Elle habite dans les Côtes d’Armor et souhaite se faire appeler Chloé. Pas envie d'être stigmatisée, alors elle préfère un prénom d’emprunt. Chloé a 32 ans et souffre de schizophrénie. Si elle a décidé de témoigner, de raconter son errance médicale, son quotidien, ses voix, ses visions, c’est qu’elle veut qu’on jette un nouveau regard sur cette maladie.
"Je témoigne pour tous ceux qui sont comme moi, pour ne pas qu’on nous rejette." Chloé tire sur sa cigarette électronique et on sent tout le courage qu’il lui a fallu pour oser témoigner à la presse. Comme une bouteille à la mer. Raconter son histoire pour ne plus être vue comme une bête curieuse.
"On est les plus mal aimés de la terre, nous les schizophrènes. On n’est pas dangereux, il y a trop de préjugés." Cette image de menace qui colle à la peau, Chloé la sent décupler dès qu’un fait-divers implique un schizophrène.
"Pourtant il n’y a qu’1% des personnes souffrant de schizophrénie qui représente un risque pour la société", avance la jeune femme. C’est pour lutter contre ce rejet que l’association PositiveMinders, lance SchizOdyssey, des témoignages sur internet pour faire connaître cette maladie au grand public. Une opération dans le cadre des journées de la schizophrénie du 19 au 26 mars.
Je ne sais pas vraiment combien d’hospitalisations j’ai eues.
Chloé
L’errance médicale figure comme l’autre grand sujet autour de cette maladie psychiatrique, que malades et associations souhaitent combattre. Pour Chloé, le malaise a toujours été là, mais le diagnostic n’a été posé qu’à 22 ans. "Je ne sais pas vraiment combien d’hospitalisations j’ai eues. Déjà en primaire, je me sentais différente, pas bien. J’étais dans mon monde", se souvient Chloé.
Des hallucinations, des voix
Son malaise, longtemps assimilé à de la dépression, l'a privée de traitement adapté pendant presque 20 ans. "Pourquoi une telle errance médicale, il y a des listes d’attente anormales dans les CMP (centres médico-psychologiques), même pour les enfants", s’agace-t-elle.
Et puis un jour Chloé a eu des hallucinations, entendu des voix… "Des paroles agressives, menaçantes." Cette fois, le nom de son mal être est posé : schizophrénie. Encore maintenant, malgré un suivi médical, la jeune femme se sent en danger dans les transports en commun.
Une vie au jour le jour
Elle a bien obtenu un CAP de cuisine, mais la relation à l’autre reste compliquée. "Je n’ai pas beaucoup d’amis, avoue-t-elle. Je n’arrive pas à aller vers les gens parce que je n’ai pas envie qu’on me voie comme ça, pendant les moments où ça ne va pas."
Alors elle se balade, elle va au cinéma et vit grâce à une allocation d’adulte handicapée "au jour la jour", insiste-t-elle. A 32 ans, elle habite en colocation avec une amie qui la comprend et la secoue quand c’est nécessaire. "Quand je ne suis pas bien, je ne me douche pas, je ne mange pas. Mon amie me prépare alors des plats que j’aime."
Chez elle, elle peut aussi compter sur son lapin qui "sent quand je ne vais pas bien et vient me faire un câlin."
Avec la musique, plus d'angoisse
Mais le plus grand bonheur de Chloé sur cette terre, c'est la musique. Dans les festivals, elle se sent bien, va vers l’autre et n’a jamais fait de crise. Elle a été bénévole à Art Rock et Bobital. Salariée quelques jours à Rock en Seine.
Aujourd’hui grâce à son traitement, les voix, les hallucinations, l’anxiété ont diminué. "Sans mes médicaments, je serais retournée à l’hôpital. J’ai été longtemps dans le déni," glisse-t-elle. Un déni contre lequel elle veut mettre en garde les jeunes malades. "Il faut apprendre à vivre avec cette maladie. C’est long de l’accepter."