L'accident de chasse dans le Cantal samedi 19 février rappelle celui d'Ille-et-Vilaine en novembre dernier. Quelles conclusions en tirer ? Rencontre avec le président de la fédération de chasse 35 et un sénateur EELV, membre de la mission de contrôle sur la sécurisation de la chasse.
Ce mardi 22 février, l’adolescente de 17 ans, auteure présumée du tir qui a causé la mort d’une randonneuse samedi dernier dans le Cantal est déférée devant le parquet d’Aurillac.
Un dramatique accident de chasse qui rappelle celui de Laillé en Ille-et-Vilaine le 30 octobre 2021. Un automobiliste de 67 ans avait été touché au cou par un tir alors qu’il circulait sur l’axe Rennes-Nantes. Il était décédé quelques jours plus tard au CHU de Rennes.
Cohabitation chasseurs-promeneurs
Et pourtant force est de constater qu’en cette période de vacances scolaires, certains promeneurs venus savourer la magie de la forêt de Brocéliande n’ont pas conscience de la présence des chasseurs à quelques pas seulement. "On ne savait pas qu’il y avait de la chasse. C’est un peu stressant parce qu’il y a plein d’enfants autour de nous. Les balles perdues, ça arrive", grimace l’un d’eux, lorsque nous l’en avertissons.
Un point d’équilibre est à trouver.
Daniel SalmonSénateur EEL d'Ille-et-Vilaine
Alors que faire pour que de tels drames ne se reproduisent pas ? La signature par plus de 100 000 personnes de la pétition "Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça !" oblige le Sénat à se saisir de la question. La mission de contrôle sur la sécurisation de la chasse rendra ses conclusions en juillet prochain.
Le sénateur EELV d’Ille-et-Vilaine, Daniel Salmon y siège. Pour lui, il est impératif que la chasse soit interdite certains jours, de préférence le week-end, pour permettre aux promeneurs de profiter de la nature en toute sécurité. "Un point d’équilibre est à trouver, précise le sénateur. Laisser peut-être la possibilité de la chasse le samedi matin… Tout ça reste à discuter."
Pourquoi je n’aurais pas le droit de chasser le dimanche ? L’été, il y a un noyé par jour sur les plages. A ce moment-là, pourquoi on n’interdit pas la baignade ?
André DrouardPrésident de la fédération de chasse 35
Une solution qui ne satisfait pas la fédération de chasse d’Ille-et-Vilaine. André Drouard, son président, y voit une discrimination : "Pourquoi je n’aurais pas le droit de chasser le dimanche ? L’été, il y a un noyé par jour sur les plages. A ce moment-là, pourquoi on n’interdit pas la baignade ? (…) Dans toutes les activités, on peut se mettre en danger."
Des armes à feu plus puissantes qu'auparavant
"Nos armes à feu sont puissantes, concède le président de la fédération de chasse 35, puisque le sanglier est un animal puissant."
Sur ce point, tous les observateurs du monde de la chasse semblent d’accord : la prolifération du gros gibier (sangliers et chevreuils) obligent les chasseurs à utiliser des armes bien plus dangereuses que lorsqu’ils se contentaient de tirer des lapins.
"On incite les gens à venir s’entraîner pour maîtriser leur arme et se maîtriser", poursuit André Drouard. Actuellement seule une formation d’une demi-journée tous les 10 ans est obligatoire. "En France, le permis de chasse est trop léger, abonde le sénateur Daniel Salmon. Il faut des chasseurs entraînés avec un bon état physique et mental."
Pourquoi une telle prolifération de sangliers ?
Mais le sénateur écologiste va plus loin : "Qu’est-ce qui explique cette multiplication par 5 voire 10 du nombre de sangliers abattus sans que ne soit jugulée la croissance de leur population ?" Et c’est là tout le nœud du problème. C’est à cause de cette prolifération de sangliers et des dégâts engendrés que les chasseurs sont sollicités pour les abattre.
Le sénateur écologiste invite à réfléchir sur des pratiques agricoles qui seraient à l’origine de l’accroissement du nombre de sangliers. Il propose également la création de brigades professionnelles pour tuer et réguler le gros gibier.
Ne pas tirer est un acte de chasse !
André DrouardPrésident fédération de chasse 35
De son côté, André Drouard, le président de la fédération de chasse d’Ille-et-Vilaine en appelle à une prise de conscience des chasseurs. "Ne pas tirer est un acte de chasse ! Si les conditions ne sont pas réunies, je ne tire pas !"
Pour lui, le facteur humain reste la pierre angulaire : "Vous pouvez avoir la meilleure réglementation. Si une personne ne l’applique pas, ça vous échappe."
Un unique certificat médical pour toute la vie de chasse
Cet organisateur de chasse estime qu’il devrait avoir les moyens d’évincer un chasseur chez qui il décèle un comportement dangereux. Un aveu d’impuissance qui laisse à réfléchir.
En France, un certificat médical est exigé pour l'inscription au permis de chasser. Une fois le permis obtenu, le chasseur n'a plus de visite médicale à passer.
48 000 Bretons détiendraient un permis de chasse (un million de Français environ en tout). L'OFB (office français de la biodiversité), déclare avoir délivrés 1 042 nouveaux permis en 2021 en Bretagne (117 dans les Côtes-d'Armor, 200 dans le Finistère, 376 en Ille-et-Vilaine et 289 dans le Morbihan).