacements des clubs étrangers, explique René Le Moigne le président du tournoi. Les vols, l’hôtel, ça monte à 45 000 €. On avait déjà réservé les premiers billets, avancé 20 000 €… On devrait en récupérer une partie, il y aura des avoirs, mais je pense que dans l’affaire on devrait perdre 4 à 5000 €.

Et le plus compliqué, c’est évidemment le manque à gagner du tournoi, 8 à 10 000 €, que l’on ne pourra pas réinjecter la saison prochaine, c’est pas loin de 10% du budget du club…
 

 


Comme à Pleudihen, l'augmentation du prix des licences n'est pas ici à l'ordre du jour. 

"On ne veut pas en rajouter pour les familles, appuie René Le Moigne. Une aide des sponsors, ce sera compliqué aussi. Beaucoup d’entreprises sont touchées, dans la restauration notamment. Heureusement à Dirinon, on n’a pas de très gros partenaires, mais beaucoup de petits, qui nous donnent 80, 120, 250 € par an. Ça permet d’amortir quand certains sont dans la difficulté."  


Et les aides de la Fédération ?


Pour les clubs en souffrance depuis la crise sanitaire et le confinement, un fonds de solidarité doit être mis en place, abondé par la Fédération Française de Football, les Ligues, les Districts, a annoncé Noël Le Graët le président de la FFF. Des aides exceptionnelles, qui viendront s’ajouter aux 86 millions d’euros du budget annuel du foot amateur, et dont on connaîtra le montant dans les semaines qui viennent.

Mais à Dirinon, on reste sceptique. "On en a entendu parler, termine René Le Moigne, mais je n’y crois pas beaucoup. Qui va toucher ? Combien ? Sur quels critères ? Ce sera compliqué. Pendant que là-haut, le foot pro est concentré sur la récupération des droits télé, le foot amateur est toujours la dernière roue du carosse. Alors avant que de l’argent ne redégringole jusqu’en bas... Bref, c’est pas gagné, mais on verra..."

En attendant, à Dirinon, on envisage d’organiser une petite fête avec les supporters après le déconfinement. Quand ? On ne sait pas encore. Mais on connaît en revanche déjà le menu. Cette année pour mettre du beurre dans les épinards du club, ce sera moules-frites. 


 
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