Déconfinement : l'heure du vélo aurait-elle enfin sonné ?

Après le déconfinement, les usagers des transports en commun risquent de se reporter massivement sur leur véhicule personnel. Face à cette crainte, certaines agglomérations choisissent de faire le pari du vélo et planchent sur des aménagements réalisés en urgence pour sécuriser les cyclistes.

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Le phénomène s'est produit en Chine : après le déconfinement, les habitants ont déserté les transports en commun, qui ont vu leur fréquentation chuter de moitié, et les ventes de voitures ont explosé.

Chez nous aussi, il y a fort à parier que les bus, métros et tramways soient délaissés, du fait de l'inévitable promiscuité qu'ils induisent aux heures de pointe. Comment, dans ce contexte, éviter une recrudescence de la circulation automobile? Le vélo pourrait bien s'imposer comme LE moyen de déplacement idéal : il permet de maintenir la distanciation sociale d'un mètre minimum préconisée pour lutter contre la propagation du coronavirus. En outre, il s'agit d'un mode de déplacement individuel beaucoup moins gourmand en espace urbain que la voiture. Et le tout, pour un bilan carbone zéro, et un coût au kilomètre défiant toute concurrence. Mais il ne pourra conquérir de nouveaux adeptes qu'à une condition : que la sécurité des cyclistes soit renforcée.


"On va devoir avancer plus vite"


Aiguillonnées par les associations de défense des cyclistes, plusieurs agglomérations bretonnes planchent en ce moment même sur la manière d'inciter à l'utilisation du vélo après le 11 mai. La ville de Rennes va ainsi accélérer le déploiement de son plan vélo : "Nous avons déjà engagé un travail sur 37 carrefours qui doivent impérativement être sécurisés. On va devoir avancer plus vite," explique Sylviane Rault, adjointe déléguée à la mobilité. "On réfléchit à du marquage au sol, comme des chevrons, pour matérialiser l'espace où les cyclistes sont prioritaires lorsqu'ils traversent le carrefour." 

"Il ne s'agit pour l'instant que de pistes de réflexion, on fera des propositions plus concrètes d'ici début mai" ajoute l'élue rennaise. "Sur plusieurs axes à deux fois deux voies, comme le boulevard de la Liberté ou le boulevard de la Tour d'Auvergne, nous envisageons de supprimer une voie voiture pour en faire une voie cyclable. Nous la matérialiserons soit par une bande jaune au sol, soit par des plots, nous ne savons pas encore."
 
 

Urbanisme tactique


À Brest, on est dans le même état d'esprit : "Nous allons pratiquer l'urbanisme tactique" affirme Yohann Nédélec, vice-président de Brest Métropole chargé des déplacements. "Nous allons mettre en place des aménagements temporaires, qui seront testés et observés pendant plusieurs mois. Si cela fonctionne, on les garde, voire on les développe. Sinon, on peut revenir en arrière ; ça nous permet un droit à l'erreur."

Ainsi, il est question ici aussi de récupérer une voie pour les cyclistes sur les principaux axes à quatre voies de la métropole. Mais aussi de créer de nouvelles zones piétonnes dans plusieurs quartiers ; car pour les piétons, la distanciation sociale va également être de mise : "Sur un trottoir, c'est parfois compliqué de respecter un mètre de distance. On a remarqué que naturellement, devant l'absence actuelle de voiture, les piétons circulent au milieu de la route. Ils l'utilisent comme espace de promenade !" constate Yohann Nédélec.
 

À Rennes, ce sont les zones de rencontres qui seront certainement privilégiées pour remédier à ce problème : "Dans une zone de rencontre, la vitesse des véhicules est limitée à 20 km/h, le piéton est toujours prioritaire et a le droit de circuler sur la chaussée" précise Sylvaine Rault. "Nous pensons généraliser ce dispositif, devant les écoles notamment."
 

Profiter de la crise pour repenser l'espace public


Les associations de cyclistes, elles, sont prêtes à saisir la balle au bond : "C'est le moment rêvé pour reconfigurer le territoire !" affirme Charles Levillain, président de l'association rennaise Rayon d'action. "Il y a des axes auxquels on n'ose jamais toucher, parce qu'ils sont saturés en temps normal. En ce moment, ils sont déserts, il faut en profiter ! Si on veut amener des gens vers le vélo, il faut des séparateurs entre cyclistes et voitures. C'est le moment de les installer !" ajoute-t-il. L'association attend les propositions de l'équipe municipale, qu'elle exhorte à faire montre d'ambition : "Rennes s'était fixé l'objectif de 20% de déplacements doux en 2020, or on est à peine à 5 ou 6%. Si on veut atteindre comme prévu les 9% en 2024, il faut des aménagements d'ampleur" avertit Charles Levillain.
 
"Il faut aller beaucoup plus loin" prône également Jérôme Sawtschuk, administrateur de Brest A Pied A Vélo. "Il faut absolument assurer la continuité du parcours, afin que les gens puissent se rendre à leur travail sans voir la piste cyclable s'arrêter brutalement à certains endroits, comme c'est le cas aujourd'hui. Au besoin, il faut supprimer des places de parking pour faire de la place aux cyclistes. Il faut aussi proposer de la location de vélos, pour que ceux qui n'ont pas les moyens d'en acheter un, comme les étudiants, par exemple, puissent quand même l'utiliser comme moyen de transport."
 
Et de rappeler que le jeu en vaut la chandelle : réussir à faire adopter le vélo en ville comme mode de déplacement, c'est lutter durablement contre la pollution atmosphérique, les accidents, l'obésité, le bruit, et favoriser les commerces de proximité. Pour cela, il va falloir convaincre les automobilistes de ne pas se réfugier dans le cocon illusoirement protecteur de leur véhicule...

 
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