Les Gilets jaunes représentent un mouvement de grogne atypique. N'ayant pas de chef, refusant la récupération politique, il illustre un mécontentement latent dans la société française. Hervé Le Bras, démographe de l'EHESS, a étudié cette grogne et cherche à l'expliquer.
Si la Morbihannaise Jacline Mouraud a eu un tel succès sur les réseaux, c'est parce qu'elle a traduit le sentiment de beaucoup de Français.
Dans ses mots, elle représente le ras-le-bol que les automobilistes ressentent par rapport au traitement qu'ils perçoivent de la part des responsables politiques.
Voilà ce qu'il ressort de l'étude menée par Hervé Le Bras. Le démographe s'est penché sur le mouvement de manière globale. Il a établit une carte de cette grogne, en s'intéressant au rapport entre le nombre de manifestants et la population du département concerné.
Des Français oubliés, un pouvoir déconnecté
Dans cette carte, on observe que les endroits où le mouvement rassemble une plus grande part de la population concernent les départements les plus ruraux et moins densément peuplés.
C'est dans ces espaces que les habitants ont le plus recours à la voiture. En moyenne, "il faut 14 minutes pour rejoindre le service public le plus proche ou les commerces". Ces territoires subissent en parallèle une disparition desdits services publics, ce qui entraîne une augmentation du recours à l'automobile.
En Bretagne, les Côtes-d'Armor et le Morbihan qui sont à dominance rurale rentrent dans ces critères.
La "diagonale du vide", concept démographique qui regroupe les espaces français qui sont les moins denses et qui perdent des habitants, se calque sur cette carte d'Hervé Le Bras. Cette diagonale part de la Lorraine pour atteindre les Pyrénées-Atlantiques au sud de l'Aquitaine.
Le démographe analyse aussi le succès de Jacline Mouraud d'une autre façon : les automobilistes attachent une importance toute particulière à leur véhicule. C'est pour cela que l'accumulation de contrainte à son utilisation (80km/h, contrôle technique drastique, mesures anti-pollution) a un impact fort sur la grogne des usagers de la route.Selon une étude du démographe Hervé Le Bras, les français les plus mobilisés dans le mouvement des #GiletsJaunes habitent dans la « diagonale du vide » (jusqu'à 6% de la population de la #Nièvre était mobilisé, soit 12.000 habitants sur un total de 210.000 !) pic.twitter.com/NKyiz4hRDh
— Picsou73 ? (@Picsou_73) 21 novembre 2018
Retrouvez l'intervention d'Hervé Le Bras dans "C à vous" ici, entre 19 min 30 sec et 31 min 53 sec.