Après deux ans de guerre, quel avenir pour les 4 000 Ukrainiens déplacés en Bretagne ?

Deux ans après le début de l'offensive russe, 5 000 Ukrainiens sont passés par la Bretagne. Si 20 % d'entre eux ont déjà quitté la région pour rejoindre un autre pays européen ou retourner en Ukraine, la moitié de ceux qui restent souhaite s'installer durablement.

Il y a un peu moins de deux ans, les premiers déplacés Ukrainiens arrivaient en Bretagne. La commune de Guipry-Messac était la première d'Ille-et-Vilaine à se porter volontaire pour accueillir une trentaine d’Ukrainiens fuyant le conflit.

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La commune de Guipry-Messac était la première d'Ille-et-Vilaine à se porter volontaire pour accueillir une trentaine d’Ukrainiens fuyant le conflit il y a deux ans. ©Pauline Coiffard et Sandrine Ruaux

À cette époque, un dispositif spécifique est mis en place par la Préfecture pour leur permettre d'obtenir rapidement un droit au séjour "sans passer par les processus habituels de demande d'asile", rappelle le Préfet de région. 

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Dès leur arrivée, les déplacés ukrainiens ont ainsi pu obtenir une allocation pour demandeur d’asile (ADA) ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée de six mois renouvelable au titre de la protection temporaire décidée par les pays membres de l’Union européenne.

De quoi accéder aux soins, scolariser leurs enfants et surtout accéder à l'emploi. 

"À la fin du mois de janvier 2024, 3 793 premières autorisations provisoires de séjour (APS) avaient été délivrées par les quatre préfectures bretonnes pour des adultes accompagnés de 1 231 enfants"

Préfecture de la région Bretagne

Dans le détail, 804 adultes accompagnés de 380 enfants ont ainsi été accueillis dans les Côtes-d'Armor. Dans le Finistère, ils sont 1 011 accompagnés de 274 enfants. En Ille-et-Vilaine, on en dénombre 1 108 et 437 enfants et dans le Morbihan, 870 adultes et 140 enfants. 

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Si certaines personnes sont arrivées spontanément en Bretagne, 1 775 Ukrainiens y ont été réorientés par l'État après avoir d'abord été accueillis en Ile-de-France. 

2000 Ukrainiens souhaitent s'installer en Bretagne

Aujourd'hui, selon la Préfecture, "la part de personnes ayant quitté la région pour retourner en Ukraine, se rendre à l’étranger ou dans d’autres régions métropolitaines est estimée à 20 % des personnes accueillies depuis le début du conflit". Il resterait donc environ 4 000 Ukrainiens en Bretagne, dont 770 enfants inscrits dans les établissements scolaires de la région. "Une partie d'entre eux bénéficient d'un emploi du temps aménagé pour suivre aussi leur scolarité en Ukraine", assure Marie Koung Ndembe, coordinatrice du dispositif Urgence Ukraine en Ille-et-Vilaine et membre de Coallia.  

223 Ukrainiens habitent encore chez des proches ou des Bretons solidaires

Mandatée par l'État, cette association organise le dispositif d'accueil d'urgence des déplacés ukrainiens. En Ille-et-Vilaine, elle dispose de 165 places (487 au total en Bretagne) dans des centres d'hébergement mis à disposition par des communes : gîtes, locaux d'ancien CFA ou encore ancienne maison de retraite. Elle accompagne également 689 adultes en logement autonome, dont 223 qui occupent un logement social et 258 qui sont encore hébergés chez des Bretons solidaires ou chez d'autres Ukrainiens disposant déjà d'un logement. 

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Alors que le conflit avec la Russie semble s'inscrire dans la durée, la moitié des 4 000 Ukrainiens présents sur le territoire souhaiteraient s'installer durablement en Bretagne, selon la Préfecture. L'heure est donc à l'intégration. Et cela passe principalement par l'emploi. 

"Aujourd'hui, en Ille-et-Vilaine, 15 % des adultes que nous suivons sont en formation et 35 % sont en emploi, dont 15 % en CDI, dénombre Marie Koung Ndembe. Mais le point de blocage pour nous, c'est la saturation de l'accès aux cours de langues." Sans valider les premiers niveaux d'apprentissage du français, difficile pour les ressortissants ukrainiens d'avoir accès à des formations qualifiantes. 

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"Notre challenge, c'était de positionner des personnes qui ne parlaient pas français, témoigne aussi  Sabrina Chantepie, responsable du pôle ressources humaines et inclusion du Medef 35. Elle assure avoir accompagné 51 ressortissants ukrainiens vers un CDI. "Tout de suite, nous sommes partis sur des métiers avec du mimétisme, donc essentiellement, préparateurs de commandes, couturières, employés libre-service avec l'accueil de la clientèle. Il fallait surtout que cela tienne." 

Les limites de l'autorisation provisoire de séjour

Autre difficulté pour trouver un emploi, la mobilité : "L'autorisation provisoire de séjour (APS) ne leur permet pas de passer le permis, explique la coordinatrice de Coallia. Résultat, seuls 12 % des personnes que nous suivons disposent d'un véhicule." 

Ce statut ne permet pas non plus de bénéficier des minima sociaux. Il est donc impossible de toucher la CAF pour financer les gardes d'enfants, alors on part du principe que les parents isolés d'enfant de moins de trois ans ne sont pas en situation d'avoir accès à l'emploi.

Marie Koung Ndembe

Membre de Coallia et coordinatrice du dispositif Urgence Ukraine en Ille-et-Vilaine

Avec ce statut, impossible également pour les ressortissants ukrainiens de toucher le minimum vieillesse ou l'allocation pour adultes handicapés. "Ils ne bénéficient que de l'aide aux demandeurs d'asile, rappelle Marie Koung Ndembe. Pour une mère isolée avec un enfant, cela représente 306 € par mois, pour une personne seule, c'est 204 €." 21 % des déplacés suivis par l'association en Ille-et-Vilaine sont des mères isolées, 27 % sont des femmes seules. 

Surtout, cette autorisation provisoire de séjour (APS) prendra fin en mars 2025. Elle ne pourrait être prolongée que sur décision de l'Union européenne. "Alors, aujourd'hui, la priorité, c'est de les aider à changer de statut. S'ils demandent l'asile, ils bénéficieront de la protection subsidiaire, un droit de séjour de quatre ans. Mais ils ne pourront ainsi plus se rendre dans leur pays d'origine."

Beaucoup de femmes doivent aujourd'hui choisir entre fermer la porte à l'Ukraine ou prendre le risque de perdre cette protection temporaire. La troisième option, c'est un contrat de travail. Cela leur permet d'obtenir un titre de séjour d'un an, puis de quatre ans. 

Marie Koung Ndembe

Membre de Coallia et coordinatrice du dispositif Urgence Ukraine en Ille-et-Vilaine

Pour accompagner au mieux ces Ukrainiens fuyant la guerre, l'association s'appuie sur une quinzaine de travailleurs sociaux en Ille-et-Vilaine. Ils assurent le suivi individualisé de 247 personnes au quotidien et accompagnent plus ponctuellement 442 autres déplacés. 

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