Ille-et-Vilaine. Des démissions d’enseignants "inquiétantes"

D’ordinaire, chaque année, en Ille-et-Vilaine, seul un enseignant démissionnait. Ces derniers temps, ils étaient cinq, voire six à ranger définitivement cartables, craies et crayons. Mais pour cette rentrée 2021, 24 enseignants ont quitté l’Education nationale. Pour les syndicats, c’est le signe d’un profond mal être.

"Je n’ai jamais, jamais vu ça, commence Emmanuelle Maray, secrétaire départementale du SNUipp-FSU 35. Les gens sont en train de craquer, ils cherchent une porte de sortie."

Cela fait plusieurs années que les syndicats alertent, explique-t-elle. "On a de plus en plus d’enseignants qui viennent nous voir pour nous poser des questions sur les reconversions possibles. Ils nous disent : Je ne pourrai pas continuer à supporter ça longtemps".

Une tendance nationale

Au cours de l’année scolaire 2012-2013, en France, 399 professeurs ont démissionné. Trois ans plus tard, en 2015-2016, ils étaient 1.002.  En 2017-2018, 1.417. Presque 4 fois plus. Dans le primaire, les départs ont triplé en six ans : ils sont passés de 289 en 2012 à 861 en 2018. Dans les collèges et les lycées, ils ont plus que doublé.

A la rentrée de septembre 2021, le SNUipp-FSU des Pyrénées-Orientales a lui aussi tiré la sonnette d’alarme : les démissions d'instituteurs ont flambé : de 2 en 2018-2019 à 19 l'année scolaire dernière, soit +850 % en deux ans.

 

Tout le monde est touché

Les démissions en Ille-et-Vilaine concernent des enseignants de tous âges qui avaient, face à eux, des élèves de tous âges : des écoliers de maternelle ou de primaire, des collégiens, des lycéens.

18 d’entre eux étaient en fin de disponibilité. "Cela veut dire qu’ils avaient déjà fait un break et qu’ils n’ont pas voulu revenir, analyse Emmanuelle Maray. Pour les six autres, on a affaire à des démissions spontanées et c’est encore plus inquiétant."

Un fossé entre idéal et réalité

"Certains venaient d’arriver dans le métier, ils l’avaient peut être idéalisé." Emmanuelle Maray cherche à comprendre. "Ils n’avaient peut-être pas mesuré les contraintes, le manque de moyens, l’impuissance pour régler les choses. La désillusion est terrible."

"Le contact avec les enfants reste magique, témoigne-t- elle, mais on ne nous donne pas les moyens. C’est compliqué d’être dans une classe de 24 avec 24 niveaux d’élèves différents. On a supprimé les réseaux d’aide et on se retrouve impuissants face à des élèves à qui on ne peut pas apporter des solutions. C’est contre nos valeurs."

"Les journées des enseignants étaient déjà très longues, insiste la secrétaire départementale du SNUipp 35, préparer les cours, donner des cours, évaluer les élèves, corriger les devoirs… à tout cela se sont ajoutées des tâches administratives, certains craquent."

La crise sanitaire n'a évidemment rien arrangé. Les cours à distance, le décrochage de certains élèves. Les enseignants jettent l'éponge. 

Quand la société va mal, l’école va mal

"En ce moment, c’est simple, rien ne va, soupire l’enseignante. Les parents vont mal, donc les enfants vont mal et comme le social va mal, l’école souffre."

"Les services publics sont réduits à peu de choses et parfois, nous sommes les seuls interlocuteurs des parents. Emotionnellement, c’est dur pour les enseignants. Savoir que nos élèves dorment à la rue, dans des caravanes et ne rien pouvoir faire, c’est terrible. Les collègues font face au constat et l’absence de réponses à apporter se transforme vite en véritable souffrance."

Profs bashing 

La relation à l’école et aux enseignants a elle aussi changé. "Les parents contestent volontiers tout ce que nous faisons en classe, les notes, les enseignements. Certaines écoles, certains enseignants sont montrés du doigt sur les réseaux sociaux. C’est parfois très violent."

Absence de soutien

"En plus, on se sent méprisés par notre ministre poursuit Emmanuelle Maray. Les réformes, les programmes qui changent, Jean-Michel Blanquer ne s’adresse plus aux enseignants mais parle aux médias. On a préparé la rentrée 2021 avec ce qu’on a lu dans les journaux, le protocole est arrivé dans les écoles après la reprise des cours" ironise-t-elle.

"24 démissions, conclut-elle, c’est énorme. J’espère que ça va faire réfléchir et réagir les gens du ministère. Le métier ne fait plus rêver, il ne faudrait pas qu’il vire au cauchemar."

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