Un jour, le diagnostic est tombé, violent, fibromyalgie, et en même temps, réconfortant. Pour la première fois, Julie Caré s’est sentie comprise. Après des années d’errance médicale, des années à s’entendre dire que tout allait bien, que c’était dans sa tête, on la croyait quand elle disait qu’elle avait mal. Elle a écrit un livre pour témoigner.
"J’ai beau réfléchir aujourd’hui (...) quand je pense à la fibromyalgie, je me demande quand je suis réellement entrée dans la maladie. Était-ce quand j’étais enfant, et que mon corps me faisait mal lorsque je faisais de la danse classique ? Était-ce lors d’un accident de voiture ? Était-ce en prenant des coups ?" se demande Julie Caré dans son livre "Mon corps en exil".
Pendant des années, la jeune femme a été victime de violences conjugales. Des bleus sur le corps et à l’âme. Un jour, elle a réussi à partir. Elle a mis des années à se reconstruire et puis, au moment où ça commençait à aller mieux, les douleurs sont apparues.
"Des maux de dos, les yeux qui tapent, des poignées de châtaignes dans les jambes", décrit-elle.
Dans son livre, elle précise : "Imaginez un instant être parcouru de décharges électriques dans les bras, dans les jambes, de maux de tête assommants, de votre vue qui vous lâche et qui rend votre vision floue. Perdre l’équilibre, avoir le vertige au point de parfois devoir vous accrocher à quelque chose, à n’importe quoi pour ne pas tomber (...) (vivre) des nuits qui ne ressemblent plus à des nuits..."
"C’est affreux, mais c’est presque logique, explique Julie. Quand la vie va mieux, on relâche la pression, et du coup, on cesse d’être un bloc de béton inanimé, et on ressent les douleurs. Le corps dit, j’ai souffert, j’ai besoin qu’on prenne soin de moi." Aujourd’hui, la jeune femme le sait, la fibromyalgie se développe souvent sur des blessures.
Une longue errance
Pendant quatre années, Julie souffre sans savoir pourquoi. Son médecin l’accompagne mais ne sait pas ce qui se passe, toutes les analyses, tous les examens sont bons. Et pourtant, Julie a mal. "Mon fauteuil est invisible, tout comme le sont tous mes maux, je n’en suis pour autant pas moins malade", écrit-elle.
Un jour, un rhumatologue finit donc par poser le mot, fibromyalgie. La maladie est reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé depuis 1992. 1,5 millions de personnes en souffrent en France. Mais il n’existe pour l’heure, aucun véritable traitement.
"Ça sert à quoi de faire un diagnostic s’il ne se passe rien derrière ? s’indigne la jeune femme. La fibromyalgie c’est être malade et ne pas avoir le droit de l’être en même temps."
Car Julie a été obligée d’arrêter de travailler et les seules choses qui apaisent ses douleurs, la balnéothérapie, les rendez-vous avec le psychologue ne sont pas pris en charge. "Les petits plaisirs de la vie passeront après le peu de thérapies non prises en charge que le maigre revenu du temps partiel nous accorde. Une fois les économies dépensées, l’accès aux thérapies payantes s'arrête, mais la douleur, elle, ne disparaît pas. Le pauvre doit-il bénéficier de soins différents du riche pour la même pathologie ?" interroge-t-elle.
"La fibromyalgie est reconnue, comme le diabète. Mais un diabétique est pris en charge, un "fibromyalgique", lui, doit se débrouiller !"
Les "serreuses" de dent
En racontant son quotidien, la jeune femme veut se battre contre la maladie et contre ceux qui doutent encore de ces souffrances. "Nous sommes les serreuses de dents, les visages de façades par excellence. (…) J’ai serré tant de fois les dents, esquissant des sourires au monde autour de moi, mais les larmes coulaient à l’intérieur."
"Le plus dur, témoigne-t-elle, c’est de se battre pour tout, tout le temps, d’en arriver à être fière de soi quand parfois nous arrivons à faire quelque chose dont nous ne semblons plus capables, regarder autour de soi et constater que les autres ne voient rien (…). Une réussite."
A 35 ans, Julie Caré n'entend pas laisser la maladie prendre toute la place dans sa vie. "Je résiste, parce que je veux rester debout, même si j’ai mal et que tout me coûte, je reste debout. C’est ma manière à moi d’accepter la maladie, de lui laisser la place que je dois lui accorder, mais de ne pas en devenir victime dans ma vie au quotidien, et par conséquent, de ne pas devoir vivre ma vie à genoux."