En réponse à la quarantaine imposée aux voyageurs étrangers arrivant au Royaume-Uni, les ressortissants britanniques sont invités à effectuer une "quatorzaine" sur le sol français. La mesure pénalise des professionnels du tourisme breton déjà mis à mal par la crise sanitaire.
"Vraiment, c'est le scénario rêvé !", ironise un rien grinçant, Arnaud de la Chesnais, dirigeant du Domaine des Ormes. "D'abord le Brexit puis les déplacements limités à 100 km et maintenant la quatorzaine demandée aux ressortissants britanniques...On court au désastre économique !"
Le complexe touristique situé à Epiniac près de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) travaille avec une clientèle aux trois-quarts étrangère, principalement venue d'outre-Manche.
1 500 personnes attendues début avril
Il y a d'abord eu les séminaires de mars, "annulés au dernier moment alors que les réfrigérateurs étaient pleins."
"Pour "les bank holidays", les vacances de printemps du Royaume-Uni, qui lancent habituellement la saison sur le Domaine début avril, nous attendions 400 familles, 1 500 personnes." Vacances annulées pour causes de coronavirus.
Deux mois après le lancement supposé de la saison, la structure qui emploie une centaine de salariés à l'année, le triple au plus fort de la saison, reste désespérement vide.
L'annonce, faite ce week-end par le gouvernement français d'instaurer une "quatorzaine volontaire" aux voyageurs en provenance du Royaume-Uni hypothèque un peu plus la saison 2020 de cette entreprise familiale qui s'étend tout de même sur 200 hectares.
"Les tour-opérateurs britanniques, avec lesquels nous travaillons, nous ont déjà annoncé qu'ils renonçaient à vendre des séjours en France." Trop compliqué et incertain pour cet été alors que tout le monde ignore de quoi les prochains mois seront faits.
10 millions investis dans un dôme aquatique
Un coup du sort qui tombe bien mal alors que le Domaine des Ormes vient de réaliser un gros investissement d'environ 10 millions d'euros pour se doter d'un dôme aquatique. Le nouvel équipement devait être inauguré mi-mai. Tout a été annulé.
"En attendant, nous sommes supposés rembourser 3 000 euros d'emprunt quotidiennement. Et même si les banques acceptent un report, nos charges fixes (entretien, matériel, assurances, énergies et salaires) demeurent" soit au bas mot 10 000 euros chaque jour. "Or nous n'avons quasiment aucune rentrée depuis novembre. La trésorerie fond à vue d'oeil." Le golf et le centre équestre, dépendants du site, ont toutefois pu rouvrir début mai.
C'est comme si notre avion avait reçu l'ordre de retourner au hangar alors qu'il était sur la piste d'envol
Depuis mi-mars, une vingtaine de salariés continue d'oeuvrer à l'entretien courant, les autres sont au chômage partiel tandis que les saisonniers (près de 200) attendent de savoir s'ils pourront ou non travailler. "C'est un peu comme si notre avion était sur la piste d'envol, à la moitié de la piste on nous demande de faire demi-tour et de rentrer au hangar", se désole Arnaud de la Chesnais.
"Bon, je vous énumère toutes les déconvenues qui nous tombent dessus. Il n'empêche que je comprends les mesures de sécurité sanitaires qui sont prises", admet-il.
Ouverture espérée le 12 juin
L'équipe dirigeante a donc fait le pari de rouvrir le 12 juin, en espèrant qu'elle en aura l'autorisation. "Dans cette idée, nous avons demandé à l'ensemble des salariés permanents de revenir lundi 25 mai." Car les demandes de réservation sont bien là. "Les gens n'en peuvent plus d'être enfermés. Ils veulent de l'air. Les demandes concernent principalement le mois d'août; des Français mais aussi quelques étrangers et des Britanniques, qui nous ont contactés. Mais ça, c'était avant l'annonce de la quatorzaine."
Son espoir ? Que la limite des 100 km soit élargie pour permettre aux touristes français de venir. "Le dôme aquatique pourrait être un atout. Les touristes français sont partants pour passer des vacances à la campagne à condition qu'on leur propose des activités et des équipements."
Crainte d'un cluster
Une autre crainte pour le professionnel du tourisme, c'est la survenue d'un foyer épidémiologique sur son site. "Nous allons probablement rendre le port du masque obligatoire en intérieur. J'envisage également d'acheter des tests pour les proposer aux clients. Pour le reste, nous avons la chance de disposer de grands espaces permettant d'éloigner les emplacements les uns des autres sans difficulté."
Autant dire que la semaine qui arrive et peut-être l'annonce de la réouverture des campings, hôtels, tout comme la levée des 100 km sera déterminante.