Depuis janvier, la clinique Pasteur, à Brest, s'est dotée d'une consultation d'onco-sexologie, à destination des personnes atteintes de cancer. Reconstruire sa vie sexuelle, se réapproprier son intimité, malgré la maladie, le chemin est souvent compliqué, long. Et encore tabou. Témoignage.
"Je n'ai plus de libido du tout". Marie ne prend aucun détour pour dire les incidences du cancer sur sa sexualité. "J'ai été mutilée, je n'accepte pas mon corps tel qu'il est aujourd'hui, confie-t-elle. Alors, comment pourrais-je avoir envie de faire l'amour ?".
"Se réapproprier son intimité"
Cette femme de 48 ans, qui a subi l'ablation partielle d'un sein après la découverte d'une tumeur, s'est posée beaucoup de questions. Jusqu'à ce qu'un infirmier du service d'oncologie de la clinique Pasteur, à Brest, où elle est suivie, aborde le sujet avec elle et la dirige vers la médecin sexologue de cette unité. "Pouvoir verbaliser cette absence d'envie, sans tabou, ça m'aide vraiment".
Depuis janvier dernier, l'établissement hospitalier a ouvert une consultation d'onco-sexologie. A l'initiative du docteur Anne-Charlotte Sellier. La jeune médecin, qui travaille dans l'unité de soins palliatifs de la clinique Pasteur, a mobilisé les soignants "parce que la sexologie a toute sa place en cancérologie, souligne-t-elle. Cela relève du confort de vie, au même titre que d'autres aspects liés au cancer".
Elle reçoit une dizaine de patients chaque mois, "Ceux que je vois sont pour la plupart en rémission et s'interrogent sur l'après. On évoque ensemble les aspects physiques mais aussi psychiques pour qu'ils apprennent à se réapproprier leur intimité".
"Ma tête et mon corps disaient non"
Reconstruire une vie à deux, quand on a mis sa sexualité de côté pendant de longs mois voire des années, "c'est un chemin compliqué, constate Anne-Charlotte Sellier. Dans le couple, cela peut devenir difficile".
Marie en sait quelque chose. Son mariage a volé en éclats. Elle a du mal à "faire le tri entre ce qui vient de la maladie et l'usure naturelle de la relation". "Avant, ça fonctionnait. Le blocage a commencé après la chimiothérapie et la radiothérapie, raconte-t-elle. On a essayé de faire l'amour avec mon mari, mais je n'y arrivais pas. Ma tête et mon corps disaient non. Je n'y étais pas du tout".
L'histoire se poursuit "sans relations sexuelles". Marie trouve des réponses auprès de la sexologue de la clinique Pasteur. Elle se joint également aux groupes de discussion de La Ligue. "On est entre nous, on se comprend car on traverse les mêmes choses" analyse-t-elle.
Elle se rassure petit à petit et se dit "prête" à rencontrer quelqu'un "pour être bien". Elle avance, même si, parfois, la culpabilité, l'image et l'estime de soi dégradées s'accrochent encore à ses pas. "J'ai juste besoin de temps pour accepter ce que je suis physiquement et être en raccord avec ce que je vois dans le miroir".
"Briser les barrières"
La consultation d'onco-sexologie de la clinique Pasteur "n'est pas seulement réservée aux femmes atteintes d'un cancer du sein, tient à préciser Anne-Charlotte Sellier. L'altération de la sexualité touche évidemment aussi bien les hommes que les femmes. Les traitements peuvent, par exemple, entraîner une dysfonction érectile, une sécheresse vaginale, sur lesquelles nous pouvons agir médicalement".
La problématique pourrait sembler superflue quand la priorité est de combattre la maladie, "mais ce n'est pas le cas. Se réautoriser à éprouver du plaisir et du bien-être est une étape importante, qui passe avant tout par la communication au sein du couple".
La médecin sexologue aide à mettre les mots sur ce que les patients et leurs conjoints désirent, sur leurs craintes. Elle accompagne également les soignants, peu formés dans ce domaine. "Le patient attend souvent que les médecins ou infirmiers fassent le premier pas, observe-t-elle. Mais pour eux, ce n'est pas non plus un réflexe de parler de sexualité. L'enjeu est de briser cette barrière qui existe des deux côtés".