Il faut sauver la vache Canadienne !

Il en reste à peine cinquante en France, près de 200 au Canada. Exportée vers la Belle Province il y a 400 ans, cette race bovine d’origine bretonne est de retour en France depuis une vingtaine d’années. Un éleveur breton veut la faire reconnaître comme race menacée, pour la préserver.

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Il n’en reste plus qu’une cinquantaine en France, et environ 200 au Canada. La vache canadienne, race bovine d’origine bretonne avait été exportée au Canada il y a 400 ans. Réimportée en France il y a une vingtaine d’années, à une cinquantaine d’exemplaires, un éleveur de Baguer-Morvan, en Ille-et-Vilaine, en a récupéré plus de la moitié. Aujourd’hui il se se bat pour qu’elle soit préservée.

Histoire et origines

Au XVIIème siècle, on pouvait rencontrer ces vaches en Bretagne et dans le Cotentin, en Normandie . Elle n’avait connu aucun brassage, aucun croisement. Elle fut exportée de France vers la Nouvelle France (le Québec) d’abord en 1540 sous Jacques Cartier, puis à une plus grande échelle vers 1608 sous Champlain, puis sous Colbert (règne de Louis XIV), et ce, jusqu’en 1630.

En 1763, lorsque le Québec a été cédé par la France à la Grande-Bretagne, les Québécois n’ont pas souhaité continuer à importer de nouveaux animaux, ce qui explique que la vache canadienne est restée quasiment authentique depuis quatre siècles. Pendant ce temps-là, en France, le taureau de Durham arrivait et « cassait » de nombreuses races locales. Cette race, que l’on n’appelait pas encore « Canadienne», cessait alors d’exister.

Les croisements produirent entre autres la race Armoricaine et la race Normande. La Cotentine et la Noire de Guingamp, très ressemblantes, sont probablement les ancêtres de notre vache canadienne, qui appartient au rameau celtique. On pourrait très bien l’appeler « La Malouine du Québec »


Le Grand retour de la Vache Canadienne

Il y a presque 30 ans, un éleveur québécois décide de s’installer en France, où il souhaite reprendre une ferme en Mayenne. Il arrive avec son fils et son troupeau d’une cinquantaine de ces vaches, qu’il avait fait transporter par avion. Mais la transaction immobilière échoue, les deux fermiers québécois rentrent au pays sans leur troupeau. Mickaël Romé et son associée Lauriane Lereau, éleveurs près de Dol-de-Bretagne rachètent une trentaine de ces vaches. En 2004, la vache Canadienne est reconnue comme race française et obtient un code race (92), mais elle n’entre pas dans le dispositif PRM (Prime aux Races menacées). Aujourd'hui les éleveurs de vaches Canadiennes ont pour projet la création d’une association visant à faire reconnaître cette race comme menacée.

Pourquoi préserver cette race ancienne ?

Selon Mickaël Romé, le seul moyen de la préserver à l’heure actuelle c’est d’en parler, de la faire connaître. Ces races locales apportent de l’identité aux territoires et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui les races bretonnes ont le vent en poupe. En France en 1945 on avait 80 races bovines. Il n’en existe plus que 40 aujourd’hui. Sur ces 40 espèces, l’on en compte 20 courantes et 20 qui sont menacées.

Même s’il ne reste plus qu’une cinquantaine de ces vaches canadiennes en France, elles sont amenées aujourd’hui à se développer. On sent un désir et une volonté des citoyens d'aller dans ce sens. « Manger c’est voter », beaucoup de consommateurs l’ont compris et certains choisissent d’aller encore plus loin dans l’éthique. Ils veulent soutenir ces démarches de bio-diversité, ces producteurs de races locales qui participent à un savoir-faire, et à la richesse de la gastronomie française.


Du lait et des fromages

La Canadienne produit une viande très fine et très appréciée mais c'est surtout une vache laitière et fromagère. Son lait très riche en protéines, en caséine, pauvre en graisses et surtout très équilibré le rend très facile à transformer. Les fromages produits sont des tommes, des galettes de Baguer, fromages à pâte molle très crémeux,  mais aussi des fromages frais et des yaourts. La couleur orangée des tommes vient du lavage au cidre. Elles sont prêtes à la dégustation après un à deux mois d’affinage. Vingt litres de lait sont nécessaires à la production d’une tomme d’1kg.

Ces produits ont des qualités nutritives très intéressantes. Le travail sur cette vache est aussi plus confortable que sur d’autres races. Ces bêtes, peu sollicitées pour leur rendement et ne tombant pratiquement jamais malades, produisent autant de lait que bien d'autres races. Nourries avec du foin 100% naturel, tous les produits qui en sont issus sont bios.

Au Québec, il existe un fromage, issu du lait de cette vache, nommé le « 1608 », rendant hommage à l’arrivée de ces animaux sur le sol canadien. Là-bas, en 1999, elle a été classée « patrimoine national ».

Le reportage à Baguer-Morvan (35) de Bruno Colangelo, Benoît Le Vaillant, Vincent Bars            

Le reportage à Baguer-Morvan (35) de Bruno Colangelo, Benoît Le Vaillant, Vincent Bars, Gwenaël Hamon Interlocuteurs : Mickaël Romé et Lauriane Lereau, éleveurs à Baguer-Morvan (Ille-et-Vilaine) - Lucie Markey-Teneize, Gestion des ressources génétiques à l’institut de l’élevage (Amiens)

Pour trouver les produits issus du lait de la vache Canadienne : le Marché Bio de Dol-de-Bretagne (35) et La Cale Gourmande, au Minihic-sur-Rance 

L'intérêt génétique des races traditionnelles (Propos recueillis auprès de Lucie Markey-Teneize, Gestion des ressources génétiques à l’institut de l’élevage)
Le but de la génétique dans la préservation des races est de faire en sorte que l’on conserve la plus grande diversité d’animaux possible. Pour ce faire, il est nécessaire de bien repérer tous les animaux, les pères, les mères et de faire en sorte par exemple, que lorsqu'un éleveur recherche un taureau, il soit le plus différent génétiquement de ses vaches.

Des animaux ayant pratiquement disparu, il y en a dans toutes les espèces : les cochons, les vaches, les chèvres… et à titre d’exemple, pour les vaches aujourd’hui, il existe une quinzaine de races de vaches, sauvées de la disparition, et qui avaient failli disparaître dans les années 1970 mais petit à petit, elles ont été développées à nouveau par leurs éleveurs, qui y travaillent toujours.

Il y a plusieurs intérêts à sauver cette vache
Un intérêt d’ordre patrimonial, il fait référence à la diversité et à la richesse des animaux dans nos régions de France. Chaque région possédait ses cheptels, qui étaient adaptés aux territoires. Certains ont disparu, mais ceux sauvegardés aujourd’hui ont pour intérêt de rappeler cette diversité et de conserver cette adaptation au territoire.

Au niveau génétique il y a aussi un intérêt à garder le maximum de variabilité dans les races. Aujourd’hui, les grandes races sélectionnées ont été travaillées sur différents critères de sélection. On ne sait pas si dans 10, 20 ou 30 ans, ces races traditionnelles n’auront pas des gènes intéressants pour l’élevage français dans le contexte agricole de demain.

Dans ce type de races à très petits effectifs, comme la race canadienne, qui ne compte que quelques dizaines d’unités en France et seulement 200 ou 300 au Canada, les préserver, c’est un peu une sécurité, au cas où il arriverait quelque chose sur le plan sanitaire au Canada. On peut dire que finalement, avoir un deuxième troupeau est une vraie précaution.
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