Hôtels et gîtes, même s’ils sont autorisés à accueillir des clients, attendent aujourd'hui des autorités qu’elles fixent des protocoles sanitaires pour leur fonctionnement. Les hébergements collectifs tels que les campings attendent aussi des décisions pour ouvrir cet été.
Depuis le confinement, c’est le manque de clients et le poids des charges qui a mené la majorité des hôtels à fermer. Mais ils ont joué leur rôles par exemple pour héberger des soignants au plus fort de la crise. Aujourd’hui il leur faut des règles sanitaires pour exercer en toute sécurité. Mêmes interrogations pour les gîtes qui ont pu ouvrir ce 11 mai et peuvent espérer le retour des clients dans un périmètre de 100 km. Pour les hébergements collectifs comme les campings, rien n'est acté. Et c’est toute une culture des vacances qu’il faut réinventer.
En attendant beaucoup sont fermés, alors pour trouver un hébergement le Comité Régional au Tourisme conseille d'utiliser les sites itiRando.bzh ou encore RandoBreizh.fr
À Erquy, l'hôtel Beauséjour est un établissement trois étoiles disposant de 16 chambres référencé sur itirRando.bzh. Il est situé au calme, tout proche des commerces du bourg, des restaurants et des plages.
Thierry Miriel, le propriétaire de cet hôtel, aurait dû ouvrir le 4 avril pour sa troisième saison. Sans le confinement, il aurait embauché deux salariés saisonniers pour le seconder, faire les chambres et servir les petits déjeuners.
Dans le tourisme les commerces sont interdépendants
Dans la petite ville d’Erquy, d’habitude si vivante avec son port, ses commerces, ses crêperies, ses marchands de glaces et ses boutiques de jouets de plage… il n'y a aujourd’hui pas un restaurant ouvert. Les clients du trois étoiles seraient-ils condamnés à se nourrir des seuls sandwiches de la boulangerie?Pour l’hôtelier, l'absence de commerces complémentaires, c’est l’un des nombreux obstacles au redémarrage de la vie touristique.
Les contraintes sont grandes, à commencer par les précautions sanitaires à prendre pour protéger ses clients comme ses salariés.
Par exemple, l’un des atouts de cet hôtel ce sont ses petits déjeuners sur la terrasse vitrée, en surplomb du port. Mais il n’est plus possible de mettre en libre-service un buffet avec toute une variété de propositions gourmandes. Alors comment s’organiser ? Inscrire les clients sur un planning horaire la veille? Condamner une table sur deux? Il n’envisage pas pour l’instant de proposer le petit déjeuner en chambre, parce que les circulations de cet hôtel de charme ne s’y prêtent pas vraiment.
"Il est urgent d'attendre"
Le patron, Thierry Miriel, est parfaitement documenté par la profession sur ce que pourrait être le protocole sanitaire: quels produits, quelles méthodes… Mais le temps nécessaire au nettoyage des chambres va au minimum doubler le temps de travail des personnels de ménage, ce qui va générer des charges additives.Pour la protection de ses salariés, l'hôtelier dispose de fiches métiers avec la liste des équipements de protection individuels (EPI) : gants, masques, blouses. Mais il ne sait pas encore s'il doit embaucher du personnel pour démarrer avant le 15 juin : « Trop coûteux, trop compliqué, il est urgent d'attendre ! »
Gîtes et chambres d’hôtes espèrent encore sauver la saison
Dans l’arrière-pays d’Erquy, Florence Durand est propriétaire depuis dix ans des Bruyères d'Erquy, un ensemble de demeures en pierre de grès rose où elle peut accueillir jusqu’à 60 personnes. Au total elle peut louer jusqu’à 22 chambres, réparties dans deux bâtiments entourés de verdure. D’un côté une maison de chambres d’hôtes, de l’autre 17 chambres classées 3 épis aux Gîtes de France.Depuis le 11 mai, les clients dans un rayon de 100 km ont le droit de venir louer une chambre. Mais cette semaine, elle a refusé la première demande. Au téléphone, le client souhaitait venir se reposer quelques jours au calme sur les conseils de son médecin. Elle a préfèré attendre des consignes plus claires des Gîtes de France:
« Je ne sais pas si je peux ouvrir aujourd'hui. Le préfet des Côtes-d'Armor n'a pas donné vraiment de feu vert pour les hébergements de touristes. »
Le problème en gîte d’étape, c'est par exemple le nettoyage de la cuisine commune. Et puis pour les petits déjeuners, comment les livrer sinon sur une table extérieure ?
Pour se préserver du risque juridique, elle espère disposer bientôt d’un protocole officiel "pour cocher toutes les cases".
"Je sais que du 11 mai au 2 juin, je ne pourrai pas aller au-delà de dix personnes comme pour tous les regroupements privés. Mais je ne sais pas si entre deux clients successifs, je dois laisser les locaux en jachère sanitaire durant 24 ou 72 heures après désinfection."
