Journée du souvenir des victimes de la déportation : comment se souvenir quand les témoins ne sont plus là ?

Elle s'appelait Huguette Gallais. Pendant des années, à son retour des camps de concentration, elle s'est rendue dans les écoles pour témoigner, parler de la déportation, raconter inlassablement cette douloureuse histoire. Elle est décédée en 2016. Comment se souvenir quand les témoins ne sont plus là pour transmettre ? C'est la question que nous posons en ce jour du souvenir des victimes de la déportation.

En 1945, Huguette Gallais et sa mère ont été libérées de Mauthausen. Quand elles sont rentrées à Fougères, elles pesaient 28 et 30 kilos. Tant qu’elle a pu, Huguette a témoigné, dans les écoles, devant les caméras, pour que l’on n’oublie pas l’horreur des camps de concentration. Mais elle s’est éteinte en 2016. 

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Comment parler de la déportation quand les témoins ne sont plus là ? 

Ce sont les enfants qui parfois prennent le relais de leurs parents pour raconter. À la mort d’Huguette, Soline, sa fille, s’est senti le devoir de transmettre, à son tour, cette histoire, celle de sa famille. Ce jour-là, avec trois autres filles de déportés, elle est devant des lycéens et des étudiants à Fougères pour témoigner, pour que l'on n'oublie pas. 

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Comment se souvenir quand les témoins ne sont plus là pour transmettre ? C'est la question posée en ce jour du souvenir des victimes de la déportation. ©Séverine Breton et Thierry Bouilly - France Télévisions

Quand le réseau Gallais a été dénoncé, Huguette et ses parents ont été envoyés en Allemagne. Son père y est mort, guillotiné. Les femmes ont été déportées vers les camps de Lübeck, Ravensbrück et Mathausen.

"Bien-sûr, on ne peut pas parler pour eux. Ils ont vécu des choses que nous n'avons pas vécues. Mais ne pas témoigner serait trahir. Ils avaient une mission, pour eux, il fallait parler pour leurs camarades décédés à côté d'eux. Et pour tout ce qu'ils avaient vu."

Soline, fille d'Huguette Gallais

Chacune à sa façon, ces filles de résistants-déportés, tentent de trouver les mots pour dire, les coups, la peur, les fours crématoires.

La mère et la grand-mère d’Anne-Marie Thomas ont été conduites dans le couloir des chambres à gaz. "C'est autant une éducation qu'on veut leur donner, que le souvenir de ce qui s'est passé, insiste la fille et petite-fille de déportées. Parce que le souvenir, ils vont pouvoir le lire dans les livres, le voir dans les films. Il y a plein d'histoires, qui sont vraies et qui sont racontées. L'histoire de ma mère et de ma grand-mère n'est pas plus remarquable que celle d'un autre résistant et déporté. Ça n'est pas trop ça qui m'intéresse, ce qui m'intéresse, c'est de leur faire palper ce qui est la vérité. Ce qu'ont vraiment vécu ces personnes qui ont été déportées."

"Ça aide à construire l'histoire"

"Ça apporte beaucoup plus de précisions que tous les documentaires, les films qu'on peut avoir. Ça aide à construire l'histoire" assure Alban Lecomte, étudiant, "C'est différent de tout ce qu'on peut nous raconter, renchérit encore Pierre-Louis Berthault, étudiant lui aussi, parce qu'il y a l'émotion en plus. On ne voit pas les choses de la même manière. C'est l'aspect émotionnel qui prend le dessus. Et on comprend mieux les choses !"

Des huit hommes avec qui il a été déporté, Jean Nobilet est le seul à être rentré. Pour être fidèle à son histoire, sa fille Véronique Pelichet-Nobilet, préfère lire ses mots, "la lettre adressée à sa mère et à ses sœurs, à la libération du camp", explique-t-elle aux jeunes devant elle : "Mathausen, le 12 mai 1945. Chère maman, chères sœurs, enfin des nouvelles. Première fois depuis un an au moins. Mais quelles nouvelles vous annoncer ? Des bonnes, peu. Des mauvaises, beaucoup. Je crois bien qu'il ne vous en reviendra que le 6e. C'est-à-dire que je dois rester le seul vivant. Peut-être est-ce que cela vous fera comprendre les souffrances qu'il nous a fallu endurer. Encore si le plus jeune vous rentrait en bon état ? Mais quelle faiblesse, quelle maigreur..."

"Il ne faut pas que l'histoire meure. Chaque génération doit savoir ce qui s'est passé, pour que les horreurs ne recommencent pas."

Abigaël Carton, étudiante

"Ils ont vécu des choses impensables. Ils ont donc une philosophie de la vie par rapport à cette expérience vécue, observe Soline Roffe-Gallais. On ne peut pas avoir ce même regard sans avoir vécu cette tragédie, mais je pense que c'est quand même essentiel d'en parler parce que, qui va en parler sinon ?"

Les mots des enfants de déportés ne sont pas toujours ceux de leurs parents, mais ils disent les camps. Huguette et les autres ne sont plus, mais leur histoire continue de se transmettre.

(Avec Séverine Breton)

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