Audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire de Rennes : les avocats en colère quittent la salle

Les avocats du barreau de Rennes ont quitté l'audience solennelle de rentrée du tribunal sous les applaudissements de leurs collègues ce lundi. Ils exprimaient ainsi leur colère après le discours du procureur de la République, Philippe Astruc, qui évoque une "Giletjaunisation" de l'audience.


"Il ne peut être admis, (...) que l'audience devienne une agora ou le terrain d'expression de revendications. En un mot, il ne peut y avoir de giletjaunisation de l'audience" a déclaré ce lundi Philippe Astruc, procureur de la République, lors de l'audience de rentrée du tribunal judiciaire de Rennes. Des propos visant la mobilisation des avocats en grève contre la réforme des retraites. Une déclaration qui a provoqué la colère de la profession. Les avocats ont d'abord manifesté bruyamment, "clapant" durant l'intégralité du discours, avant de quitter la salle. 
 
Des avocats qui entament ce lundi 20 janvier leur troisième semaine de grève, perturbant le fonctionnement des tribunaux. Ils sont en grève en raison du projet de réforme des retraites, car leur régime jusqu'alors autonome, serait très impacté par la réforme, qui prévoit un doublement de leurs cotisations retraites, pour des pensions moindres à celles garanties aujourd'hui. 
   

Les avocats du Barreau de Rennes, réunis en assemblée générale ont ensuite voté la poursuite de la grève.

 
Extrait du discours du procureur
"L'espace physique et symbolique de l'audience judiciaire est un espace sacré, hors de la cité, où la conflictualité de l'extérieur vient à trouver une régulation suivant des règles précises ou le droit vient remplacer la force. Est ici à l'œuvre un processus de régulation sociale essentiel au fonctionnement de notre société. S'il peut être admis une confrontation intellectuelle entre l'avocat et le procureur, la figure du Juge est elle sacrée et il ne peut être admis que cet espace soit celui d'une revendication.

Je ne peux admettre de voir les pressions quotidiennes faites sur les présidents d'audiences pour accorder des renvois ou prendre acte de telle ou telle demande porteuse de revendication totalement extérieure à l'œuvre de justice.

L'avocat ne se positionne plus en auxiliaire de justice, mais utilise sa robe pour être lui-même l'acteur de la conflictualité au lieu d'en être le porte-parole. Il a cessé de porter la parole d'une défense pour en être lui même le sujet. La confusion est totale. Il n'appartient qu'aux avocats s'ils le souhaitent de jeter ou d'ôter leur robe en guise de protestation, mais à l'audience ils ne peuvent avoir d'autre rôle que celui qui porte la parole de son client et non la sienne.

Admettre que l'audience puisse être le terrain de revendications sociales corporatistes, c'est annihiler cet espace symbolique, le seul existant dans notre société, à tout le moins le dernier à avoir une certaine efficacité. Si cet espace de régulation, pris ainsi en otage, disparaît, je vous le demande, où et comment vont se réguler les tensions sociales ?

L'audience est un bien commun partagé entre les magistrats et les avocats au service de l'œuvre de justice. C'est notre outil de travail et même les organisations syndicales les plus pugnaces savent bien que l'on ne s'en prend pas à son outil de travail.

Je le dis avec solennité, s'il existe des interrogations sérieuses et légitimes sur l'équilibre économique de certains cabinets d'avocats, il ne peut être admis, car cela met en cause des équilibres trop important pour le fonctionnement de notre société, que l'audience devienne une agora ou le terrain d'expression de revendications. En un mot, il ne peut y avoir de "giletjaunisation" de l'audience.
Moi qui me suis battu pour que la place de l'avocat soit pleinement reconnue, je vous demande avec insistance, Madame la Batonnière, mesdames et messieurs les avocats, que soient trouvées d'autres voies et moyens pour faire valoir vos revendications, sauf à devoir faire le triste constat que le sort de l'institution judiciaire vous soit parfaitement indifférent ce que je ne saurais croire."
 
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