2020 marque les 75 ans de la libération du camp de concentration d'Auschwitz. À Rennes, une cérémonie d'hommage était organisée à la synagogue, en présence de Magda Hollander Lafon, ancienne déportée. Les témoins disparaissent peu à peu, tandis que la méconnaissance de la Shoah grandit.
"Ils étaient encerclés par les mitraillettes, harcelés par les chiens. Arrivait alors un officier qui faisait la sélection. Souvent le sinistre Docteur Mengele, médecin. En regardant les détenus, impassible, il demandait 'quel âge ? En bonne santé ou malade ?'. Selon la réponse, il indiquait la direction avec son pouce. Gauche ou droite, la vie ou la mort, avec comme destination immédiate les chambres à gaz.
Si j'ai la chance et l'honneur de me tenir devant vous aujourd'hui, c'est parce que mon père Alexandre, alors âgé de 13 ans quand il est arrivé au camp, prétendit en avoir 15 et fut déclaré apte au travail. Chance que n'eurent pas ses parents. Pour ceux qui échappèrent aux chambres à gaz commencèrent alors les travaux forcés, l'épuisement, la dénutrition, le froid, les humiliations de toutes sortes destinées à les priver de toute dignité humaine. Peut y survécurent. Ils étaient devenus des "stucks", des pièces en allemand."
C'est par ces mots prononcés par Philippe Strol Président de l'Association Culturelle & Cultuelle Israélite de Rennes, qu'a débuté une cérémonie d'hommage aux déportés d'Auschwitz, à la synagogue de Rennes ce 26 janvier. Plusieurs personnalités étaient présentes, dont Monseigneur d'Ornellas, archevêque de Rennes et des représentants de la communauté musulmane.
Il y a 75 ans, la libération d'Auschwitz
Le camp de concentration a été libérée il y a 75 ans. Plus d'un million de personnes y ont péri, en majorité des juifs.
Le témoignage des derniers survivants dont je fais partie, est écouté, peut-être entendu. Magda Hollander-Lafon, ancienne déportée
Magda Hollander-Lafon, 93 ans, ancienne déportée a également pris la parole. Comme le père de Philippe Strol, elle aussi a menti sur son âge lors de son arrivée à Auschwitz, pour échapper à la mort. "Nous avons osé exprimer l'incommunicable. Le passé ne peut être effacé. Aujourd'hui nous participons en témoignant au devenir d'un monde plus juste, plus humain." "Il faut transformer l'indifférence et l'ignorance, qui sont pour moi la mort de l'homme et de l'humanité. Demain dépend de chacun de nous" a t-elle déclaré.
Magda Hollander-Lafon n'a de cesse de transmettre son message, notamment auprès des jeunes auprès desquels elle intervient toujours. Et auxquels elle fait confiance. "Leur devenir me tient à coeur. Je ne peux pas faire autrement", constate-t-elle.
Après ce discours, la liste des noms des personnes décédées dans les camps, du département, a été lue, par des jeunes de la communauté. "J'ai ressenti un peu de tristesse, il y a des moments où j'avais dû mal à lire", a confié Enzo. S'en est suivi un temps de prières.
L'ignorance et les préjugés demeurent ont souligné les participants. 16 % des Français disent n'avoir jamais entendu parler parler de la Shoa."L'Europe doit réagir avec une fermeté exemplaire pour dénoncer et combattre toute résurgence de l'antisémitisme. Il en va de son avenir." Internet a notamment été évoqué, perçu comme un déversoir de haine, possible dans le confort de l'anonymat et où les thèses complotistes pullulent.Il faut que notre siècle ne connaisse pas le même cataclysme qui a secoué le précédent. Philippe Strol
"Le temps passe et les témoins disparaissent. Il faut devenir les témoins des témoins" rappelle Philippe Strol. Le devoir de mémoire devra désormais passer par un élan encore plus collectif.