Le risque financier
Après dix années d’exploitation, la propriétaire a encore des prêts à payer. Le paiement se fait de façon semestrielle. Pour l'heure elle n'est pas en danger, elle a même encore une marge de sécurité pour le paiement de décembre. Mais il ne faudrait pas que les annulations se succèdent trop longtemps.Ce printemps, elle a déjà perdu des mariages et des regroupements de randonneurs : c'est 2.000 à 5.000€ de perdu à chaque fois. Résultat : en avril elle a subi une perte de 25.000€ par rapport au chiffre d'affaires habituel. Si ça continue au mois de mai, elle risque de perdre 30.000€ de plus.
D'habitude, elle aussi embauche des CDD pour le ménage mais elle préfère attendre. Elle a bien obtenu les 1.500€ d'aide à l'entreprise et un prêt à hauteur de 25% de son chiffre d'affaires, garanti par la BPI, mais c’est un matelas. De quoi tenir jusqu’en juin et espérer des jours meilleurs cet été.
"Si j'arrive à faire 1/3 de mon chiffre d'affaires de la saison durant l’été, je pourrai rembourser mes prêts. Sinon ce sera une année de perte sèche."
Réservations sur Gîtes de France : un petit frémissement
Thierry Le Goff est un des responsables des Gîtes de France en Bretagne. La centrale de réservation enregistre surtout des demandes... d’annulation.Mais il observe un léger frémissement depuis ce 11 mai. Rien de comparable à la ruée des Parisiens sur les gîtes d'Île de France, mais en Bretagne aussi ce pourrait être le début du redressement avec des clients de la région de Rennes.
Il le confirme : des protocoles professionnels pour chaque type d’hébergement sont à l’étude depuis plusieurs semaines. Ils vont détailler des process d’accueil et de nettoyage et lister les produits sanitaires utiles. De quoi rassurer rapidement les professionnels et la clientèle.
On s’interroge aussi dans les campings
Le plus simple sera peut-être le camping sous toile. Sans doute a-t-on moins à craindre du coronavirus quand on dispose de sa propre tente, de sa caravane ou d’un camping-car.Nicolas Dayot, est le président de l’Union Bretonne de l'Hôtellerie de Plein Air (UBHPA). Il est également président de la fédération nationale des campings et lui-même propriétaire d’un camping en Bretagne. Ces derniers jours, il passe son temps au téléphone avec les ministères et ses pairs.
Il faudra faire la vaisselle avec un masque au bloc sanitaire
Il concède que sur les campings « l’emplacement nu » est sans risque et que les camping-caristes ou les caravaniers peuvent même se passer des sanitaires collectifs. Car c'est là le point délicat. Il faudra respecter des distances aux lavabos, aux urinoirs et aux bacs à linge. Sans doute en condamner un sur deux. Il faudra plusieur fois par jour nettoyer les douches et les poignées de portes.Les professionnels ont déjà étudié tous ces aspects du camping. À l’accueil par exemple : mettre moins de réceptionnistes derrière le guichet, organiser un sens de circulation à la réception avec des marquages au sol. Et distribuer à chaque campeur masques, lingettes, gel et produits sanitaires.
Va-t-on demander aux locataires de venir avec leurs oreillers et leurs draps ?
Dans nombre de campings, c’est le mobil-home ou le chalet qui est en vogue, voire la yourte ou la cabane dans les arbres. Là c’est la literie qui peut inquiéter. On peut faire des roulements, changer de matelas et mettre l'autre en jachère sanitaire mais le client devra peut-être apporter ses oreillers et ses draps.Pour le ménage, le locataire sera prié d’en faire une part lui-même. Mais on lui fournira le nécessaire : blouse, gants, masques et produits.
L’équipe sanitaire viendra ensuite désinfecter avec des produits validés pour laisser place nette aux vacanciers suivants.
Piscines et jeux de plein-air sous conditions
Pour les piscines l’eau chlorée règle son compte au virus, mais la gestion des abords c’est une autre paire de palmes. Il va falloir étudier les écarts entre les transats et discipliner les baigneurs sur les tobogans… pas gagné, sauf à mettre du personnel en renfort à la surveillance.Pour les animations on étudie déjà des jeux en wifi… mais ce qui pose le plus problème c’est l’aire de jeu des enfants. Les châteaux de sable oui, mais pas les châteaux gonflables. Au club enfants il va falloir réduire les groupes, les animateurs vont devoir être très inventifs.
Pour les grands, les activités nautiques individuelles seront tout indiquées : paddle, planche, canoë ou sinon les activités traditionnelles: randonnées à pied ou à vélo.
Des décisions au niveau national
Dès ce jeudi 14 mai des décisions vont être prises pour toute la filière tourisme et hôtellerie. Un comité interministériel se réunit et une annonce des décisions devrait tombée en milieu de journée ce jeudi. Le site du CRT rend compte des évolutions du tourisme face à la crise sanitaire et informe les professionnels avec son guide des bonnes pratiques.Certaines questions resteront peut-être en suspens. Quels étrangers seront autorisés à venir en juillet-aout? Les cercles de 100 km s’élargiront-ils? Les zones rouges ou vertes seront elle ouvertes entre elles? Les professionnels auront-il un plan de soutien? Des exonérations de charges cet été? Les Français les plus modestes ou désargentés auront-ils des aides de la CAF ou des chèques vacances? Les décisions du premier ministre ce 14 mai sont très attendues. Le Président de la République pourrait aussi s’exprimer le 29 mai sur ce point.