À Rennes, 2024 a été marquée par plusieurs fusillades, homicides et tentatives de meurtre liés à l'essor du trafic de stupéfiants. Jusque-là relativement épargnée par le narco banditisme, la capitale bretonne a vu la consommation de cocaïne se décomplexer, en raison notamment d’une baisse vertigineuse des prix.
À Rennes, "les prix ont chuté de manière vertigineuse", en raison d'une "surabondance" de la cocaïne en Europe.
Le constat est signé Guillaume Pavic, de l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT). Ce chercheur est l’auteur d'un rapport annuel très fouillé sur les tendances des usages de la drogue en Bretagne. Et ses chiffres permettent de comprendre à quel point cette drogue s'est banalisée.
"La cocaïne, qui se vendait à 80-100 euros en 2019, est désormais accessible à 50-60 euros, avec des points de deal qui la vendent en "fragmentée", donc dès 30 euros le demi-gramme", souligne-t-il.
Lire aussi : Il a tiré sur instructions, l'auteur des tirs qui ont grièvement blessé un garçonnet est un ado de 16 ans
Une consommation décomplexée
Conséquence de ces "prix plus abordables" : des consommateurs toujours plus nombreux. Une clientèle qui ne se rajeunit pas pour autant "car 30 euros, ça reste une somme importante pour les jeunes."
"La cocaïne est le produit le plus vendu (par les dealers) après le cannabis" à Rennes, signale l'expert. Sa prise, comme celle du haschich, "est totalement décomplexée, (...) les consommateurs n'ont plus peur de dire qu'ils en prennent ou qu'ils en fument."
La Bretagne compte-t-elle plus de consommateurs qu'ailleurs ?
Pour le chercheur, on consomme autant de drogues en Bretagne qu'ailleurs en France. Néanmoins, la présence de nombreux festivals et la forte implantation de free parties en Bretagne ont suscité la banalisation de certaines drogues, comme l'ecstasy.
"Il y a vingt ans encore, l'ecstasy était consommée uniquement en free party, maintenant, elle est présente en contexte festif en général", remarque-t-il. La kétamine, un anesthésiant parfois détourné à des fins stimulantes ou euphorisantes, "suit le même chemin", selon Guillaume Pavic.
Conscients de ce phénomène, de nombreux acteurs culturels musclent leur panoplie de prévention pour protéger les festivaliers. Début décembre, le célèbre festival rennais des Trans Musicales avait ainsi mis en place un stand proposant "du matériel de prévention des risques", comme des pailles, afin de permettre "une prise de cocaïne sans contamination entre festivaliers".
Points de deal et livraisons à domicile
L'essor du marché en ligne peut-il aboutir à la fin des points de deal physiques ? Le marché virtuel, via les messageries cryptées et le darknet, "prend de plus en plus d'ampleur, mais il ne tarit pas pour autant les points de deal à Rennes", selon M. Pavic. "Cela permet d'atteindre d'autres consommateurs, dans des petites villes ou en zone rurale par exemple, avec livraison à domicile", observe-t-il.
À Rennes, "on reste sur des points de vente physiques extrêmement bien installés, qu'il sera difficile de déloger, même avec des moyens répressifs", estime le chercheur.